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JZ ^. P/f.o,
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illlllilililillllllilll
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^//"^.O.
i^
l'on ne cuide,
I poi de pluie.
Icuz encore,
Éit, autre ore;
fctaisir ,
il taisir.
mit voiseii:
aoiseus ,
paingnou :
•.u prenon
ement ,
■leni
ledit,
r mesdii
LE
Emnan î^u Emart.
TOME I.
On peut aussi se procurer cet Ouvrage a Paris:
Chez MM. AiLLAUD, quai Voltaire, n** ai bis.
AiME-ÀND&ii y quai des AugustiDs , n® 59.
PoNTRiEu, Palaift-Royal y n® a5a.
Ret et Gravier y quai des Angustins, n* 55.
M"« V* RoTEE , rue du Pont de Lodi.
DE l'imprimerie DE GRAPELET,
me de Tanglrard » no 9.
LE
Hmnan Itn Ucmti ,
PUBLIE
WapxltB les Miannicrita ie la Hiblxcftï^écpxt in Eoi
PAR
M. D. M. MÉON,
ÉDITEUR DU ROMAN DE LA ROSE , DE LA DEUXIEME ÉDITIOlT DES FABLIAUX
ET CONTES DE BARBAZAN, etc., CtC.
TOME PREMIER.
A PARIS,
CHEZ TREUTTEL ET WURTZ, LIBRAIRES,
RUE DE BOUaBON, N° I7;
A Strasbourg et à Londres, même Maison de Commerce.
M. DCCC. XXVI.
i'iO
AVERTISSEMENT
DE L'EDITEUR.
JLb Roman du Renard a été célèbre dès le com-*
mencement du xiii* siècle , et la preuve en existe
dans ce qu'en a dit Gautier de Coinsi , prieur de
Vic'^'Sur^Aisne 9 mort en ia36. Dans plusieurs des
contes dévots qu'il a traduits , ou composés en 1 233 ^
sous le titre de Miracles de la Vierge^ il cite le
Roman du Renard comme un ouvrage très ré-
pandu , puisqu'en parlant de ses contes il dit que
Plas delitout sont si fait conte
As bones gens ' par Saint Orner ,
Que de Renart ne de Romner, ^
Ne de Tardiu le limecon.
Il dit ailleurs que le succès de ce Roman étoit
déjà tel, que plusieurs personnes en faisoient
peindre les aventures dans leurs appartemens. 11
reproche même à certains provoires d'employer
plutôt leur argent à orner leurs chambres de ces
représentations profanes qu'à placer dans leurs
églises une image de la Vierge :
En lenrs monstiers ne font pas faire
Sito!it l'image Nostre Daine
Com font lâangrin et sa famé
En leur chambres où il reponnent.
■ * Personnes pieuses.
* Ce personnage n*est pas dans le Roman.
vj AVERTISSEMENT
La réputation dont a joui louvrage de Pierre
de Saint-Gloud , auteur de la première branche de
ce Roman a excité la verve de plusieurs de nos an-
ciens poètes , qui ont imaginé d'autres tours pour
y faire suite ; mais en gardant l'anonyme , Richard
de Lison est le seul qui se soit fait connoître.
L'ordre des branches n'étant pas le même dans
les' douze manuscrits sur lesquels j*ai collationné
ce Roman , j'ai cherché à en étabUr un qui les liât
ensemble de manière à en former un tout ; je désire
que la classification que j'ai adoptée soit jugée la plus
convenable. Autant qu'il m'a été possible, j'ai pro-
fité des variantes que m'offroient quelquefois ces
différens manuscrits, et j'en ai augmenté mon texte.
A la suite de l'ancien Renard, j'ai cru devoir
donner une pièce ayant pour titre le Couronnement
de Renard y dont il n'a élé fait aucune mention
jusqu'aujourd'hui. Il est dédié par l'auteur à Guil-
laume , jadis comte de Flandre * , ce qui fixe
' Ce comte Guillaume étolt fils aîné de Marguerite ii ,
comtesse de Flandre en 1344» P^^ 1^ mort de Jeanne sa sœur,
qui n'avoit pas laissé d'enfant; et de Guillaume de Dampierre^
second fils de Gui 11 de Dampierre, et de Mathilde, héritière
de Bourbon. Les éditeurs de JoinyiUe se sont trompés dans
la table des matières en supposant qu'il y ayoit deux Guil-
laume , père et fils , comtes de Flandre. Guillaume de Dam-
pierre étoit mort depuis trois ans , lorsque Marguerite devint
héritière de ce comté. Guillaume , son fils ai^é ^ ayant été tué
eu laSi, ainsi qu'il est dit plus haut, ce fut Gui, son second
fils, qui lui succéda lorsqu'elle mourut en laSo, et l'auteur
du Couronnement en parle sous le titre de marquis de Namur,
dont il dit que les sentimens étoient les mêmes que ceux do
son Crère Guillaume.
DE L'ÉDITEUR., vij
l'époque de sa composition après le milieu du xiii*
siècle. Ce seigneur, qui aVoit accompagné Saint-
Louis dans sa première croisade en 1248, et qui
avoit reçu à la journée de la Massoure , en laSo ,
plusieurs blessures dangereuses , prit congé du
roi le lendemain de la délivrance des prisonniers
pour revenir en France. Cependant Joinville, qui,
toutes les fois qu'il a occasion d'en parler , le qua-
lifie de comte de Flandre , dit que le roi le con-
sulta encore plusieurs fois depuis cette époque.
S'il ne revint pas en France immédiatement après
avoir pris congé du roi , il y étoit certainement de
retour dans le commencement de l'année i25i ,
puisque le 6 juin de cette même année , il fut tué
dans un tournoi à Trasegnies eu Flandre '. Ce
fait est rapporté par Fauteur du Couronnement,
vers 78 et suivans ; il donne même à entendre que
ce fut par trahison.
Mais quel est l'auteur de cette pièce ? Je suis
très porté à croire que c'est Marie de France. Elle
a dédié ses fables à un comte Guillaume qui étoit ,
suivant elle , le plus vaillant du royaume de France ;
car elle dit positivement qu'il en étoit *. Elle ré-
pète dans le Couronnement les mêmes éloges de
' Voyez y Art de vérifier les dates, article des comtes de Flandre,
^ Marie ai num, si soi de France,
Par amur le cnmte Willaume ,
Le plus Taillant de cest royaume ,
M'entremis de cest livre feire.
{Épilogue de ses Fables.)
Tiij AVERTISSEMENT
ce comte Guillaume , qu'elle désigne plus particu-^
lièrement en le qualifiant de comte de Flandre,
et Joinville ne l'appelle pas autrement, quoique-
Marguerite sa mère vécût encore. EUle annonce sa
mort tragique dans un tournoi , et on vient de lire
comment cette nâort est décrite dans le Courons
nement de Renard. Elle se nomme, il est vrai, à
la troisième personne vers la fin de la pièce qu'elle
termine par annoncer les fables d'Esope, et ces
fables suivent effectivement le Couronnement dans
le seul manuscrit qui en existe à la Bibliothèque
du Roi , et qui est du xiii' siècle : il est remar-
quable qu'elle s'exprime de la même manière dans
le lai de Gugemer. D'ailleurs dans le Roman du
Renard y Pierre de Saint-Gloud, Richard de Li*
son , etc. , en ont fait de même , et un grand nombre
de nos anciens trouvères ont suivi la même mé«
thpde. *
Dans aucune de ses pièces , Marie n'a parlé de
sa patrie ; elle s'est contentée de dire qu elle étoit
de France ; msds dans les nouveaux regrets qu'elle
exprime vers la fin du Couronnement sur la mort du
comte Guillaume, il y a quelques vers qui pour*
roient faire présumer qu'elle étoit Flamande '. Elle
dit au vers Sa 58 :
Argent, pour toi pierdu avons
No bon singnour qui tant yaloit.
' J'ignore d*après quelle autorité il est dit , dans le tome xvf-
de V Histoire littéraire de France, page 309 , que Marie étoit Bre-
tonne; ce ne peut être, je crois, qu'une induction tirée de-
ses lais y dont presque tous les sujets sont Bretons.
DE L'ÉDITEUR. ix
et aux vers 33o2 et suivans :
Mors, de çou, sachîés, ne dout mie
Que puis que ti mUns sire est mors,
Ses nons encor n'est mie mors.
Je n'ai rien trouvé de plus sur cette femme célèbre ,
si ce n est au vers 182., qui pourroit faire soup-
çonner cju elle étoit mariée avec quelqu'un qui ne
la rendoit pas heureuse :
Et dont puis qu'il vaut mius tous mors
I C'uns vilains njis à cui sui omors,
Jacquemars Giclée , de Lille en Flandre , est au-
teur de Renart le Notwel qu'il composa vers la
fin du xiii" siècle. Je n'en ai vu que quatre manu-
scrits dont la date est différente ; on lit celle de 1 288
dans celui de Lancelot, n** 38; celui de La Vallière,
n° 2736, porte la date de 1289 ; le n® 761 5 , celle
de 1290 , et celui de Gange , n° 69, celle de 1292 :
la musique n'a pas été notée dans le manuscrit de
Lancelot , et dans les autres elle est différente.
Quoiqu'à sa naissance ce poëme ait eu presque
autant de succès que l'ancien , il ne fut jamais pu-
blié. Jean Tenessax l'a traduit en prose dans le xv^
siècle , sous le titre : Le liseré de maistre Regnard et
de dame Hersant sa femme , Iwre plaisant et face'-
tieuxj contenant maintz propos et subtilz passages
couvers et celiez pour moustrer les condiions et
meurs de plusieurs estatz^ et offices, comme sera de--
claré^y après. Paris, Philippe Le Noir, in-4° ^n&
date.
Cette traduction est diviisée en deux Livres
X AVERTISSEMENT
comme Toriginal; le premier contient vingt-trois
chapitres , et le second cinquante. A la suite de la
plupart des chapitres , il en a tiré une moralité
sous le titre d'exemple. Prosper Marchand ne con-
noît que trois éditions de cette traduction, une
du XV* siècle , et les deux autres du xvi*. Paquot ,
dans son Histoire littéraire des Pays-Bas y en an-
nonce davantage; mais il paroit confondre l'ancien
avec le nouveau Renard.
, Les manuscrits de celui-ci sont terminés par une
grande figure allégorique dont Prosper Marchand
donne ainsi la description : « Geste figure dernière
« est une grande roue maniée par fortune , sus le
« hault de laquelle siet maître Regnard, adextré
« d'orgueil, et asenestré de dame Guille, qui l'as-
« surent que jamais ne cherra , ayant pour con-
« seiller deux sortes de gens dé religion , lors fort
<c haïs et mal-voulus , pour les entreprises qu'ils
« faisoient sur toutes sortes d'estats. » On en veut
là , sans doute , aux Dominicains et aux Francis-
cains , dont les maximes et les dissensions scanda-
lisoient dès-lors toute la chrétienté.
Henri d'Alcmaer, qui étoit probablement de la
ville dont il porte le nom, fut maître d'école , et
choisi pour précepteur du duc Antoine, fils de
ReQé II, duc de Lorraine. Il mit, vers 147O5 le
Roman du Renard en vers basrsaxons , et en tira
des moralités pour l'éducation de la jeunesse;
mais son ouvrage ne fut imprimé qu'en 149S9 à
Lubeck , in-4°^
Ce Roman a eu une telle réputation en AUema-
/
DE L'ÉDITEUR. xj
gne, que,. grâce à Tobligeance de M. Van-Praët,
je pourrois en citer au moins vingt-quatre éditions
différentes tant en prose quen vers, sans com-
prendre le charmant poëme de Jean Wolfgang
Goethe qui la divisé en douze chants»
Gérard Leeu Timprima en prose flamande à
Goude en i479i in-4° ; cinq autres éditions dans
la même langue ont suivi celle-là.
Guillaume Caxton le traduisit du hoUandab en
anglais, et le mit sous presse dans l'abbaye de
Westminster, en i48i , in-folio; et depuis cette
première , il en parut quatre autres à Londres.
Deux éditions ont été publiées en danois, une
à Lubeck en 1 5 5 5 , et Tautr e à Copenhague en 1 6 5 6 ,
toutes deux in-4°*
11 en a été donné cinq de la traduction faite
par Hartman Schopper , dont la première fut im-
primée à Francfort-sur-le-Mein en 1 367 , in-8**,
et réimprimée quatre fois depuis dans la même
ville.
Indépendamment de ces différentes traductions^
la Bibliothèque du Roi possède un manuscrit
du XIV* siècle , ayant pour titre : Dialogus Isengri^
num inter et Renardum versibus elegicLcis , qui qid"
dem Dialogus satjricus Jacobo Merlandro tribuUur
a Steph. Baluzio. Ce. dialogue renferme plusieurs
branches du Roman du Renard,
Une chose très remarquable sur ce Roman , c'est
.qu'il a été traduit et imprimé dans plusieurs lan-
gues y et qu'il n'a jamais été publié dans sa langue
originale ; car on ne peut regarder comme des édi-
xij AVERTISSEMENT
tions de cet ouvrage , ce qui a été imprimé en fran-
çais. Si on excepte les traductions du Nouveau Re-
nardy le reste n ofiEre que des extraits fort imparfaits.
Il existe encore à la Bibliothèque du Roi deux
manuscrits , ayant pour titre le Renart Contrefait ,
c'est-à-dire imité. Le premier, sous le n® 7680 (4),
fonds de La Marre , contient environ 3 2,000 vers.
L'auteur anonyme dit qu'il s'est livré à cet ouvrage
pour éviter l'oisiveté. Il l'a commencé en iSao ;
s'est souvent levé du matin pour consulter les au-
teurs tant en roman qu'en latin : aussi en cite-t-il
beaucoup d'anciens , même la Bible , pour prou-
ver qu'autrefois les animaux parloient. Après avoir
rendu compte d'un conseil tenu par les animaux ,
et dans lequel Renard est d'avis que le pauvre doit
être foulé ; l'auteur vient au roman d!Atis et Pro-
^lias» Il dit , en parlant de la bataille de Bouvines ,
que Ferrand avoit fait voiturer des cordes pour
lier et garrotter les Français , et qu'elles servirent
à le lier lui-même. Après avoir rapporté l'histoire
d'Alexandre , il donne une chronologie des empe-
reurs , des rois de France et des papes. La dernière
date que j'y ai trouvée est i368.
L'autre manuscrit, dans le fonds de Lancelot,
n° 6985 (3), est également d'un auteur anonyme qui
étoit de Troyes. Il contient environ 19,000 vers.
Le Grand d'Aussi en a fait un extrait assez étendu ,
qui a été imprimé dans le cinquième volume de
la Notice des manuscrits de la Bibliothèque du RoL
Il y a quelque ressemblance avec le précédent, A
la page 36 , il rapporte un conseil donné par Pierre
DE L'ÉDITEUR. xiij
Alphonse de se méfier de ceux qu'on ne connoît
pas. Enfin , on lit à la page 83 :
Cellui qui ce rommant escript ,
Et qui le fist sans faire faire ,
Et sans prendre aultre exemplaire ,
Tant y pensa et jour et nuit
En Tan mil trois cent vingt et huit y
En ayalant y mist sa cure ,
Et continua Tescripture ,
Plus de treize ans y mist au faire
Ainçois qu'il le péust parfaire.
On lit dans le premier volume du Ménagiana
larticle suivant:
J'ai eu en communication pendant deux jours
un roman manuscrit in-folio ancien de près de
quatre cents ans , intitulé : Le Renard Contrefait ,
c'est-à-dire le Renard représenté^ parce que l'auteur
y suppose que le lion , roi des animaux , les ayant
tous mandés à sa cour, le renard s'y. rend des pre-
miers. Que là pour se faire de fête \ après l'avoir
entretenu de quelques moralités , il n'entreprend
pas moins que de lui déduire ensuite l'histoire uni-
verselle tant profane que sacrée , le tout en vers
de quatre pieds , qui occupent les 3 1 2 premières
pages du Livre; les 121 dernières sont en prose,
et contiennent le reste de l'histoire depuis l'empire
d'Auguste jusqu'à la première année du règne de
Philippe de Valois. L'auteur , dont on ne sait pas
le nom, s'est contenté de nous apprendre qu'il
étoit de Troyes, qu'il a commencé son ouvrage
en i3i9, et qu'il l'a fini en iSaS. Il se qualifie
xiv AVERTISSEMENT
clerc en plus dun endroit, c'est-à-dire homme
de lettres, et non pas d*église; sur quoi il s'expli-
que avec beaucoup de naïveté en ces termes,
page 4S , col. 2.
Nouvel écrit et nouvel fait
Que cil Clerc a encores fait,
Clerc non , car coronne n'ot point ,
Par femme perdit-il ce point :
Le grand Diable ait de celui Tame
Qui premier établit bigame.
Et m*en tais, n'en puis autrement.
Et poise moi certainement.
Il y a nombre de traits cyniques , quelques uns
de piquans contre les moines , des raisonnemens
ingénieux, quoique bruts et sans ornemens : ce
petit conte , par exemple , dont La Fontaine au-
roit fait un chef-d'œuvre. Il se trouve pages 47
et 48.
Un baut bom , Cbevalier étoit ,
Qui une damoiselle amoit
Plus assez qu'il ne fut raison.
Ce Cbevalier fut très-laid bom ,
Laid fut de corps et de tout membre ,
Comme Tbistoire le ramembre.
Saiges étoit parfaitement
Fors que d'amer tant seulement.
.La Damoiselle qu'il amoit,
Bestiaux , sote et nicbe étoit ;
Mais elle étoit belle à devis
De façon, de corps et de vis. ,
Plus belle ne pourroit-on querre
Par le pays , ne par la terre.
Le Cbevalier veut celle avoir
Qu'il ama plus que nul avoir,
DE L'ÉDITEUR. xv
Pour ce que belle lui sembla.
Tous ses amis en assembla,
Et leur dit ; je veuil avoir cette ,
Nulle autre femme ne me haite.
Lors ses amis luy répondirent ,
Et tretous proprement lui dirent :
Sire , vous savez sa manière.
Je sais bien que belle et sote iere.
Si TOUS dirai qu'en ayendra ,
Véoir le peut qui l'entendra :
Pour voir, enfans aura de moi ,
Et savez-Tous que je y voi ?
Très beaux pour cause de la mère,
Et saiges pour cause du père ,
Si qu'ils seront e.t bel et saige,
Avoir ne peuvent mendre usaige.
Sur cAorts et sur cet espoir
Veut cil la Damoiselle avoir. «
Ensemble en mariage furent ,
Enfans eurent tels comme ils durent
Laids et hideux de par le père ,
Sots et niches de par la mère,
Tretout le contraire lui vint
De ce que pour vérité tint.
D après ce quon vient de lire, on peut conclure
que ce dernier manuscrit contient le même roman
que celui de Lancelot ; mais beaucoup plus étendu.
Ménage ne donne aucun renseignement sur son
propriétaire, de sorte quon ne sait ce quil est
devenu.
xvj AVERTISSEMENT
PROVERBES QITI SE TROUVENT DANS LE ROMAN
OU RENARD.
39 A des«nor muert à bon droit
Qui u*aime liyre ne ne croit.
177 Le fei liez ne sera
Le jor qu*autrui n*engingnera.
i85 Envie est teUe racine
Où touz li max prenent orine.
783 Ce qui est fet n'est mie à fere.
83i .... Moult a entre fere et dire.
1 1 86 Cil qui tôt coyoite tôt pert.
161G .... Fox ne crient tant qu'il soit pris.
1679 N'est si sage qui ne foloit.
ao58 Encontre yezié recuit. #
a 160 •. . . . Cil en porte la colée
Qui s'entremet d'autre engingnier. ^
2\yS .... Il est viz et mal yenuz
Qui de riens ne se puet aidier.
a 284 Moult vaut un poi d'afaiteroent
Que ne fet assez vilanie
Ne plain un y al de lécher ie.
3714 Moult vaut hons qui set de baraz.
4077 Entre bouche et quillier
Ayient sovent grant enconbrier.
4100 De pecheor miséricorde.
4905 Besoing si fet yielle troter.
5i5o Tant grate chievre que mal gist.
5466 Biau chanter anuie
Et nuit aucune foiz ensemble.
599a .... Moult anuie qui atent.
6070 .... Qui bien voit, et mau prent,
S'il s'en repent , c'est à bon droit.
61 65 .... Cil reprent la meillor voie
Qui par autrui sens se chastoie.
DE L'ÉDITEUR. xvii
6485 .... En cest monde n'a si sage
Qui à la foiz n'ant au folage.
65i I ....... n feit malyès atendre
En leu où l'en ne puet riens prendre.
7121 Selon les eures et le tens
A bien mestier folie et sens.
7280 La maie garde pest le Leu.
744'^ Cil dit moult bien qui set conter
G'une foiz doit le pot verser.
7734 Nus n'amende s'il ne mesf^it.
8410 .... De tel seigneur tel louier.
88a 8 ..... Grant yent chiet 9 poi de pluie.
10456 .... A enyis ou yolentiers
Convient au sene aler le prestre.
ii63i .... Puis <pie hom est entrepris
Et par force liez et pris ,
' Bien puet-1'en véoir au besoing
Qui l'aime et qui de lui a soîng.
ia8o4 Bien escorche qui le pié tient.
ia853 Feme mesprent à foiée.
i3o6o Qui merci crie |iura pardon.
13598 De deus max prent-en le menor.
i36o9 Fortune secort les hardiz.
i3648 Après grant joie vient grant ire,
Et après Noël vente bise.
i365o Tant va pot à l'eve que brise.
13701 James uns prodons n'ert amez,
Li plus loiax est plus blasmez.
i4i6o .... Tex ne pèche qui encort.
x444a Qui mal chace , mal li avient.
i5oo6 Poi sont de famés sanz boisdie.
Par famé est plus noise que pais.
i5566 Qui aise atent, aise le fuit.
15574 Trop est cil fol qui fol afole.
ï. b
xviij AVERTISSEMENT
i5594 Eschaudez eye crient.
15730 Qui ayient nne, n*avîent seolle.
iSqSo Un jor de respit cent sols vaut.
iSgSs Après le doil vient la grant joie.
x594s Vilain ment volontiers toz tens.
16078 .... Il ne set qu*à Toil li pent.
16260 II n'est si grans max qui n'ait ,
Ne bien qui ne nuise par eures.
16438 Si est-il et raison et droit
Del engigniere qu'en l'engint.
16959 .... Qui ne trove, ne prent.
18363 Fox est qui vers seignor estrive.
18438 .... Tel quide son duel vengier
Moult bien qui son anui porcbace ,
Et son domage quiert et chace.
18455 Droiz est qui mal vieut faire autrui,
Que-le mal s'en vaingne par lui.
3 06 16 Tex est febles qui devient fort.
20618 Au besoing voit-on son ami.
20864 Tex cuide gaignier qui pert.
Et autre enborse le gaain.
21334 • • • • Cil n'abat pas qui ne luite.
31975 Toz jors siet la pome el pomier.
37783 Foux est qui croit sa foie pense ,
Moult remaint de ce que foux pense.
37805 ..... Qui pou emprunte, pou rent.
37819 .... Qui euvre selonc reson,
Ne l'en puet venir se .bien non.
Moult est fox qui meine posnée
De chose qui li est prestée.
37839 Ou tost ou tarty ou près ou loing
A li fort du foible besoiog.
27949 N'est, pas tôt or ice qui luist.
Et tiex ne puet aidier qui nuist.
DE L'ÉDITEUR. xix
i
DU COURONNEMENT.
i58 Don fust
Cou kint, sovent est-on batu.
177 Ja nus ne baera à chose
Qu'il n'i vigne cornent qu'il chose.
377 .... Fox est cil qui bien esta ,
S'il se remue et il Ions va
Seur espérance d'ayoir mieus.
399 .... Teus cuit iestre moult sénés
Qui tost se croke sor le nés.'
4o5 D'escoufle puet-on bien savoir
Que hairon n'en puet-on avoir.
1288 Teus au main sue
Qui à vîespre a froit.
j354 Mius vaut engins que ne fait forche.
a3ai .... Se barbes le sens en usent,
Bouch et chèvres moult sage fusent.
3i65 L'oume qui dou Renart ne seit.
Ne doit-on tenir à seneit.
3i83 .... Il est voirs que mius moult vaut
Uns mors cortois c'uns vilains vis.
DU RENART LE NOUVEL,
I Ki le bien set , dire le doit.
680 En poi d'eure à home mesciet.
807 Par traiteur sont decéu
Maint preudomme.
io34 • • • . Mauvaise haste n'est preus.
1840 De privé laron
Se puet nus à paines gaitier.
aoo5 Par mauvais consel mains hosteus
Est hounis.
s 008 Onques ne fai ton conseillier
D'orne ki ne soit de boin non.
XX . AVERTISSEMENT , etc.
30x8 Nus n'est sour qui on ne mesdie.
1035 Ne puet durer
Larges cuers por riens à Tayer.
2087 Kiconques fait dou sierf signor.
Lui et son règne en grant dolour
Met.
ao43 Pas ne folie
Hom ki par autrui se castie.
Sires ki mauvais conseil croit,
Lui méismes ayant déçoit.
ao49 Onques princes escars n'ayers
A bien ne yient.
3391 Sages est ki fait de son tort
Son droit.
3870 .... On dist souvent que grans pais
Gist en bien grant gerre à le fie.
3797 Ausi grant cop fiert uns yilains
C'uns qnens fait, u c*uns castelains.
3s53 Cascuns ne set c'a l'oel li peut.
3537 .... On dit qui a mal yoisin
Que il a souvent mal matin.
3750 .... On voit souvent avenir
Ke teus kiet souvent entre pies
Ki puis vient deseure tous liés.
3913 Teus est tous haitiés au jor d'ui ,
Espoir ne vivera demain.
4539 Se cascuns punis
Estoit de ses meffais, avis
M'est qu'il n'est nus, ne haus, ne bas ,
Ki bien ne péust dire hélas !
* 5s3o Je di que souvent de ses droits
Retolt norreture è^ nature.
5478 Vivre ù monde n'est mie fieste.
5895 . . . . Li mors prent tout à son kius ,
Sitost les joueiies com les vins.
6344 Mauvais fait croire quanc'on ot.
65i4 II s'essauce ki s'umelie.
ROMAN
€'tet la brancl)^ îr^ Eenart tt Vt)fi^tnffcxn ctm il
xmxetA ie la mer*
Seigwor , oï avez maint conte
Que maint conteres vos aconte ,
Coment Paris ravi Helayne ,
Les max qu'il en ot et la paine ,
De Tristram qui la chievre fist ' ,
Qui assez bêlement en dist
Et fables et chançons de gestes :
Romanz du leu et de la beste
Maint autre conte par la terre ;
lo Mais onques n'oïstes la guerre
Qui tant fu dure de grant fin
Entre Renart et Ysengrin ,
^ Qui moult dura et moult fu dure.
Des deus barons ce est la pure ,
Onques ne s'entr àmerent jor ,
Mainte mellée et maint estor
' Episode du Roman d^ Tristan, sur lequel Marie de France
a fait un lai.
I. r I
ROMAN
Ot entr'aus deus , ce est la voire :
Dès or comencerai l'estoire
Et de la noise et del content.
20 Or orrez le commencement
Par qoi et par quel mesestance
Fu entre eus deus la deffiance.
Or oez , si ne vos anuit ,
Je vos conteré par déduit
Conment il vindrent en avant,
Si con je l'ai trové lisant ,
Qui fu Renart et Ysengrin.
Je trovai jà en un escrin
Un livre , Aucupre avoit à non :
3o Là trovai-je mainte reson
Et de Renart et d'autre chose
Dont l'en doit bien parler et ose.
A une grant letre vermoille
Là trovai-je mainte mervoille ;
Se je ne la trovasse el livre ,
Je tenisse celui por yvre
Qui dite éust tele aventure;
Mes Ten doit croire l'escripture.
A desenor muert à bon droit
/io Qui n'aime livre ne ne croit.
Aucupre dist en celé letre
( Bien ait de Diex qui li fist mètre ! )
Come Diex ot de paradis
Et Adam et Evain fors mis
DU RENART.
Por ce qu'il orent trespassé
Ce qu'il lor avoit conmandé.
Piliez l'emprist, si lor dona
Une verge , si lor mostra
Qant il de riens mestier auroient ,
5o De cete verge en mer ferroient.
Adam tint la verge en sa main ,
En mer feri devant Evain :
Sitost con en la mer feri ,
Une brebiz fors en sailli.
Lors dist Adam, dame, prenez
Geste brebiz , si la gardez ;
Tant nos donra let et fromage ,
Assez i aurons compenage.
Evain en son cuer porpensoit
60 Que s'ele encor une en avoit,
Plus belle estroit la conpaignie.
Ele a la verge tost saisie ,
En la mer feri roidement :
Un Leus en saut, la brebiz prent,
Grant aléure et granz galos
S'en va li Leus fuiant au bos.
Qant Eve vit qu'ele a perdue
Sa brebiz , s'ele n'a aïue ,
Bret et crie forment , ha ! ha !
70 Adam la verge reprise a,
En la mer Sert par mautaLent ,
Un chien en saut hastivement.
ROMAN
Quant vit le Leu , si lesse corre
Por la brebiz qu'il velt rescorre.
H li resquest : moult à enviz
L'a laissé li Leus la brebiz ;
Si feroit-il encor demain
S'il la tenoit n'a bois n'a plain,
Por ce que mesfet ot li Leus ,
80 Au bois s'en foui tôt Iionteus.
Quant Adam ot son chien et sa bestc ,
Si en ot grant joie et grant feste.
Selonc la sentence del livre
Ces deus bestes ne puent vivre
Ne durer mie longement,
S'eles n'estoient avec gent.
Ne savez beste porpenser
Miex ne s'en puisse consiévrer.
Toutes les foiz c'Adam feri
90 En la mer, que beste en issi,
Celé beste si retenoient ,
Quele que fust, et aprivoient.
Celés que Eve en fist issir,
Ne pot-il onques retenir ;
Sitost con de la mer issoient,
Après le Leu au bois aloient.
Les Evain asauvagisoient ,
Et les Adam aprivoisoient.
Entre les autres en issi
100 Le Gorpil , si asauvagi :
DU RENART.
Rous ot le poil conme Renart ,
Moult par fu cointes et gaingnart :
Par son sens toutes decevoit
Les bestes qanqu'il en trovoit.
Icil Gorpil nos senefie
Renart qui tant sot de mestrie :
Tôt cil qui sont d'engin et d'art
Sont mes tuit apelé Renart.
Por Renart et por le Gorpil
iio Moult par sorent et cil et cil.
Se Renart set gens concilier ;
Le Gorpil bestes engingnier.
Moult par furent bien d'un lignage
Et d'unes meurs et d'un corage.
Tôt ensement de l'autre part
Ysengrin li oncles Renart,
Fu , ce sachiez , moult fort roberre ,
Et par nuit et par jour fort lerre.
Icelui Leu senefia ,
1 20 Qui les berbiz Adam roba ,
Tôt cil qui sorent bien rober,
Et par nuit et par jor embler ,
Sont bien à droit dit Ysengrin.
Cist furent bien endui d'un lin ,
Et d'un pansé et d'un corage ,
Larron furent tuit d'un aage ,
Et Ysengrin apele-l'on
Le Leu par iceste acoison.
ROMAN
Dame Hersent resenefie
i3o La Louve qui si est haïe,
Que si par est aigre d'anbler,
Bien puet celé Hersent senbler.
Celé Hersent la lentilleuse,
Qui famé ert Ysengrin espeuse ,
La Gorpille le senefîe ,
Car moult set d art et de murtrie ;
Se Tune iert mestre abaeresse ,
Et l'autre mestre lecharesse ,
Moult furent bien les deux d'un cuer,
140 L'une fu l'autre. '. . . . suer
Por Richout la famé Renart
Por le grant engin et por l'art
Est la Gorpille Richeut dite ,
Se l'une est chate , l'autre est mite.
Moult a ci bone conpaignie ,
Et l'une et l'autre senefie.
Gist quatre furent bien asanblé ,
Cinz ne furent mes tel trové.
Se Ysengrin est mestre lerre ,
i5o Ausi est li rous forz roberre :
Si Richeuz est abaiaresse ,
La Gorpille est fort lecharesse,
Por ce qu'erent si d'un train ,
Estoit Renart niés Ysengrin;
' Il y a ici un mot illisible.
DU RENART.
Por ce que si bien s'entr'amoient
Et qu'ansanble sovent aloient ,
Li Leus dou Gorpil fait neveu ,
Et li Gorpiz oncles doii Leu.
Si faitement con je vos di ,
160 Sont entre eus parent et ami ;
Ne s'apartienent autrement
Se mes bons livres ne me ment ,
Por ce que le Gorpil disoit ,
Qant il avec le Leu aloit ,
Biaus oncles , que volez- vos fere ?
Le voloit à s'amor atrere.
Li Leus disoit par amor fine
Au Gorpil vers qui n'ot haine ,
Par amitié s'entr'apeloient
170 Oncle et neveu qant se véoient.
A Renart puet-Fen bien aprendre
Grant sens qui bien i velt entendre :
Car cil Renart nos senefie
Cens qui sont plain de félonie ,
Qui ne finent del agaitier
Con puissent autrui engingnier ;
Ne jà le fel liez ne sera
Le jor q'autrui n'engingnera.
Al engingnier li sont onni
180 Privé , ou estrange ou ami :
Jà un sol n'en espargnera ,
Jà si chier ami ne sera ^
8 ROMAN
Et avec celé félonie
A-il le cuer toi plain d'envie ,
Et envie est tele racine
Où touz li max prenent orine.
Avec félonie et envie
Escharsetez est lor amie,
Et escharsetez est tel chose
190 Que toz tens a la borse close.
Escharsetez est une vice
Qui forment aime avarice :
Avarice a le mont sorpris ,
Cil est clamez dolent , chaitis ,
Ne rente n'a , se il n'usure.
Or ai parlé outre mesure ,
Que cil qui les granz rentes ont ,
Ce sont cil qui grant mal en font ;
Moult en puet-l'en vilment parler,
aoo Mes je n'ai soing de plus conter.
Une riens vos voil acointier,
Ne vos devez esmerveillier
Se j'ai mis en cëst mien traitié
Que de Renart ai coramencié ,
Si con l'en parole d'autrui ,
Con vos porroiz oïr encui
De dant Renart et d'Ysengrin ,
Car ce content nostre voisin
Que une anesse parla jà
aïo Que un prophète chevaucha ;
DU RENART.
Balaam Toi apeler,
Por ce le sai ici nomer.
Bellaac un roi l'ot mené ,
Tant li ont pramis et doné
Par mautalent et par grant ire ,
Tout le pueple Israël maudire.
Nostre sire nel' volt soufrir.
Son ange fist devant venir,
A une bien tranchant espée
aao La voie a à celui véée.
Cil point lasne del aguillon
Par derrière sor le crespon ,
Des espérons le destraingnoit ,
Et du chevestre le feroit.
L'asne n^osoit avant aler,
Par force le covint parler,
Et Diex le volt qu'ele parla ,
Et le Profête raconta :
Diva ! fait-il , lesse m'ester ,
a3o Diex^ne me lesse avant aler.
Cil DicK si li vient à plaisir,
Puet encore bien consentir
A parler les bestes sauvages ,
Et les usuriers fere larges.
Or avez bien oï atant
Conment il sont venu avant
Renart et Ysengrin li Leus ,,
Or redevez oïr des deus ,
ROMAN
Si vos conteré de lor vie
Ce que j'en sai une partie.
Toz malades ptaïn de raoncle
Vint Renart un jor à son oncle :
Dist Ysengrin , biaus niés , q'as-tu ?
Moult te voi ore confondu.
Ce dist Renart , malades sui.
Voire , biau niez , menjas-tu hui ?
Nenil , sire , ne n'ai talent.
Levez-vos sus , dame Hersent ,
Fêtes li un petit de haste
De deus roignons et d'une rate.
Renart se séoit toz enbrons ,
Pensoit qu'il éust fet bacons :
Un petitet leva la teste ,
Troi bacons vil pendre à la Teste ;
En sorriant as bacons dist ,
Moult par est fox qui là vos niist.
Haï ! biax oncles Vsengrin ,
Jà sont-il tant malvez voisin ,
Tiex puet là voz bacons véoir
Qui en voudra sa part avoir.
Isnelement les despendez ,
Dites qu'en les vos a emblez,
Dist Ysengrin, n'en goustera
Tiex , con je cuit , qui les verra ,
Dont conmença Renart à rire.
Nel' porrez , dist-il , cscondire ,
DU RENART. ii
Tiex hons vos en porroit rover.
Dist Ysengrin , lessiez ester,
Je n'ai frère , neveu ne nièce
270 A qui j'en douasse une pièce ;
Por lui le dist et por son père ^
Et por sa famé et por sa mère.
Ne demora mie granment
Que Renart vînt tôt coiement
En sa meson qant il dormi ,
Tout coiement la descovri
Par tel vertu i seut ses cors ,
Les trois bacons en sacha fors ;
En sa meson les enporta ,
a8o Et par pièces les despeça,
En son lit les mist en l'estrain.
Ysengrin est levez par main,
Il vit sa meson descoverte
Et de ses troi bacons la perte :
Ahi ! dist-il , dame Hersent ,
Gonchié somes laidement.
Ele saut sus conme desvée
Toute nue et esçhevelée ;
Diex! dist-ele, qui a ce fait?
290 Ci a estout , domage et lait.
Ne le sevent sor qui souchier,
N'a entre eus deus que corocier.
Conme ce vint après mengier,
Renart s'en vint esbanoier
la ROMAN
En la meson moult liéement,
Son oncle trove moult dolent.
Oncles, dist-il, que avez-vos?
Pensis vos voi et corouços.
Biaus niez , dist-il , bien sai de qoi ,
3oo Perdu sont mi bacon tuit troi ,
S'en ai au cuer dolor et ire.
Oncle , dist-il , or devez dire ,
Se vos dites aval la rue ,
Que celé char aiez perdue ,
Fuis ne vos en rovera mie
Parent , ne ami , ne amie.
Biax niez , fet-il , por voir te di ,
Perdu les ai , ce poise mi.
Renart respont , ainz n'oï tâl ,
3 10 Tiez se plaint n'a mie de mal :
Bien sai qu'en sauf les avez mis
Por voz parenz, por voz amis.
Diva ! fet-il , es-tu gabere ,
Foi que tu doi l'ame ton père ,
Et ne croiz-tu ce que je di ?
Toz tens dites , dist Renart , si.
Renart , or dist dame Hersens ,
Je cuit vos estes fors du sens ;
Se nos nés eussions perduz ,
320 Jà escondit n'en fust renduz.
Dame, dist-il, je le sai bien
Que moult savez d'art et d'engien ;
DU RENART. i3
Nequedent tant i a de perte y
Yo meson avez desco verte ,
Or dites par là en sont tret.
Par Dieu , Renart , si sont-il fet.
Renart respont, ce devez dire.
Renart , n'en ai talent de rire ;
Ce poise moi qu'il sont perdu ,
33o Grant domage i avon eu.
Atant s'en va Renart joianz ,
Et cil remestrent tuit dolenz :
Ce fu des enfances Renart.
Tant aprist puis d'engin et d'art ,
Que il en fîst puis maint anui
Et à son oncle et à autrui.
Cil plet fil atant definez ,
Et Renart s'est acheminez ,
Et s'en vet par le bois fendant ;
340 Par une roche en un pendant
S'en vet Renart les saus menuz ,
Ses amis a bien confonduz,
Car bien est des bacons délivre.
Fuiant s'en vet tôt à délivre ,
One ne fina et tant s'esgaie ,
Qu'il s'enbati en une haie
Par desus une fosse oscure.
Là il avint une aventure
De qoi il li anuie et poise ,
35o Qar par ce conmença la noise
i/i ROMAN
Par mal pechié et par déable
Vers Ysengrin le conestable.
Qant il vit la cavée roche ,
Ne set que est , avant s'aproche
Et por enquerre et por savoir
Où il péust repos avoir.
Ainz n'en sot mot que il s'avale ,
Qu'il se trova enmi la sale
Dant Ysengrin son bon ami. '
36o Quatre Loviax gisent enmi
Et ma dame Hersent la Love
Qui ses loviax norrist et cove.
Novelement est acouchie ,
A chascun donoit sa bouchie,
Mes n'avoit pas son chief covert.
Garda , si vit l'uis entr'overt ,
Et la clarté qui trop li griéve ;
Por regarder sa tête liéve
Por savoir qui là ert venuz.
370 Renart fu grelles et menuz,
Muciez estoit derier la porte :
Mes Hersent qui moult s'en conforte ,
Le conut bien à la pel rouse ,
Ne pot muer que ne s'escouse ,
Si li a dit tout en riant ,
Renart , qu'alez vos espiant ?
* Àl. Son ennemi.
DU RENART. i5
Qant Renart sot qu'il ert véuz
Et qu'il estoit aparcéuz ,
Adont fu-il toz desconfiz ,
38o De honte avoir est-il toz fiz ;
N'ose mot dire tant se doute ,
Que laienz ne véoit^l'en goûte. '
Hersent saut sus, lieve son chief ,
Si le rapele de rechief ,
Et aceue à son grelle doit ,
Renart, renart, ce que ce doit,
Que soiez fel et deputaire ,
One ne me vosistes bien faire ,
Ne ne venistes là où g'iere ,
3go Je ne sai riens de tel conpere
Qui sa conmere ne revide.
Renart a grant péor et hide ,
Ne puet muer ne li responde.
Dame , fet-il , Dex me confonde ,
S'onques ppr mal ne por haine
Ai eschivé vostre gesine ,
Ainz i venisse volen tiers ;
Mes qant je voi par ces sentiers ,
Si m'espie dant Ysengrins
400 Et par voies et par chemins ,
Por ce si ne sai que je face ,
Tant con vostre sires me hace :
• AL Qar Yseogrin*ne Taîme goûte.
»6 ROMAN
Moult fet grant pechié qui me het ,
Mes li miens cors ait mal dahet
S'onques li fis chose nis une
Dont me déust porter rancune :
Por ce n'os vers vos reperier,
Si m'en puis moult forment irier.
Je vos ains , dist-il , par amors ,
410 Si en a fait maintes clamors
Par ceste terre à ses amis ,
Et si lor a avoir pramis
Por moi fere laidure et honte.
Mes dites moi , à moi que monte
De vos requerre tel folie ?
Certes je nel' feroie mie ,
Ne tel parole n'est pas bêle.
Qant Hersent entent la novele ,
De mautalent tressue et art :
420 Conment, fet-el , sire Renart ,
En est dont parole tenue ?
Gestes mar i fui mescréue.
Tel cuide sa honte vengier
Qui porchace son enconbrier.
Ne m'est or pas honte nel' die ,
Ainz mes ne pensai vilanie ;
Mes por ce qu'il s'en est clamez ,
Voil-ge certes que vos m'amez ,
Si revenez sovent à mi ,
43o Et je vos tendrai por ami.
DU RENART. i
Âcolez moi, si me besiez ,
Or en estes bien éésiei ,
Ci na qui encuso* nos doie.
Renaît en demaine gnnt jme
Et vient avant, si la besîe.
Hersent a la coisse hancie
A qui moult {ilesmt cel ator.
Puis s'est mis Renart d retor
Qui n'a cure de cel bargaigne ,
A 40 Qu'il crient que Ysengrin ne viengne;
Mes neporqant ainz qu'il s'en isse
Vient as loviaus, si les con|HSse
Si con il ierent arengié :
Si a tout pris et tôt mengié ,
Et fors gité ce qu il i trueve ,
Tote la viez char et la nueve ,
S'es a de lor liz abatuz
Et laidengiez et bien batuz
Autresi con s'il fust lor mestres ,
45o S'es a clamez avostre et questres
Privéement conme celui
Qui ne se doute de nului ,
Fors que dame Hersent s'amie
Qui ne l'en descoverra mie.
Les Loviax a lessiez plorant.
Dame Hersent lor vint devant ,
Si les a blandiz et proiez :
Enfanz , dist-ele , ne soiez
I. 2
iS ROMAN
En vostre cuer si fel ne sot
460 Que vostre père en sache mot,
Ne j à ne li soit connéu
Q'aiez eéenz Renart véu.
Qoi , déable ! nos cèlerons
Renart le rous que tant haons
De mort , qu'avez d recéu ,
Et nostre père decéu
Qui en vos avoit sa fiance !
Jà , se Dieu plest , tele viltance
Dont nos somes si laidengié
470 Ne remaindra ne soit vengié.
Renart les oï gorgocier
Et vers lor mère corecier,
Si s'est tantost mis à la voie
Le col bessié que nus nel' voie ,
Si va porchacier son afere.
A tant este-vos que repère
Dant Ysengrin à sa raesnie
Qui soz la roche est entesnie.
Tant a coru et porchacié ,
480 Et tant porquis et tant tracié ,
Que toz est chargiez de vitaille.
D'autrui domage ne li chaille ,
Si a trovée sa mesniée
Que Renart ot estoutoiée.
Si fil se sont à lui clamé
Que batuz sont et afamé ,
DU RENART. 19
Et eompissiez et traînez
Et iaideTigiez et puis clamez
Fil à putain , bastart , avoùtre ,
490 Et encore dist-il tôt outre
Certes que vos estiez cous.
Lors s'est Ysangrin tfire estous
Qant de sa famé 01 le blasme ;
A bien petit qu'il ne se pasme ,
Il uUe et bret come desvez.
Hersent , or sui-je malmenez ;
* Pute orde vis , pute mauvese ,
Je vos ai nôrrie à grant aise
Et bien gardée et bien péue ,
5oo Et un autre vos a croissue.
Moult est tes corages muanz
Qant Renart cil rons , cil puanz ,
Cil viz lecbierres , cil garçons
Vos monta Onques es arçons.
Par les iaus Dieu mar i fui cous ,
Honi m'avez tout à estrous ;
James ne gerrez à ma coste
Qdnt recéu avez tel oste ,
Se ne faites tôt mon voloir.
5io Jà se péust Hersent doloir
Se ne Téust acréanté
Tôt son bon et sa volenté.
Sire, fait-ele, vos diroiz
Corociez estes , n'est pas droiz
22 ROMAN
Qant vit Dame Hersept s'anoie
Qui vers lui vint si enbramie ,
Et de lui nVil mie garde;
Là fist Hersent que trop musarde.
Après Renart eu la fosse entre
De plain eslais de ci au ventre,
Li chastiaus estoit auques fort ,
Et Hersent par si grant effort
Se feri dedenz la taisniere
58o Que ne se pot retraire arrière.
Qant Renart vit que ele est prise ,
Ne volt laissier à nule guise
Que il ne voille à lui gésir,
Et faire de lui son plaisir.
Par un poi que Hersent ne crieve ,
Que la fouse et Renart li grieve .
La fosse de desus l'estraint ,
Et Renart qui dedenz l'enpaint.
Il n'est ileuc qui la resqeue,
590 Mes que seulement de sa qeue
Que ele estraint si vers les rains
Que des deus pertuis daarains
N'en per); un defors ne dedenz.
Et Renart prist la qeue as denz
Et li reverse sor la crope,
Et les deus pertuis li cstope,
Puis li saut sus liez et joianz y
Si li fait tôt ses iauz véapz ,
DU E£NART. a3
Ou bien li poist, ou il Ti plaise,
600 Tout à laisir et à grant aise.
Ele dist que qu'il la croissoit ,
Renart, c'est force, et force soit.
Sire Renart tel li redone
Que toute la fosse en estone.
Ainz que la chose soit fenie,
Li dist Renart par félonie,
Dame Hersent, vos disiez
Quç jk ne m'en prieriez,
Et quejamès nel' vos feroie
610 Par seul itant que m'en ventoie.
Jà voir ne m'en escondirai ,
Se jel' fis , encor le ferai ;
Fis et ferai , dis et redis
Plus de sept Ibiz , voire de dis ,
Et l'afaire ont recommencie
Ainz qu'il énssent partancie.
Ez-vos poignant parmi les broces
Ysengrin qui s'enbat as noees :
Ne se pot mie tant tenir
620 Que il poïst à aus venir 9
Ainz s^'escria moult hautement ,
Ahi ! Aenart, pr bêlement,
Par les Sa^nz Die,i;i m^r l'a^ausites.
Repart fa r^muenz et yites,
S^ li a dit tpt en alant,
Sire Y^ongrin^ cest .mai^alant
24 ROMAN
Ai-ge conquis par biau servise,
Véez con Hersent est ci prise ;
Se je l'aîde à desserrer
63o Et dou pertuis à destouper ,
Por ce si estes esfraez.
Por Dieu, biau sire, nel' créez
Que nule riens i aie faites,
Ne dras levez ne braies traites ,
Ains par cest cors ne par ceste ame
Ne forfis riens à vostre famé ,
Et por moi et por lui desfandre
Tôt par là où le vodrez prendre.
Un sairement vos aramis
640 Au los de voz meillors amis.
Sairement! traîtres provez.
Voir por noient l'escondirez
N'i controverez jà mançonge ,
Ne vaine parole , ne songe ,
N'i convient nule coverture,
Tote est aperte l'aventure.
Avoi, ce dist Renart, biau sire,
Vos porriez assez miaux dire :
Ice maintenir ne devez.
65o Comment ai-ge les iauz crevez ?
Quidiez que je ne voie goûte?
En quel lieu enpaint-1'en et boute
Chose que l'en veut à soi traire
Come je vos vi Hersent faire ?
' \
DU RENÂRT. 2i
Par Dieu, sire, ce dist Renart,
Vos savez bien engin et art ;
Si vaut à la chose bornir ' .
C'on ne puet par force fornir.
Ma Dame est prise en celé fouse
660 Qui moult est voir espese et grouse ;
En nul sens traire ne l'en puis
A reculons par cest pertuis.
Ele i est jusqu'au ventre entrée,
Et la fosse a petite entrée ,
Mes elle est de lonc auques graindre ,
Por ce la voloie enz enpaindre.
Por noient à moi la sachasse,
Que j'oi l'autrier la jambe qasse.
Or en avez oï la voire ,
670 Si m'en devez à itant croire.
Se vos controyer ne volez
Achoison si com vos solez.
Et qant la Dame ert de ci traite ,
Je ne cuit clamors en soit faite ,
Ne jà, s'ele ne velt mentir, .
Ne l'en orrez un mot tentir.
A icest mot s'est entesniez
Qant assez se fîi deresniez.
Ysengrîn fu de l'autre part,
680 Si voit Renart qui prent et part,
' AL Si yaut à chose mainburnir.
a6 KOBfAN
Qui Ta hom ses eulz voiaat ,
Puis si le gabe et va moqaut.
Mes il n'a or soiag de plaidier,
Aioz se redresce por aidier
Sa £uile qui va maie voue ;
Si l'a saisie par la quoue.
De tel vertu à soi la tire
Que Hersent est eu tel martire.
Que il li covint par angoisse
690 Que le pertuis derrière croisse.
Ysengrin voit qu'elle se vuide.
Or l'aura-il si con il cuide.
Un petitet s'est tret arrière ,
Il voit qu'ele est en la chariere,
Si s'est un petit alaschie.
Hersent ne pot estre sachie ;
S'il ne la tret, il^est dolenz.
Il n'est pas pereceus ne lenz,
As ongles s'est pris et si grate,
700 Tret la terre fors à la pâte;
Grate de là , et puis deçà ,
Déables l'auront s'il ne l'a.
Qant il en a assez oste
Et sus et jus et au costé,
Vint à Hersent , si la soufache ,
Et qant il la trove un peu lasche,
Empaint et tire et sache et boute,
A poi la qeue ne ront toute ,
DU RENART. 27
Mè$ ele çstoît l>ien atachie.
710 Tapt l'a emp^iote et fors saehie,
Que merci Di^u bien s'est tenue
Tant que Hersept est fors issi^e.
Traite l'en^ à moult grant peine,
A poi que ne U faut l'alaine.
Il voit Renart qui poi le doute,
C^r il s'est mis dedenz sa croûte.
Quant Ysengrin la vit délivre ,
Haï ! fet'il , piUe ordc vivre ,
Pute serpent, pute coleuvre,
720 Bien ai véue toute l'uevre;
Bien me set Renart acupir ,
Je le vis sor voz rains gésir,
Ne vos en povez escondire.
Par poi Hersent n'enrage d'ire
Por Ysengrin qui si la chose ;
Mes nequedent toute la chose
De chief en autre li raconte ,
Sire, il est voir qu'il m'a fet honte,
Mes n'i ai mie tant meffet
730 Endroit ce que force m'a fet :
Lessiez ester tôt cest contrere ,
Ce qui est fet n'est mie à fere.
C'est outré , à, el entendez ,
Jà cest meffet n'ert amendez
Par chose que nos en dion.
A la Gort Noble le Lion
a8 ROMAN
Tient-on les plès et les oiances
De mortiez guerres et de tences y
Là nos irons de lui clamer ,
740 Bientost le porrez amender,
Se ce puet estre à Gort porté.
Gest mot a tôt reconforté
Dant Ysengrin le corrocié.
Certes , fet-ii , ai trop groucié ,
Moult iere fox et poi savoie,
Mes cest conseus m'a mis à voie :
Mar vit Renart son grant desroi
Sel' puis tenir à Gort de Roi.
DU RENART.
Si cmvxe IXetmt mm\a ie ])0i^n am
c^atrttievB.
Seigivor , ce fu en cel termine
75o Que li doz tens d'esté define
Et yver revient en saison ,
Que Renart fu en sa maison.
Sa garison a despendue ,
Ce fu mortel desconvenue :
N'ot que doner ne que despendre ,
Ne ses detes ne pooit rendi*e ;
N'a que vendre ne qu'acheter,
Ne s'a de coi reconforter.
Par besoing s'est mis à la voie ,
760 Tôt coiement que nus nel' voie
S'en vet parmi une jonchiere
Entre le bois et la rivière.
A tant fet et tant a erré ,
Qu'il entre en un chemin ferré :
£1 chemin se croupi Renarz,
Si coloie de toutçs parz ;
Ne set sa garison où querre ,
Et la fain li fet sovent guerre,
Ne set que.fere, si s'esmaie.
770 Lors s'est couchiez lez une haie,
^9
3o ROMAN
Uec atendra aventure.
Atant ez-vos grant aléure
Marchéanz qui poisson menoient,
Et qui de vers la mer venoîent.
Harenz frès orent à plenté,
Que bise avoit auques venté
Trestoute la semaine entière;
Et bons poissons d'autre manière
Orent assez granz et petiz
780 Dont lor paniers furent garniz.
Que de lamproies et d'anguilles
Qu'il orent acheté as villes
Bien fu chargie la charrete.
Et Renart qui le siècle abete,
Fu bien loing d'eus près d'une archie ,
Qant vit la charrete chargie
Et d'anguilles et de lamproies.
Fichant musant parmi ces voies
Cort an devant por els deçoivre,
790 Ainz ne* s'en porent aparçoivre.
Lors s'est couchiez enmi la voie ;
Or oez conment les desvoie.
En un gason s'est ventrilliez,
Et conme mort apareilliez
Renart qui tôt le monde engingne ,
Les eulz clôt et les denz rechingne ,
Si tenoit s'alaine en prison.
Orstes mes tel traïson !
DU RENART. 3i
llleques est f emèâ gesanz.
800 Atant es-Tos les marchéanz ,
De ce ne se prenoient garde.
Le premier le yit , si l'esgarde ,
Si apela son compaignon ,
Vez là ou.Gorpil ou Tesson.
Li uns le "voit, si s'escria,
C'est un Gorpil , va , sel' pren , va ,
Filz à putain , gart ne t'escliat.
Or saura-il trop de barat
Renart s'il ne Icsse l'escorce.
810 Lî marchéant d'aler s'esforce,
'El ses conpains venoit après.
Qant il furent de Renart près ,
Le Gorpil trovent enversé ,
De toutes parz l'ont reversé,
Pincent le col et puis la coste ,
Il n'ont pas péor de tel oste.
lii uns a dit, quatre sols vaut,
Li autre a dit, assez plus vaut,
Ainz valt cinc sols à bon marchié.
820 Ne somes mie trop chargié ,
Jetons le en nostre charete;
Vez con la gorge a blanche et nete.
A cest mot se sont avancié.
En la charete l'ont chargié,
Et puis se sont mis à la voie.
Li uns à l'autre en fait grant joie
32 ROMAN
Et dient ja n*en feront el ,
Mes enquenuit à lor ostel
Li reverseront la gonele.
83o Or ont-il auques la fa vêle.
Mes Renartiu'en fet que sourire,
Que moult a entre fere et dire.
Sor les paniers se gist adenz
Si en a un overt as denz ,
Et si en a, bien le sachiez,
Plus de trente harenz sachiez.
Auques fu vuidiez li paniers,
Qu il en menja moult volentiers.
Onques n'i quist ne sel ne sauge,
S/|0 Encor ançois que il s'en auge
Getera-il son ameçon ,
Il n'en ert mie en soupeçon.
L'autre panier a asailli,
Son groig i mist , n'a pas failli
Qu'il n'en traisist fors des anguiles.
Renart qui sot de tantes guiles ,
Troi hardiaus mist entor son col ,
De ce ne fist-il pas que fol.
Son col et sa teste passe outre ,
85o Les hardeilions moult bien acoutre
Desor son dos que bien s'en cuevre
Dès or puet-il bien lessier trêve.
Or li estuet enging porquerre
Conment il vendra jus à terre;
DU RENART. 33
N'i trove planche ne degré.
Agenoilliez s'est tôt de gré
Por esgarder à son plaisir
Conment il puisse jus saillir :
Lors s'est un petit avanciez ,
860 Des piez devant s'estoit lanciez
De la charete enmi la voie ,
Entor son col porte sa proie.
Après qant il ot fet son saut ,
As marchéanz dist , Diex vos saut ;
Cil hardel d'anguilles sont nostre,
Et li remanant si est vostre.
Et qant li marchéant l'oïrent,
A merveilles s'en esbaïrent,
Si escrient, vez le GorpiL
870 Cil saillirent au charretil
Où il cuiderent Renart prendre,
Mes il ne volt pas tant atendre.
Li premier dist, qant ce regarde,
Si m'aïst Diex, mauvese garde
En avomes pris, ce me semble.
Tuit fièrent lor paumes ensemble.
Las! dist li uns , con grant domage
Avons eu par nostré outrage !
Moult estion fol et musart
880 Trestuit qui créion Renart.
Les paniers a bien soufaichiez.
Si les a auques alegiez ,
3
I.
3', KOMAN
Que deus granz anguilles enporte :
La maie passion le torde !
Ha ! font li marchéant , Renart ,
Moult par estes de maie part :
Mau bien vos puissent-eles fere!
Et Renart lor prist à retrere ,
Vos dites ce qu'il vos plera ,
890 Je sui Renart qui s'en taira.
Li marchéant vont après lui^
Mes il nel' bailleront mes hui ,
Car il ot trop igiiel cheval.
Ainz ne fina parmi un val
Tant que il vint à son plaissié.
Lors Tont li marchéant lessié
Qui por mauves musart se tienent ,
Recréant sont et si s'en vienei\t ,
Et cil s'en va plus que le pas,
900 Qui passé ot maint mauves pas ,
Et vint à son ostel tout droit
Où sa mesnie l'atendoit
Qui assez avoit grant mesese.
Renart i entre par la hese ,
Encontre lui sailli sa famé
Hermeline la preude dame.
Qui moult estoit cortoise et franche,
Et Percehaie et Malebranche
Qui estoiént ambedui firère.
910 Cil se lie vent contre lor père
DU RENART. 35
Qui s'en venoit les menuz sauz ,
Gai et joienz et liez et bauz ,
Les anguilles entor son eol;
Mes qui que le tiegne por fol ,
Après lui a close la porte
Por les anguilles qu'il enporte.
36 ROMAN
fSi covmt nenart (idt tj^engcin moitu.
Or est Renart dedens sa tor ,
Si filz li font moult grant ator ;
Bien li ont les genbes torchies ,
920 Et les anguilles escorchies,
Puis les coupèrent par tronçons,
Deus hastiers firent d^ plançons
De codre, et enz les ont boutez,
Et li feus fu tost alumez,
Qu'il orent bûche à grant planté ,
Puis l'ont de totes parz venté.
Lors les ont mises sor la brese
Qui des tisons lor fu remese.
Endementiers que il cuisoient
930 Les anguilles et rostissoient ,
Es-vos mon seignor Ysengrin
Qui erré ot dès le matin
Jusqu'à celé heure en mainte terre.
Et onques n'i pot riens conquerre.
Lors s'en torna en un essart
Droit devant le chastel Renart ,
Et vit la cuisine fumer
Où il ot fait feu alumer,
Où les anguilles rostissoient
940 Que si fil es hastes tornoient.
DU RENART. 39
Ojr me lessiez dont demander ,
Venistes-vos por truander?
Naie^ âniz ving véoir vostre estre.
1000 Renârt respônt, ce ne puet estre.
Et porqoi dont , ce dis*t li Leus ?
Et dist Reftatrt, n'est ore leti&.
Or me dites, rtieiïgiez-vos char?
Et dist Renaft , ce est éschar
Que' Yoâ mé dites, biau compères;
' Qajït nos recevrons a confrères,
Premiercîment otriera
Que jamais char ne mengera.
Que menguent donc vostre moine?
loio Jel' vos dire saniz nul essoine.
Ne menjuent fi-omages mos ,
Mes poisson qui eèt cras et gros ,
Saint Benéoist le nos coninaside
Que nos li'aion péor viande.
Dist Ysengrin , ne m'en gardoié ,
Ne de toi ce mot n'en sa voie;
Mes car me fêtes osteler ,
Huimès ne saroie oii aler.
Renart r)ȣ^pont, mes ne le dites,
1020 Nus, s'il n'est moines bu bermites^
Ne pùet céenz avoir ostel , -
Mes àtlet outre, il n'i a eh
. Ysengpifi ot et entent bien
Qa'en. la meson iietï»rï par rifen
40 KOMAN
Qu'il puisse dire, n'enterra,
Et que volez? si souferra,
Et neporqant il li demande
Un seul morsel de sa viande ,
Car m'ep donez un sol tronçon ,
io3o Nel' di se por essaier non ,
Mes bon fussent-eles peschies
Les anguilles et escorchies ,
Se vos en daingniez mengier.
Renart qui bien sot losengier,
Prist d'une anguille deus tronçons
Qui rostissent sor les charbons.
Tant fil cuite que toute esmie,
Et dessoivre toute la mie.
L'un en manja , l'autre en aporté
1040 A celui qui est à la porte :
Lors dist, compère, ça venez
' Un poi avant , et si tenez
Par charité de la pitance
A ceux qui bien sont à fiance
Que vos serez moines encore.
Dist Ysengrin , je ne sai ore
Qu'il me sera, bien porra estre;
Mes la pitance, biau doz mestre^
Car me bailliez isnelement.
io5o Renart li baille, et il la prent
Qui moult tost s'en fii délivrez ,,
Encor en menjast-il assez^
DU RENART. 4x
Ce dist ilenart , que vos en semble ?
Li lechierres fremist et tranble ,
De lecherie esprent et art :
Certes , fet-il , sire Renart ,
Cist vos ert bien guerredonez.
Encore un seul car m'en donez ,
Biau doz conpere , por amordre
1060 Tant que je fusse de vostre Ordre.
Par vos botes , ce dist Renart
Qui moult fu plains de maies ars ,
Se vos voliez moines estre,
Je feroie de vos mon mestre,
Que je sai bien que li seignor
Vos esliroient à Prior
Âinz Pentecoste , ou à Âbe.
Avez me vos ore gabé ?
Renart respont, naie, biau sire,
1070 Par mon chief je vos os bien dire
En vos aroit bêle persone
Qant auriez vestu la gone
Par desus la pelice grise :
N'auroit si biau moine en l'Iglise.
Auroie-ge poisson assez
Tant que je fusse respassez
De cest mal qui m'a confondu ?
Et Renart li a respondu ,
Mes tant con vos porrez mengier.
1080 Donques me faites rooignier.
4îi ROMAN
Et Renart dit, mes rere et tondre.
Ysengrih conmença à grondre
Qant il oï parler de rere :
Or n'i a plus, fet-il, compère,
Mes réez moi isnelement.
Renart respont hastivement ,
Aurez corone grant et lée
Ve mes que l'cve soit chaufée.
Oïr poez ici biau gieu ;
1090 Renart mist l'iave sor le feu ,
Et la fist trestote boillant ,
Puis li est rerenuz devant,
Et sa teste en^oste de Fuis
Li fet bouter par un pertuis.
Et Ysengrin estent le col.
Renart qui bien le tint por fol ,
L'ère boillant li a gitée
Desus la teste et reversée :
Moult par a fet que maie beste.
1100 Et Ysengrin escout la teste
Et rechine et fet lede châere,
A reculons se tret afiere,
Si s'escria, Renart, mort sui,
Maie aventure aiez-vos hui !
Trop grant corone m'avez faite.
Renart li a la langue traite
Bien demi-pié fors de la geule,
Sire, ne l'avez mie seule,
DU RENART. 43
Que autres! l'a li Govenz.
XI KO Dist Ysengrin , je cuit que menz.
Kon faz, sire, ne vos anuit,
Mes iceste première nuit
Vos covient-il mètre en esprove,
Que la sainte Ordre le vos rove.
Dist Ysengrin moult bonement ,
Ferè ce que à l'Ordre apent ,
Jà mai' en serez en dbutance.
Renart en a prb la fiance
Que pai lui mal ne lor Tendra,
1 1 20 Et à son k>s se maintendra.
Tant a fet et taùt a àyxé
Renart ^ que bien l'a asoté ,
Et vint à YsengHn tôt droit
Qui durement se conplaingnoit
De ce qu'il estoit si près rès
Que cuir ne poil n'i est remès.
N'i ot plud dit nQ sejorné ,
Andui se sont d'ilec torné
Benart devant et^il après,
ii3o Tant qu'il vindrent d'un vivier près.
44 ROMAN
iSii covmt nrtunrt Gst p^rt)ûr à ïjfitnfgcin les
Ce fil un poi devant Noël
Que l'en metoit bacons en sel ,
Li ciex fii cler et estelez ,
Et li vivier se fii gelez
Où Ysengrin devoit peschier ,
Qu'en pooit par desus treschier ,
Fors tant c'un pertuis i avoit
Qui des vilains faiz i estoit,
Où il menoient lor atoivre
X 140 Chascune nuit juer et boivre :
Un séel i orent lessiez.
Là vint Renart toz eslessiez,
Et son compère regarda.
Sire , fet-il , traiez-vos çà :
Si est là planté de poissons
Et li engin où nos peschons
Les anguilles et les barbiaus
Et autres poissons bons et biaus.
Dist Ysengrin , sire Renart ,
1 1 5o Or le prenez de l'une part ,
Sel' me laciez bien à la qeue.
Renart le prent et si li neue
Entor la qeue au miex qu'il puet :
Frère , fet-il , or vos estuet
DU RENART. 4^
Moult sagement à maintenir
Por les poissons avant venir.
Lors s'est en un buisson fichiez,
Si mist son groing entre ses piez
Tant que il voie que il face ;
1 160 Et Ysengrin est sor la glace ,
Et li séaus en la fontaine
Plains de glaçons à bone estraine.
L'iaue conmence à englacier,
Et li séaus à anlacier
Qui à la qeue fii noez ;
De glaçons fu bien serondez.
La qeue est en l'eve gelée
Et en la glace séellée.
Cil se conmence à soufachier,
1170 Le séel quide amont sachier;
En mainte guise s'i essaie,
Ne set que fere, moult s'esmaie.
Renart conmence à apeler,
Qu'ileuques ne volt plus ester,
Que jà estoit Taube crevée.
Renart a la teste levée.
Si le regarde et les elz ovre :
Sire , fet-il , qar lessiez ovre ,
Alons nos ent , biax doz amis ,
II 80 Assez avons de poissons pris.
Et Ysengrin li escria,
Renart , fet-il , trop en i a ;
46 ROMAN
Tant en ai pris ne sai que dire.
Et Renart conmença à rire ,
Si li a dit tôt en apert,
Cil qui toi covoite , tôt pert.
La nuit trespasse, l'aube criéve,
Li souleux par matin se liéve,
De noif furent les voies blanches ,
1190 Et mesire Costant Desgranges,
Un vavassor bien aaisié,
Qui sor l'estanc fu herbergié,
Levez estoit et sa mesnie
Qui moult estoit joiant et lie.
Un cor a pris, ses chiens apele,
Si conmande à mètre sa sele ,
Et sa mesnie crie et huie.
Renart l'oï, si torne en fuie
Tant qu en sa tesniere se fiche.
1200 Tsengrin remest en la briche,
Qui moult s'esforce et sache et tire,
A poi la pel ne li descire ;
Se d'ilec se veut départir,
De sa qeue l'estuet partir.
Que qu'Isengrin aloit tirant
Estes-vos un garçon corant,
Deus lévriers tint en une lesse,
Voit Ysengrin, vers lui s'eslesse
Sor la glace tôt engelé
1210 A tôt son hasterel pelé.
DU RENART. 4^
Cil l'esgarde, puis li escrie,
Ha ! ha ! le Leu ! ahie ! ahie !
Li venéor, qarit il l'oïrent,
Tantost de la meson saillirent
A toz les chiens par une haie :
Adonc Ysengrin nioult s'esmaie,
Car Dant Costant venoit après
Sor un cheval à grant eslès,
Qui moult s'escrie à l'avaler ,
1220 Lesse , va tost, les chiens aler.
li hraconier les chiens descopient ,
Et li brachet au Leu s'acoplent,
Et Ysengrin moult se herice.
Li venéor les chiens atice
Et amoneste durement ,
Et Ysengrin bien se deffent.
As denz les mort : qu'en puet-il mes ?
Assez amast-il miex la pcs.
Dant Costant a l'espée traite ,
i23o Et por grant cop ferir s'afaite.
A pie descendi en la place,
Et vint au Leu devers la glace ;
Par deriere l'a asailli ,
Ferir le cuida , si failli ,
Le coup li cola en travers ,
Et Dant Costant chaï envers,
Si que b haterel li saine.
Il se releva à grant paine,
48 KOMAN
Par grant aîr le va requerre.
1240 Or orez jà moult fiere guerre,
Ferir le cuida en la teste,
Mes d'autre part le cop s'areste,
Vers la qeue descent l'espée ,
Tôt rés à rés li a coupée
Près de l'anel , n'a pas failli ;
Et Ysengrin qui a senti ,
Saut en travers et si s'en tome,
Trestoz les chiens mordent à orne
Qui sovent le tienent as naches.
laSo Mes la qeue remest en gages
Dont moult li poise et moult li griève ,
A poi que li cuers ne li criève.
Ne pot plus fere , torne en fuie
Tant que à un tertre s'apuie :
Li chien le vont sovent mordant ,
Et il s'en va moult desfendant.
Qant il furent el tertre amont,
Li chien sont las, recréu sont,
Et Ysengrin point ne s'atarge ,
1260 Fuiant s'en va, si se regarde.
Droit vers le bois grant aléure.
Atant s'en va et dist et jure
Que de Renart se vengera
El premier lieu qu'il le verra.
Ici prent ceste branche fin,
Mes encore i a d'Isengrin.
DU RENART. 49
Si cmmt lUnart ptiA €t)aitterUr U C0c.
Il avint chose que Renart
Qui tant est plain d'engin et d'art ,
Et qui môult set de mainte guile ,
1270 S'en vint corant à une vile.
La vile séoit en un bos,
Moult i ot gelines et cos,
Anes, nialarz et jars et oes;
Et mesire Gostant Desnoes ,
Uns vilains qui moult ert garniz,
Manoit moult près du plaiséiz.
Plentéive estoit sk mesons
De gelines et de chapons :
Bien avoit garni son ostel ,
1 280 Assez i avoit un et el ,
Char salée, bacons et fliches,
De ce estoit li vilains riches;
Moult par estoit bien herbergiez ,
Tout entor estoit li plaissiez.
Moult i ot de bones cerises ,
Et plusors fruiz de maintes guises,
Pomes i ot et autre fruit :
Renart i va por son déduit.
Cest cortil fut moult très bien clos
1290 De piez de chesne aguz et gros :
I. 4
5o ROMAN
Hordez estoit d'aubes espines.
Dedens avoit mis ses gelines
Dant Costant por la forteresce ,
Et Renart celé part s'adresce :
Tout coiementy le col bessîé
S'en va tôt droit vers le plessié.
Moult fu Renart en grant porchaz,
Mes la force des espinaz
Li destorbe de son afere
1 3oo Si qu'il n'en set à quel chief trere ;
Ne por Initier ne por saillir
As gelines ne puet venir.
Acroupiz s'est enmi la voie,
Moult se doute que l'en nel' voie.
Porpense soi que se il saut
As gelines et il i faut,
Il ert véuz , et les gelines
Se repondront soz les espines,
Si porroit estre tost sorpris
i3io Ainz qu'il éust gueres conquis.
Moult par estoit en grant effroi,
Des gelines velt trere o soi
Qui devant lui vont pasturant ,
Et Renart va le col baissant :
El retor del paliz choisist
Un pel froissié, dedenz se mist;
Là où li palis fu desclos
Avoit li vilain planté chos.
DU RENAKT. 5i
Benart i viot, outre s'en passe,
i3io Ghaoir se laisse à une niasse
Por ce que la gent ne le voient,
Mes les gelines s'en effiroient
Qui l'ont oi à sa chéoite,
Ghascune de foîr s'esploite.
Qant sire Chantecler li cos
En une sente lez le bos,
Entre deus piex en la raiere
Estoit aie en la poudrière.
Moult fièrement lor vint devant ,
i33o La plume el pié, le col tendant,
Si demande par quel reson
Eles s'en fuient en meson.
Pinte parla qui plus savoit ,
Gelé qui les gros oés ponnoit ;
Et près du Goc juchant à destre,
Si li a conté tout son estre
Et dist paor avons eue.
De quoi ? avez chose véue ?
Oil* Et quoi ? Beste sauvage
i34o Qui tost nos puet fere domage
Se ne vidions le porpris.
Ce est naienz, jel' vos pie vis,
Ge dist li Gos, n'aiez peur,
Mes soiez trestoute aséur.
Dist Pinte, par ma foi jel' vi ,
Et loiaument le vos afi
52 ROMAN
Que je le vi tout à estrous.
Et conment le véistes-vous ?
Gonment? Je vi la soif branler
i35o Et la fueille du chol trembler
Où cil se gist qui est repost,
Qui tout domageroit les noz.
Tais, sote, ce respont li Cos,
Jà Renart n^aura si dur os
Que céens s'ost mucier ne mètre ,
Ne s'en oseroit entremetre :
Nostre paliz n'est pas si viez
Jà par Renart soit despeciez.
Trêves avez, jeF vos otroi,
i36o Que par la foi que je vos doi
Je ne sai Putois ne Gorpil
C'osast entrer en cest cortil ,
N'est se gas non , tornez ariere.
A tant se trait en sa poudrière,
Mes il n'est mie aséurez,
Sovent regarde de toz lez.
Moult se contient or fièrement ,
Mes il ne set c'a l'oil li pent ;
Il se doutast d'aucune chose,
1370 Mes la cort ert si bien enclose,
Riens ne douta , si fist que fox
L'un oil overs et l'autre clox ,
L'un pie crànpi et l'autre droit ,
S'est apoiez delez un toit.
DU RENART. 53
Là. où li Cos est apoiez
Come cil qui ert anoiez
Et; de. chanter et de veillier,
Si conmenca à sonmeillier.
OÙ sonmeillier que il fesoit,
i38o Et el, dormir qui li plesoit,
Gonmença li Cos à songier ,
( Ne m'en tenez à mençongier ,
Que il^sojiga^ ce est Ja. voire,
Trover le poea en l'estoire )
Que il véoit ne sai.quel chose
Qui iert dedenz la cort enclose,
Qui li venoit enmi le vis,
Einssi con li estoit avis;
Si en avoit moult grant friçon ,
1890 Et avoit un ros peliçon
Dont li. ourlet estoient d'os, 9
Si li vestoit à force el dos.
Moult fu Ghantecler en grant paine
Del songe qui si Je demaine
Endementiers que il someille ,
Et du peliçon. se merveille
Dont. la chevesce ert en, travers,
Et si li vestoit à. en vers.
Estroite en estoit la chevesce
1400 Si qu'il en ert en. grant destresce,
Et de péor s'est esveilliez ;
Mes de ce est plus merveilliez
58 ROMAN.
Ça sui venuz desconseilliez.
1460 Pinte, ne vos en mer veilliez
Se li cors me fremist et tremble,
. Mes dites moi que vos en semble.
Moult sui par le songe grevez,
Par cele foi que me devez
Savez- vos que il senefie ?
Pinte respont où moult se fie.
Dit m'avez, fet-ele, le songe.
Mes, se Dieu plet, ce ert mençonge;
Neporqant jel' vos voil espondre,
1470 Que bien vos en sauré respondre.
Cele chose que vos véistes
El someilUer que vos féistes ,
Qui le rous peliçon portoit
Qui einsi vos desconfisoit ,
C'ert li Gorpiex, jel' sai de voir,
Bien le poez aparcevoir
Au peliçon qui rous estoit
Et que par force vos vestoit.
Les goles d'os crent les denz
1480 A qoi il vos metra dedenz;
La cbevesce qui n'estoit droite,
Qui si vos ert maie et estroîte,
Ce est la goule de la beste
Dont il vos estraindra la teste :
Par ileuques i enterroiz ,
Sauz faille que vos le verroiz^
DU RENART. , 5?
Lors sera la qeue deseure,
Einssi ert^ se Diéx me secéure*
C'iert li Gorpil qui vos prendra
1490 Parmi le col qant il vendra,
Ne vos garra argent né ors,
Et le poil ert tomez defors :
C'est voir que tôt jors porte enverse
Sa pel qant il plus pluet et verse.
Or avez 01 sanz faillance
Du songe la senefiance;
Tôt séurement le vos di
Que ainz que soit passé midi
Vos avendra, ce est là voire;
i5oo Mes se vos me voliez croire,
Nos retornerions ariere ,
Car il est muciez çà deriere
En cel buisson, jel' sai de voir,
Por vos traïr et décevoir.
Qant il ot 01 le respons
Del songe que celé ot espons.
Pinte, fait-il, moult par es foie,
Moult as dite foie parole :
Guidiez que je soie sôrpris
i5io Et que la beste est el porpris
Qui par force me conquerra?
Dahez. ait cil qui le croira !
Ne m'as dit riens ou ge gaaingne.
Je ne croi mie mal m'en viengne.
5g ROMAN
Jà n'auré mal por itei songe.
Sire, fet->ele, Diex le donge!
Mes s'ainsi n'est con je vos dit,
Je vos otroi sans contredit
Que ne soie mes vostre amie.
i52o Bele, fet-il, ce n'i a mie,
A fable ert le songe tornez.
A cest mot s'en est retornez
En la poudrière au souleil,
Et conmença à cliner l'oil ,
Ne doute que Gorpil s'i mete.
Mes Renart qui le siècle abete,
Sitost con il oï la noise ,
Besse la teste , si s'acoise ;
D'une pierre a fait orillier,
i53o Si conmença à someillier.
Chantecler s'est aséurez.
Moult fu Renart amesurez
Et veziez à grant merveille ,
Et qant il voit que cil someille,
De lui s'aprime sanz demeure
Renart qui tôt le mont aqeure
Et qui moult sot de mavès tors :
Pas avant autre, sanz escors,
S'en va Renart le col bessant.
i54o Se Ghanteder par atent tant
Que il le puisse as denz tenir ,
Il H fera son gieu partir. *
' AL Puir.
DU RENART. 59
Qant Henart choisi Chaa^ecler,
Il le vodra , s'il puet , haper ;
Renaît sailli qui est legiers,
Et Chantecler saut en travers,
Renart choisi, bien le conut,
Desor un' fîimier s'arestut.
Qant Renart vit qu'il ot failli ,
i55o Forment se tint à mal-bailli;
. Lors se conmence à porpenser
Conment il porra Chantecler
Engingnier, qar s'il se remue
Dont a-il sa proie perdue.
Dant Chantecler, ce dist Renart,
Ne fuîez pas , n'aiez regart ,
Moult par sui liez qant tu es sains ,
Que tu ies mes cosins germains.
Chantecler lors s'aséura,
i56o De la joie un sonet chanta.
Ce dist Renart à son cosin
Membre^-vos mes de Chanteolin
Le bon père qui t'engendra?
Onques nus Cos si ne chanta;
Tele voiz ot et si cler ton
Que d'une liue l'ooit-on ,
Et moult chantoit à longue alaine
Les deus eulz clos et la voiz saine ;
D'une grant lieue l'en l'ooit
1670 Qant il chantoit et refrenoit.
6o ROMAN
Dist Chantecler, Renart cosin,
Volez me prendre par engin.
Certes, ce dist Renart, non voil ,
Mes or chantez , si clingniez l'oil ;
D'une char somes et d'un sanc,
Miex vodroie estre d'un pie manc
Que vos mesface tant ne qant ,
Que tu es trop près mon parent.
Dist Chantecler , pas ne te croi ,
i58o Un poi detrai en sus de moi.
Et je dire une chançon ;
N'aurai voisin ci environ
Qui bien n'entende mon fauset.
Lors s'en est souriz Renardet ,
Et dist Renart, chante, cousins.
Je sauré bien se ChantecHns
Mes oncles s'il vos fu noient.
Lors enconmence hautement,
Lors chanta Chantecler un vers ,
1590 L'un oil ot clos et l'autre overs.
Car moult forment cremoit Renart ,
Sovent regarde celé pai't.
Ce dist Renart, ce n'est noient ,
Chanteclin chantoit autrement
A un lonc tret à eulz cligniez ,
C'on l'ooit d'outre lès plessiez.
Chantecler cuide que voir die,
Lors conmence sa mélodie
DU RENAKT. 6i
Les eulz cligniez par grant air.
1600 Lors ne volt plus Renart sofirir,
Par.de desus un rouge chol
Le prent Renart parmi le col ,
Fuiant js'en va et fet grant joie
De ce qu'il a encontre proie.
Pinte voit que Renart l'eàporte,
Dolente est, moult se desconforte,
Moult se conmence à dementer
Por Ghantecler qu'en voit porter,
Et dist, sire, bien le vos dis,
1610 Et vos me gabiez tout dis.
Et si me teniez por foie ;
Mes ore est voire la pairole
Dont je vos avoie garni :
Yostre orgoil si vos a traï.
Foie fui qant je vos apris,
Que fox ne crient tant qu'il soit pris.
Renart vos tjent qui vos enporte.
Lasse dolente ! con sui morte !
Qant je ainssi pert mon seignor ,
1620 Trestoute ai perdue m'amor.
La bone dame del mesbil
A overt l'uis de son cortil.
Que vespres ert , et si voloît
Ses gelines mètre en son toit.
Pinte apela , Bisse et Roùsete ,
L'une ne l'autre ne recepte.
62 ROMAN
Qant voit que venues ne sont,
Moult se merveille qu'eles font :
Son Coc rehuche à longe alaine ,
i63o Renart voit qui si mal le maine;
Avant passe por lui rescorre ,
Et Renart conmença à corre.
Qant el voit qu'el ne rescorra,
Porpense soi qu'ele fera.
Harou! s'esçrie à plaine goule.
Et vilains qui sont en la coule,
Qant il oent que celé bret ,
Tantost se sont celé part tret,
Si li demandent que ele a.
1640 En soupirant lor aconta,
Lasse ! trop m'est mesavenu.
Gonment, font-il , c'avez perdu ?
Mon Coc que cil Gorpil enporte.
Ce dist Costant, pute vielle orde,
C'avez-vos fet que nel' préistes?
Sire, que est-ce que vos dites?
Par les Sains Dieu je nel' poi prendre.
Ne il ne me volt pas atendre.
Sel' ferissiez? je n'oi de qoi.
i65o De cel baston : et je ne poi ,
Car il s'en va le grant troton ,
Nel' prendroient deus chien breton.
Par où s'en va ? Par ci tout droit.
Li vilain corent à esploit,
DU RENART. 63
Et tuit crient , or ça , or ça !
Renaît l'oï qui devant va :
Qant Renart l'ot , si sailli sus ,
Si qu'à terre ne fiert li eus.
Le saut c'a fait ont cil oï ,
1660 Tuit s'escrient, oci , oci.
Costant lor dist,or tost après,
Les vilains corent à eslès.
Costant apele son mastin
Que l'en apeloit Mal- voisin.
Au corre c'ont fait l'ont véu ,
Et Renart ont aparcéu.
Tuit s'escrient, vez le Gorpil.
Or est Renart en grant péril
Et le Coc se il ne set d'art.
1670 Gonment, fet-il, sire Renart?
N'oez-vbs quel honte il vos dient
Cil vilain qui si fort vos huient ?
Costant vos siut plus que le pas,
Car li lanciez un de vos gas
A l'issue de celé porte,
Qant il dira Renart l'enporte
Maugré vostre , ce poez dire ,
Jà nel' porrez miex desconfire.
N'est si sage qui ne foloit.
1680 Renart qui tôt le mont déçoit,
Fu decéuz à ceste foiz ,
Car il cria à haute voiz ,
6/» ROMAN
Maugré Yostre, ce dist Renart,
Enpor-ge de cestui ma part,
Maugré vostre en ert-il portez.
Li Gos qui ert touz amortez,
Qant il senti laschier la bouche,
Bâti ses êles, si s'en touche.
Et vint volant sor un pomier,
1690 Et Renart fîi seur le terrier,
Grains et marriz et trespensez
Du Goc qui li est eschapez.
Ghantecler a gité un ris,
Renart, fet-il, que vos est vis?
De cest siècle que vos en semble ?
Li lechierres fremist et tremble ,
Si li a dit par félonie,
La bouche, fet-il, soit honie
Qui s'entremet de noise fere
1700 A Teure qu'el se devroit tere.
Fait Ghantecler, et je le voil,
La maie goûte li criet loil
Qui s'entremet de someillier
A l'eure que il doit veillier!
Gosin Renart, dist Ghantecler,
Nus ne se doit en vos fier :
Dahez ait vostre, cosinage!
Il me dut torner à domage ;
Renart traître, alez vos ent,
17 10 Se vos estes ci longement,
DU RENART. 65
Vos i lerez celé gonele.
Renart n'a soing de la favele.
Ne volt plus dire, ainz s'en retorne,
Que ileques plus ne séjorne.
Besoingneus est , s'a le cuer vain ,
Par une broce lez un plain
Renart s'en va toute une sente,
Moult est dolent , moult se démente
Du Goc qui li est eschapez,
1720 Que il ne s'en est saoulez.
>
66 ROMAN
€tet U b^ptitntinit ï^e la itlf6an0e anec
Kmart.
Renart se leva par matin ,
Si s'estoit mis en son chemin,
Qar la fain durement l'estraint,
Si se démente et se conplaint.
Que qu'il se plaint de la losenge ,
A tant es-vos une Mesenge
Sor la branche d'un chesne crues
Où ele avoit repost ses oés.
Renart la voit , si la salue ,
1780 Conmere, bien soiez venue,
Qar descendez, si me besiez.
Renart, fet-ele, or vos taisiez,
Voirement estes mes conperes,
Se vos ne par fussiez si lerres ,
Qar vos avez fait mainte guiche
A maint oisel, à mainte biche,
C'on ne se set à coi tenir ;
Et que cuidiez-vos devenir?
Maufé vos ont si déserté
1740 Qu'en ne vos puet prendre en verte.
Dame , ce respont li Gorpil ,
Si voirement con vostre fil
DU RENART. 67
Est mes filleus en droit baptesme ,
Onques semblant ne fis ne esme
De riens qui vos déust desplere :
Savez por quoi je neF doi fere?
Droiz est que nos le vos disons.
Si a danz Nobles li Lions
Novelement la pès jurée ,
lySo Se Diex plaist, qui aura durée.
Par sa terre l'a fet jurer
Et à ses barons afier
Qu'ele ert gardée et maintenue.
Grant joie en ont la gent menue,
Par tout iront en plusors terres,
Que partout charront mortiez guerres ,
Et les bestes granz et petites ,
La merci Dieu , seront bien qui tes.
La Mesenge respont atant :
lyGo Renart, or m'alez-vos gabant,
Mes s'il vos plet, besiez autrui
Que moi ne beseroiz vos hui!
Qant Renart ot que sa conmere
Ne fera rienç por son conpere,
Dame, fet-il, or m'escoutez,
Por ce que vos me redoutez ,
Les eulz cliniez vos beserai.
Par foi, fet-ele, gel' ferai,
Cliniez donques. Il a clinié ,
1770 Et la Mesenge a empoingnié
68 ROMAN
Plain son poing de raouse et de foille :
N'a talent que besier le voille ,
Les grenons li conmence à terdre ,
Et quant Renart la cuide aerdre,
N'a trové se la mouse non
Qui li fu remese el grenon.
La Mesenge li escria,
Ahi ! Renart , quel pès ci a !
Tost eussiez la pès enfrete
1780 Se ne me fusse arrière trete.
Vos disiez que afiée
Estoit la pès et bien jurée ,
Et jurée l'avoit vo sire»
Renart li commença à rire ,
Si li a geté un abai,
Certes, fet-il, je me gabai,
Ce fis-ge por vos péor fere :
Vos qui chaut ? Or soit à réfère ,
Je reclinneré autre foiz.
«790 Or dont, fet-ele, ce est droiz.
Cil cline qui moult set de bole,
Celé li vint près de la gole
Renart , mes ne vint pas dedenz ,
Et Renart a gité les denz,
Prendre la cuide , mes il faut.
Renart, îet-ele, ce que vaut?
Ce n'iert que jà croire vos doie,
En quel manière vos croiroie ?
( -
DU RENART. 69
Se mes vos croi , le maufé m'arde !
1800 Ce dist Benart, trop les coarde^
Ce fis-ge por toi esmaier ,
Einsi te voloie essaier :
Qar certes je n'i entent mie
Ne traïson ne félonie.
Mes or revenez autre foiz ,
Tierce foiée , c'est li droiz ,
Par non de sainte charité ,
Par bien et par estaubleté ,
Bêle comere , sus levez ,
1810 Par celé foi que me devez
Et que devez à mon fiUuel
Que j'oi chanter sor cel tilluel ,
Si refaisomes ceste açorde ,
De pechéor miséricorde.
Guidiez- vos donc que je vos morde ?
Or a Benart auques la borde,
Mes celé fet oroille sorde
Qui n'est mie foie ne lorde ,
Âinz siet sor la branche du chesne.
1820 Que que Benart si se deresne,
Atant es-vos les venéors ,
Et bons lévriers et coréors
Qui sor lui se sont enbatu.
Et qant Benart a ce \éu ,
Forment s'en est esmerveilliez ,.
De fouir s'est apareilliçz^.
7© ROMAN
Que qu'il s'apreste de l'aler,
Li uns s'escrie à l'avaler,
Vez le Gorpil ! vez le Gorpil !
i83o Or est Renart en grant péril,
Il drece la qeue en l'arçon ,
Qar moult doute mors de gaingnon.
Sonent grelles et menuiax ,
Et Renart trousse ses peniax
Qui moult petit en eus se fie,
Et la Mesenge li escrie :
Renart , cist bans est tost brisiez
De la pès que me disiez ;
Âtendez moi , o vos irai ,
}84o Et par amors vos beserai.
Où fuiez-vos ? car revenez,
Renart fu cointes et senez ,
Si li a tret une mençonge.
Que qu'il parole si s'esloinge ,
Dame , les trives sont jurées
Et plevies et afiées
De pès fere de tôt en tout,
Et est jurée tout à bout :
Icil chael qui ici viengnent,
i85o Qui la pès que lor père tiengnent
N'ont encor pas aséurée
Si con lor père l'ont jurée,
Encore estoient-il trop jane
Au jor que lor père et lor dame
DU RENART. 71
Jurèrent la pès à tenir,
Que l'en les i fist lors venir.
Certes or estes- vos mauves,
GuidieZ'Vos qu'il fraingnent la pès ?
Quar retornez , si me besiez.
1860 Je n'en sui pas or aaisiez,
Ce dist Renart li desloiaux :
Atant s'en torne les granz saux.
Renart s'en fuit, ne volt plus dire,
Parmi le bois trestot à tire,
Gon cil qui bien sot les travers.
Atant estes-vos un convers
Qui deus viautres encheanez
Avoit lez la voie amenez :
Li gars qui maine les lévriers ,
1870 Si aparçut Renart premiers ,
Voit le convers , si li escrie ,
Deslie, va, les chiens deslie.
Renart l'oï, si soupira,
N'est merveille s'il s'esmaia :
Rien set que il est mal venuz
Se il pooit estre tenuz ;
Que tele gent entor lui voit,
N'i a celui, s'il le tenoit,
Yolentiers n'en ostast la pel
1880 • A la pointe de son costel.
Péor a de perdre s'escorce.
Se plus n'i vaut engin que force ,
72 ROMAN
Moult doute à perdre sa gonele,
Que riens , ce dist , n'i vaut favele.
Li convers de toutes parz muse ,
Et Renart qui pas ne réuse ,
Bien set que il ne puet guenchir,
Ne nule part ne puet fouir
Ne retorner en nule guise.
1890 Es-vos le convert qui l'avise,
Devant lui vient toz aïrez,
Ha ha ! cuivert , n'i garirez.
Sire, fait-il, por Dieu ne dites.
Vos estes preudons et hermites ,
Ne devriez en nul endroit
A nul home tolir son droit :
S'ore estoie ci arestez,
Ne par v»z chiens point destorbez,
Sor vos en seroit li péchiez ,
1900 Et j'en seroie corrociez,
Qar miens en seroit li domages ,
Si en seroie en mavez gages.
Entre moi et ceste chienaille
Moult à grant chose en la fermaille.
Cil se porpense qu'il dist bien ,
A Dieu et à saint Julien
L'a conmandé, si s'en retorne.
Renart s'en va, pas ne séjome,
Si esperone son cheval ,
igio Par unes broches lez un val
DU RENART. 73
S'en va fuiant par une plaine.^
Li criz qui après lui engraingne
Le fist aler plus que le pas.
Lez un buisson à un trespas
A un grant fossé tressailli.
Ileuques l'ont li chien guerpi,
N'en sevent mes ne vent ne voie ,
Et Ren^rt qui bien se desvoie,
N'i atent pèr ne conpaignon ,
1920 Qàr moult doute mort de gaignon.
N'est merveille s'il est lassez,
Qar le jor ot coru assez ,
Si a eu mauvez éur ,
Mes qui chaut ? or est aséur.
Assez a grant travail eu
De ce dont li est meschéu
De qant qu'il s'estoit entremis;
Moult menace ses anemis.
Que qu'il se plaint de s'aventure,
1980 Garda parmi une costure,
Si voit Tybert qui se déduit
Sanz conpaignie, sanz conduit;
De sa queue se vet jouant,
Et entor soi feste fesant.
A un saut qu'il fist , ce regarde ,
Et vit Renart que Mau-feu arde !
Si le conut bien au poil rous :
Sire, fet-il, bien veniez-vous.
7/i ROMAN
Renart respont par félonie,
1940 Tyberty je ne vos salu mie,
Jà mar vendroiz là oîi je soie ,
Qar par mon chief je vos feroie
Volentiers mal s'en avoie aise.
Or covient que Tybert se taise ,
Que Renart est moult corrociez.
Et cil se r est vers lui dreciez
Tôt simplement et sanz grant noise
Li dist, biau sire , moult me poise
Que vos estes vers moi iriez.
1960 Et Renart iu moult enpiriez
De géuner et de mal traire ,
N'a ore soing de noise faire ,
Que moult a jéuné le jor.
Et T^ert fîi plain de sejor ,
Si ot toz les grenons chanuz
Et les denz trenchanz et aguz ,
Et les ongles granz por grater.
Se Renart le voloit mater ,
Je cuit qu'il se vodroit deffendre ,
■990 Mes Renart ne volt mie enprendre
Envere Tybert nule mellée
Que en maint lieu ot desirrée :
Les moz retorne en autre guise ,
Tybert , fet-il , je ai emprise
Guerre moult dure et moult amere
Envers Ysengrin mon conpere ,
DU RENART. 75
S'ai retenu maint sodoier ,
Et vos en voil-je moult proier.
O moi remeingniez en soudées,
1970 Car ainz que soient acordées
Les trives entre moi et lui ,
Li cuit*je fere grant anui.
Tybert li chaz si fist grant joie
De ce que dant Renart li proie ,
Si li a retorné le vis ,
Tenez, fet-il, ge vos plevis
Que jà nul jor ne vos faudré ,
Et que volentiers assaudré
Dant Ysengrin qui m'a meffet
1980 Sovent et en dit et en fet.
Or l'a Renart tant amusé
Que ambedui sont acordé.
Ândui s'en vont par foi plevie^
Renart qui fu de mâle vie ,
Nel' lessa onques à haïr,
Ainz se pena de lui traïr ,
En ce a mis toute s'entente.
Il garde en une estroite sente ,
Si a choisi en une ornière ,
1990 Entre le bois et la cariere
Un broïon de chesne fendu
C'uns vilains i avoit tendu ;
Il fu recuiz , si s'en eschive ,
Mes dant Tybert qui pas n'estrive ,
76 ROMAN
S'il le puet au broion atrere ,
Volentiers li fera contrere.
Renart li a jeté un ris ,
Tybert , fet-il , dire vos puis
Que vos estes et preuz et biax,
2000 Et vostre cheval moult igniax :
Mostrez-moi comment il set corre,
Par ceste voie a moult grant podre ,
Corez toute ceste sentele ,
La voie i ert auques plus bêle.
Tybers li chaz fu eschaufez ,
Et Renart fu uns vis maufez
Qui le volt à folie joindre.
Tybert s'apareilla de poindre,
Cort et recort les sauz menuz
aoio Tant qu'il est au broion venuz.
Qant il le vit , s'aparçut bien
Que Renart i entent engien ,
Mes il n'en fet semblant ne chiere ,
En eschivant se trait ariere,
En sus se trait bien demi pie,
Et Renart l'a bien espié.
Tybert, fet-il, ce n'est pas jus,
Vostre cheval est trop eschius,
A réfère est, or repoingniez.
ao2o II s'est un petit esloigniez ,
Et let corre col estendu
Tant qu'il est au broion venu ;
DU RENART. 77
Ne guenchi onques , ainz tressaut.
Renart qui a yéu le saut ,
Voit bien qu'il s'est apercéus ,
Et que il n'iert pas decéus ;
Porpense soi que il dira
Et coment il le décevra.
Devant lui vint et si li dit
ao3o Par maltalent et par despit :
Tybert, fet-il , ne sai que dire,
Vostre cheval est assez pire ,
Es por vendre en est mains vaillanz
De ce qu'il est ainssi saillanz.
Tybert li Chaz forment s'escuse
De ce dont Dant Renart l'acuse,
Forment a son cors engraingnié
Et maint estor reconmencié.
Que qu'il s'esforce , es- vos atant
2040 Deus mastins qui vienent bâtant ;
Renart voient , s'ont abaié.
Andui se sont moult esmaié ,
Par la sente s'en vont fuiant ,
Li uns va à l'autre apuiant
•"Tant qu'il vindrent au leu tôt droit
Où li broions tenduz estoit.
Renart le voit, guenchir cuida,
Mes Tybert qui trop l'angoissa,
L'a si féru dou pie senestre ,
2o5o Que Renart estraint dou pie destre ,
7»
ROMAN
Si que la clef en est saillie.
Li engins clôt qu'il ne faut mie.
Si serrent li buisset andui ,
A Renaît ont fet grant anui ,
Le pie li ont bien enserré.
Or a Tybert moult bien ouvré
Qant el broion l'a embatu ,
Où il aura le dos batu.
Ore est mauvese conpaingnie,
•Aortu Que Tybert a sa foi mentie.
Renart remaint , Tybert s'en touche ,
Si li escrie à plaine bouche,
Renart, Renart, vos remanez
Et je m'en vois touz délivrez :
Sire Renart , viez est li Chaz ,
Petit i vaut vostre bai'az ,
lleques demorez anuit ,
Encontre vezié recuit.
Or est Renart en maie trape ,
Que li chien durement le hape ,
Et li vilains qui vint après
Leva la hache qant vint près.
Son coup rua de grant aïr.
Poor ot Renart de morir.
Si a oslé moult effréez.
Mes II ix>x est jus desvale/
Si>r le bixiiou , si la fendu.
RtMKU t a son piô esteudu ,
lt»'M»
DU RENART. 79
A soi le tret , moult fu blecié ,
ao8o Et liez qu'il n'ot le pie trenchié.
Qant il senti qu'il fu délivres,
Ne fil pas estordiz ne yvres,
Moult tost se r'est mis à la fiiie.
Et li vilain forment le huie
Qui moult se tient à engingnié.
Li chien ont lor cors engraingnié,
Si reconmencent à glatir,
Et Renart ne s'osa tapir
Devant qu'il ot le bois passé.
2090 Illuec fiirent li chien lassé ,
Recréant sont torné ariere.
Renart s'en vet une chariere ,
Moult se démente et moult s'esmaie ,
Forment li delt et cuit sa plaie ;
Ne set li las que fere puisse,
A poi qu'il n'a perdu la cuisse
Qui el broion fu fi*oisie.
Grant péor ot de la coingnie
Dont le vilain le volt ocirre.
De l'un et de l'autre martire
Fut Dant Renart moult esmaiez
Et en son cuer moult corouciez.
Renart qui moult sot de treslue ,
Et qui avoit grant fain eue,
Se met baaillant au frapier.
Si con il aloit son sentier
2100
8o ROMAN
Et s'en aloit à moult grant paine
Si con aventure le maine,
Poingnant de ce qu'il se doloit ,
2 1 1 o Choisi Tybert qui s'en aloit ,
Qui el broion l'avoit lessié.
Vers lui s'en va le col bessié,
Crient soi que Tybert ne s'en voise ,
Si lesse son plet et sa noise,
Vers lui s'adresce pas por pas
Conme cil qui moult estoit las.
Ainz n'en sot mot Tybert li Chaz
Tant qu'il fu chaoit en ses laz.
Renart le voit , si li fremie
21 20 Tote la char de lecherie ;
Grand talent a de lui mengier ,
Mes il se voudroit revengier
Por ce qu'el broion le bouta ,
Mes jà semblant ne l'en fera
Que il H voille se bien non ,
Lors l'a mis Renart à raison.
Tybert, fet-it, quel vent vos guie?
Et Tybert se met à la fuie,
Avoi! Tybert, ce dist Renart,
!ki3o Ne fuiez ne n'aiez regart,
A restez-vos , parlez à moi ,
Soviengne-vos de vostre foi :
Cuidiez-vos donc que je vos hace?
Ne doutez pas, jà Dieu ne place
DU RENART. 8i
Que jà nul jor ma foi vos mente,
Je n'entrasse hui erï ceste sente
Se ne vos cuidasse trpver,
Que ma foi voJoie aquîter.
Dant Tybert , -de la vostre foi
2 1 4 o N'estes- vos mie en tel effroi.
Tybert retorne, si s'areste.
Vers Renart artorné la. teste,
Et va ses cmgles aguisant.
Bien s'apareille par. semblant
Que forment se voudra deffendre
Se Renart li volt le doi tendre ;
Mes Renaît qui de faîn baaille,
N'a cure de fere bataille ; • »*
Tôt autre chose a empensé,
2i5o Moult a Tybert aséuré, .
Tybert,. fet-il, estrangement
A en ce&tsiede maie gent;
Li un «ne volent l'autre aidier;
Ainz se' painent de baréter
Son conpaingnon à ^on pooir :
Par foi je le vos di por voir, .
L'en ne trove mes vérité .
En nul home de mère, né ,
Et si est bieii chose pi^ôvée -
a 160 Que ciji en porte la colée
Qui s'entremet d'autre «engingnier.
Gel' vos di por un sermonier,
6 ,
I.
b9 ROMAN
C\»st vostre compère Ysengriii
Qui de novel a Ordre pris.
N'a encor gueres qu'il cuida
Tel engingnier qui l'engingna ;
Por ce ne voit estre traître,
Que tuit en ont maie mérite.
De losengier ne de mal fere
•il 70 Ne voi-ge nul à bon chief trere :
Mau chief praingnent li traïtor
Que il n'aront jamès m'amor.
De tant me sui aparcëuz
Que il est viz et mal venuz
Qui de riens ne se puet aîdier :
Tost vos meistes au frapier
Hui main qant véistes ma mort ^
Et neporqant si ai-ge tort,
Que celles il vos en pesa.
iivSo Honiz soit qui le mescrera
Que vos n'en fussiez corouciez,
Et moult durement aïriez;
Mes nepor€|ant en loiauté
Me conoissiez la verilé.
N'éustes vos grant marrement
Qant fui chaùz en cel torment,
Et chevilliez ena el broion
Où me destraintrent li gaingnon,
Et U vilain avoit haucie.
•AI 1)0 Por moi ocirre la coingnie?
DU KENART. 83
Bien me cuida à mort livrer,
Mes il failli au coup ruer ^
Encor pdrt-ge sor moi ma pel.
Tybert rèspoiit, ce fti'est modlt bel.
De ce sui , dist Reiïàrt , tôt cert ,
Que pot ce e^tre, Dant Tybert ?
Vos m'i botasites tôt de gré,
Mes or vos soit tôt pardoné.
Je fiel' di pas par félonie,
2200 Certes vos nèl' déissiez mie,
Ne cuit que nus le péust fere ,
Ne fet ore mie à rétrere.
Tybert s*esctise molemént.
Que vers lui corpable se sent;
Mes Renart où il voille ou non ,
Le conduit par gi*âtit traïson.
Tybert ne set que il li die ,
Renart d^rechief li afie
Foi aporter d'ore en avant ,
22 10 Et Tybert refait son créant :
tien ont la chose confermée ,
Mes n'aura pas longue durée.
Jà Kénart voir ne li tendra,
Ne Tybert si fox ne sera
Que il croie ce! vif maufé
Qui n'a ne foi ne loiauté ;
Mes Tybert bien se gaitera
Que de riens ne li mesfera. '
84 ROMAN
Ândui s'en vont par une sente ,
2220 N'i a celui qui son cuer sente.
Que fain avoient fort et dure ;
Mes par merveilleuse aventure
Une grant andoille ont trovée
Lez le chemin en une arée.
Renart Ta premerains saisie,
Et ïybert a dit, Diex aïe,
Biax conpains Renart, g'i ai part.
Gonment dont , ce a dit Renart ,
Qui vos en velt tolir partie?
223o Ne vos ai-ge ma foi plevie ?
Tybert moult poi s'i aséure
En ce que Dant Renart li jure.
Conpains, dist-il, qar la menjons.
Avoi! dist Renart, non ferons.
Se nos ici demorion ,
Jà en pais n'i mengerion :
Porter la nos covient avant.
Et dist Tybert, je le gréant,
Qant vit qu'autrement ne puet èstre.
22/io Renart fu de l'andoille mestre.
Par le mileu as denz le prent ,
Que de chascune part li pent
La droite moitié égaument ,
Ne la viaut porter autrement.
Qant Tybert voit que il l'enporte ,
Moult durement s'en desconforte :
DU RENART. 85
Volentiers la voudroit avoir,
Qar il set bien trestout de voir
S'ele est à partir à Renart,
aaSo 11 en aura mauvese part.
Un poi s'est de lui aprimez,
I
Dist Tybert, or voi mauvestiez,
Gonment portez vos celé andoille ?
Ne véez-vos con ele soille ?
Par la poudre la traînez ,
Et à vos denz la debavez,
Toz li cuers m'en va ondéant ; .
Mes une chose vos créant ,
S'ainssi la portez longement ,
.2260, Je la vos 1ère quitèment :
Moult la portasse ore autrement.
Et dist Renart , et vos conment ?
Mostrez \e çà. Si le verroiz,
Ce dist Tybert, car il est droiz
Que je vos en doie alegier.
Que vos la véistes premier.
Renart ne li quiert ce véer ,
Et si se prent à porpenser
Que s'il estoit auques chargiez ,
2270 Tant seroit-il plus tost plesiez
Et miex le porroit-il reprendre,
Por ce li fet Tandoille prendre.
Tybei^t ne fu pas petit liez ,
L'andoiHe prênt con afattiez ^ *
' AL Afamez.
86 ROMAN
L'un des chiés en met en sa bouche,
Puis la balance, si la couche
. Desor son dos conme senez ,
Si s'en est vers Renart tornez.
Conpains , fait-il, si porteroiz
2280 L'andoille qant vos la rauroiz,
Qar ele à la poudre n'atouche.
Ne je ne la soille à ma bouche ;
Ne la port pas vilainement.
Moult vaut un poi 4'afaitement
Que ne iet assez vilanie
Ne plain un val de lecherie ;
Et tout einssi nos en irons
Tant que en tel tertre vendrons
Où ge Yoi celé croiz fichie.
2290 Là soit nostre andoilJiç mengie,
Ne voil que aillors la portons,
Mes illeques la mengerons.
Là ne poons-nos riens cremir,
Que de partot verrops venir
Toz ceus qui nos vodront mal fere ,
Por ce nos i fait-il bon trere.
Ren^art de tôt ce n'éust cure.
Mes Tybert moult grant aleure
Se met d^van^t lui au chemin,
23oo Onques de corre ne prist fin
Tant qu'il est à la crpiz venuz.
Renart en est moult irascuz,
DU RENART. 87
Qu'il s'afMtrçut de la voisdie.
A plaUie boche U e»crie,
Gonpaias, dist-U, quar m'ateodcz.
Renart, dist-il, oe vos doutea,
Jà n'i aura rien se bien non ,
Mes sui^z moi à ç^ero» r
Jà mar de riens &er^z en doute.
23 10 Renard à. met sa force louW t.
Et $on ^an€ avee avaler,
Mèi4 ava^nt fM^ent à e«^i|^r
Tybert qiM $'en va k. gratnt pas ,
Qu'est«r<^6 ,. ne m'atende^*vos pas ?
Ëin&i s'en va Tyberl devant,
Et Renart va après corant*
Tybert ne fu nue à aprendre ,
Bien ao4 monter et bien descendre ;
As ongles à .Ia croiz se prent ,
2320 Si rampa sus raauU vistement,
O^Uft \k\k des braz s'est assis.
ReoArt fi* dolen« et pensis^
Qui de voir set que rm^xm l'a :
Tyberl, faîtH^, q»e (|ue sesa?
N'est rien, diat Tybent, se bj^ii. non,
Mes montez sus^. si mengm'oo^.
Ce sei'oit , 4i&i Reftai tf 9 grant- mal ,
Mes vos Tybert, vèrtei^ aval,'
Vos déussicA moult J^en- saAfoir
2330 Qu oesie asidoillir doit avoir.
88 ROMAN
Que c'est chose saintetiée.
Si ne doit pas estre mengiée
Devant que ele soit partie.
Si m'en jetez jus ma partie,
Que trop me feriez grever
Se lasus m'estovoit monter;
Mes fêtes ore que cortois,
Si mengerez tant con voudroiz,
Si serez de vostre foiz qui tes.
2340 Renart, que est-ce que vos dites?
Il semble que vos soiez yvres ,
Je nel' feroie por cent livres.
Vos déussiez moult bien savoir
Que tele chose à grant pooir ,
Ce est chose saintefiée,
Si ne doit pas estre mengiée
Desoz croiz ne desoz mostier,
Moult la doit-I'en bien essaucier.
Biau sire Tybert, ne Vos chaut,
235o Car poi de place a là en haut,
N'i porrions ensemble ester,
Mes or le faites conme ber,
Puis q'aval venir ne volez.
Conpains Tybert, bien le savez
Que vos m'avez vo foi plevie
De porter loial compaingnie :
Gonpaingnon se il sont ensemble
Et il trovent rien , ce me semble y
I
DU H EN ART. 89
Ensemble doivent bien partir
!k36o Se lor foi ne veulent mentir.
Partez celé andoille lasus ,
Si m'en getez ma part ça jus^
J'en prendre le peschié sor moi.
Non feré, dist Tybert^ par foi :.
Conpains Renart , qu'est-ce que dites ?
•Pires estes que sodomites^
Qui me rovez chose jeter
Que l'en ne doit desenoren
Par foi jà n'auré tant béu
2370 Que à la terre le vos ru,
Moult empireroie ma foi ,
Ce est saintisme chose en loi.
Andoille avon, bien le savez,
Conter l'avez 01 assez,
Or vos dire que vos feroiz :
Vos souferroiz à ceste foiz,
Et je vos en doing' ci le don ,
La première que troveron
Si sera vostre sanz partie,
2880 Jà mar m'en donrez une mie.
Tybert , Tybert , ce dist Renart ,
Tu charras encore en mes laz,
Se tu vels si m'en giete un poi.
Et dist Tybert, merveilles oi ,
Ne poez-vos dont tant atendre
Cas poins vos en viengne une tendre
go ROMAN
Qui sera vo&tre aanz doutance ?
N estefi pa$ de boae atendance*
Tybert a kssié le pledier,
2^90 Si aqeut l'aBdoUk à mefigier,
Qani Renart vit qW\\ la meiijue,
Si U troble aucfues la véue :
Renart, fet Tybert , moult sui liez
Qant vos ploi^es por vos peebiex ;
Diex qui connoist sa repealance ,
Le vos atort à penitance.
Ce dist Renart, or ni a plus,
Mes tu vendras encior ça jus ,
A toi le maiiiis qant auiras $oi
ifioo T'en coAvendra vejoir par moi.
Ne savez pas, ce dÂ$t Tyberl,
Gonme Di&x me^i aow ap^r^,
Encore a tel crues delesi hiqî
Qui m'estaindra nxoittU bÂen mjx soi ;
N'a eoicor giieref» cjuie il plut ,
Et de l'eve 038^2 i estu^t
Ou plus 0» nmm dliWie jaloie
Que je bevrai eonme la motfi.
Toute voies,, ee diad ftenart,
2/|io YeBdr€arvos jii^ oiii tc^t ou tart.
Ce n'crt, ce difit Tybert,. des mois.
Si sera, dist Renarl , aiaçois
Que set anz* soient trespassé ,
Eb qar l'eussiez* vos juré.
DU RENAIT. 9]
Et dist ^çn^rt , jje jur le siège
T^Qt que jç t'auré en mon piage.
Or serez , c)ist Tybert , déables y
Se Ge3t $erem0n( n'eat esUbles ;
Mais à Is^. crpi?^ qar l'afiez ,
2420 Si sera donp mie^ s^kvm^i.
Ce dist Rçtp^rt , et je l'afi
Que ]k ne me mpvrai de ci
Tant que U termes soit venus,
Si en ^stçré miex créuz :
Assez eii ^ve^ , dist-il , fait ,
Mes d'^^^ cbo»^ 19e destiait
Ç,t si, eji ai moult grant pitié ,
Qiie yos n'ayez encycur lYVÇVigié ,
Et set anz d^vez jéw^QV :
a43o Porrezrvps dpjiQ t3t^t endurer ?
Ne \ç^ en pp^ rpspçtir ,
Le seremei^t GQvi^t teniiC
Et la foi que pleyie avç2(.
Ce dist Renarl , ne yo$ tajnez.
Et d^^t Tyb^rl , et je m'e» tais ,
Cer^s jà li^'en. parlerai miii$.,
Tere m'çn doi et » est droiz ,
A^ g9Pd^% que lie yos moYOÎs.
Tyb^t se tafist et si menjue ,
2440 Renart frej(QJM elj si, tressue
De mautalient et d^ fine ire.
Qve qvie il ert en cel martire
97. ROMAN
Si oit tel noise qui l'esmaie ,
Car un mastîns de loing l'abaie
Qui en avoit senti la trace.
Or H covient guerpir la place
Se il ne velt lessier la pel ,
Car après yienent li chael ,
Et li venieres les seniont.
i/^So Renart regarde contremont,
Tybert, dist-il, qu'est-ce que j'oi?
Atendez, dist Tybert, un poi ,
Et si ne vos remuez mie :
C'est une douce mélodie ,
Par ci trespasse une compaingne
Qui vient parmi ceste champaingne ;
Par ces buissons , par ces espines
Vont chantant messes et iiiatines,
Après por les mors chanteront
2460 Et ceste croiz aoferont :
Or si vos i covient à estre ,
Ausi fiistes-vos jadis prestre.
Renart qui set que ce sont chien ,
S'aparçoit qu'il n'est mie bien ,
Mètre se volt as desarez.
Qaiït Tybert voit qu'il s'est levez ,
Renart, fet-il, por quel mestier
Vos voi-ge si apareillier?
Que ce est que vos volez faire ?
2/, 70 Je me voil, fet-il , en sus traire.
DU RENART. 93
En sus ! por quoi , et vos coninent ?
Soviengne-vos del serement
Et de la foi qui est plevie,
Par certes vos n'en irez mie :
Estez illec , je le conmant ,
Par Dieu se vos alez avant ,
)|ps en rendrez, ce est la pure,
En la cort Dant Noble droiture ,
Que là serez-vos apelez
2480 De ce dont vos vos parjurez,
Et de plus que de foi mentie ,
Si doublera la félonie.
Set anz est li sièges jurez ,
Par foi pleviz et afiez ,
Con mauves vos en deduiez
Qant au premier jor en fuiez :
Moult par sont bien de moi li chien ,
Se vos jà les doutez de rien.
Ainz que vos fêtes tel outrage
2490 Donroie-ge por vos mon gage ,
Et vers eus trives en prendroie.
Renart le let , si vet sa voie ;
Li chien qui l'ont aparcéu ,
Se sont après lui esméu ,
Mes por noient , que le pais
Sot bien , que Renart n'ert jà pris ,
Ainçois s'en va grant aléure.
Moult menace Tybert et jure
94 ROMAN
A lui se voudra acoupler
'25oo Se jamès le puet encontrer.
Esforciez est vers lui la guerre ,
Ne vell mes trives ne pès querre.
DU RÉWART. gS
—•e»»»»»» ♦ • a »»€>»^<y»» »«'»«^»«^e«««-««*«-e««»««-»*««^»«««««»««»»«««^«v.
Cm d^ %t)bm le €i)dt et de!0 Irtùf jprmred*
TyséAI- te chat dont je ai (Ht ,
Doftte Kenatt ài^se^ pértif! ,
Ne qniért ôvoir frères ne pès.
Es-vos déus pi^estres à esiès
Qui en aloient stn saint sane ,
Li uns ot uiie yiez baleane ,
Et li autres ôt desoz soi
aS 1 o Un souef anblaÉrt palefroi.
Cil alegue a Tybèrt choisi ^
Conpariis , dfet-il , esleî: ici ,
Quel béste est-ce q«re je voi là ?
Cuîvért, disl li autres, esta,
C'est uns meFvëiUetts chatz putois.
Ha ! Ûiex î c&n je seroîe roi^
Se le pooie as points tenir
A moti chiéf po* le froit courir,
Poî* ee qtie il bône pel' a^!
2620 Boft chape! et grant i a^tra:
Certes- gÉ'ffM mestîer en aroie.
Diex nos amena ceste voie
Qui bien savoir le grant rtiestier':
Or en feré apareiRier
Tout à vôstre los un chapel ,
Et pôr agencier le plus bel
96 ROMAN
Me sui porpensez d'une rien ,
Se vos loez que ce soit bien ,
Que je voil sa qeue lessier
2538 Por le chapel agrandoier,
Et por mon col covrir deriere :
Véez con est grant et pleniere.
Dist li autres, or oi bon plet,
Por amor Dieu q'ai-ge mesfet
Ne mespris en nule baillie.
Que doie perdre ma partie?
Ce dist li autres , non avez ,
Mesire Turgiz, ne savez
Con je en ai moult grant mestier ,
?54o Por ce cel me devez lessier.
Lessier! fet-il, por quel servise?
Quel bonté ai-ge de vos prise ,
Por quel chose, por quel mentes
I^ vos leroie, ce me dites?
En mal éur , dist Rufrangiers ,
Trop par estes adès maniers,
Jà mar du vostre i aura rien :
Or soit partie, jel' voil bien ,
Mes d'itant sui-je mal-bailliz
a55o Conment il doit estre partiz.
Je le sai moult bien , par ma foi ,
Jà mar en serez en efiroi.
Que se fere en volez chapel ,
Nos en ferons prisier la pel ,
DU RENART. 97
Et de la moitié le vaillant
Ferez en après mon créant.
Dist Rufrangiers , feson le bien ,
Le Chat voil-ge tôt quite mien
Et nos alons au sane ensemble ,
a56o Et si mehgerons y ce me semble ,
Qiie ce ne poons-nos véer
Que ne nos coviengne escoter ,
Por moi et por vos paierai >
Par tôt vos en aquiterai ,
Et vos m'afiez loiaument
Que vos nel' ferez autrement,
Mes la pel quite me lairez
Ne. jamès rien n'i clamerez.
Honte ait qui vée, dist Turgiz,
2.570 Tenez , sire , je vos pleviz
Et loiaument le vos afi.
Bien est , dist Rufrangiers , i$si ,
Mes liquex de nos la prendra?
Ce dist Turgiz , qui el sera ,
Je n'i claim riens ne rien n'i ai ,
Ne jà ne m'en entremetrai,
Ne par moi n'i aureps aie.
Por ce ne remâindra«-il mie ,
Dist Rufrangiers , que il n'ert mien ,
258o Or vos en coviengne dont bien.
Rufrangiers de la croiz aprocbe,
Que riens plus au cuer ne li toche
I- 7
g» ROMAN
Fors Tvbert le Chat trere à soi,
Mes trop ot petit palefroi ,
Si n*i pot ataindre en séant,
Sor la sele monte en estant.
Qant Tybert vit qu'il est dreciez,
Par mautalent est hericiez ,
Escopi Ta enmi le vis ,
aS^o Puis done un saut, sel' fiert des gris,
La face li a gratinée ,
Jus Tabati teste versée.
Si que le haterel derrière
Li est cbaû en la chariere ,
Par pou que n'est escervelez.
Deus foiées s'estoit pasmez ,
Li prestres jut en pâmoisons ,
Et Tybert sailli es arçons
Qui vuidié furent du provoire ,
a6oo Et li chevax s'en torne en oire
Qui avoit esté esfréez.
Tant fuit par chans et par arez ,
S'a tant erré qu'il vint tôt droit
A l'ostel dont tornez estoit ,
Et la famé au provoire estoit
Enmi sa cort où buschetoit.
Ne vit pas le cheval venir,
Et il vint enz de grant air ,
Tel cop li done en la poitrine
2610 Que il Ta jetée souvine.
DU RENART. 99
Bleciée fu , si ot péor
Qant ele ne vit son seignor :
En la sele où il seul séir *
Vit dant Tybert desus cropir ,
Bien cuida ce fussent déable.
Le cheval sailli en l'estable,
Et dant Tybert toz jors en son,
Qui bien conoissoit la roeson.
Moult li estoit bien avenu.
2620 Que ne l'ont mort et retenu.
Le cheval lessa estraier ,
Puis s'en est aie ostoier.
Li prestres qui jut contre terre ,
Ne sot bon palefroi oîi guerre ,
Son compaignon apele à soi ,
Amenez moi mon palefroi ,
Bian conpains, car le m'ensaigniez.
Estes-vos, distTurgiz, bleciez?
Bleciez , dist-il , ainz sui tuez ,
263a Ne fut pas chaz, einz fîi maufez
Qui nos a fait ceste envaïe ,
Déables fu , n'en doutez mie :
Ice sai-ge de vérité ,
Que nos somes enfantosmé ,
Ne jà de cest ost n'en istron ,
Ce sachiez, que nos n'i perdon.
Ne sui pas aséur de moi
Qant perdu ai mon palefroi.
loo ROMAN
Lors conmence une kyriele,
:i64o Sa credo et sa miserele ,
Pater noster, sa letanie,
Et sire Turgiz U aie.
Sovent gardoient s'il véissent
Ainz qu'à la voie se méissent,
Tybert et le cheval ensemble ,
Mes nel' virent pas , ce me semble.
Qant il nel' voient, si s'en vont,
Ghascuns fet croiz enmi son fix>nt :
Ore est li sanes respitié ,
a65o Que Rufrangiers est moult bleciez.
A son ostel en est venuz ,
Moult fu dolenz et irascuz ;
Sa famé li a demandé
Quel vent vos mené et c[uel oré ?
Pechié, dist-il, et enconbrier.
J'encontrai hui un aversier
Entre moi et mon conpaignon
Seignor Turgiz de Lonc-Buisson y
Qui nos à toz enfantosmez,
a66o A paine en sui vis eschapez.
DU RENART. loi
M*M
Bi rimtru Eenart cmpa h tqbart la cfome.
Ce fîi en mai au tens novel
Que il fesoit seri et bel,
Tôt droit eutor l'AceusioD ,
Que Renart & en sa meson,
Sanz garîson et sanz vitaiUe ,
Si a tel &in que il baaille ,
De la Mn li delt moult U cor$.
De Malpertuis s'en issi fors
Grant oire trestout eslessîé ,
2670 Si s'en' feri en un plessié :
Moult ot le cuer vain et ire-
Tybert U chaz a en<?ontré ,
Meintenant l'a à reson mis ,
Tybert , fet-il , biax doz amis ,
Quel vent vos medne , dites moi ?
Sire , fi^t Tybert j par m^ foi ,
Je avoie enprise ma voie
Ghiez un vilain lç;5 ceste haie
Que vos véez là devant nos :
2680 Li vilain a, foi qœ doi vos.
Une famé qu'il aime tant ,
Que rieui qu'il voille tant ne qant
loa KOMAN
Ne li contredit , tant soit let.
Cele a mucié plain pot de let
En une huche, et là m'en vois
Tôt eslessié parmi cel bois,
Savoir s*i porroie avenir :
Se tu en vels o moi venir.
Je te métrai en la meson ,
2690 Mes par foi soies conpaignon ,
Gelines et chapons i a.
Renart repont , et g'irai là ,
Je t'aséur, moult volentiers.
Atant se metent es sentiers
Grande alénre et le troton
Tant qu'il vindrent à la meson
Qui tote estoit close de piex.
Dex, dist Renart, biau sire Diex^
CoAment porrons entrer dedens ?
2700 Ces piex sont si entretenanz
Que n'i porrons mètre les piez.
Dist Tybert, ne vos esmaiez.
Moult bien , ce croi , vos i metron.
Lors s'en vont entor la meson
Tôt bêlement, le pas soé.
Si ont trové un pel froé :
Enz se metent sanz atargier.
Renart vet vers le gelinier
Que plus ne volt sienre le chat.
2710 Tybert qui moult sot de barat.
DU RENART. io3
S'apensa conment porra fere
Privéement le son afere.
Renart , ce dist Tybert li chaz ,
Moult vaut bons qui set de baraz ;
Par b^rat nos covient ovrer ,
Car ne pômons recoyrer
Geste perte, se là perdons
Ce que entre nos mains tenons.
Le vilain se dort finement y
2720 Or nos contenons sagement :
Ne poons pas tôt fere ensemble ,
Le miex à fere , ce me semble ,
Si est que li uns face avant ^
Et puis l'autre je vos* gréant.
Et dist Renart, en toz endroiz
Fet ert einsi con vos vodroiz.
Et dist Tybert, sez que feras ,
En la meson o moi venras ,
Car se tu seus vas as chapons ,
11730 II a çaiens de tiex gaingnons,
S'il te sentent, il t'assaudront
Et moult tost retenu t'auront ,
Et se il t'avoient blecié ,
J'en seroie trop coroucié
Se je perdoie mon afere ;
Mes vien çà , se tu vels bien fere ,
Avecques moi tant qu'aie fet,
Et se tu vels avoir du let ,
I04 ROMAN
Tu en auras à grant plenté.
1740 Renart dist, vostre volenté
Feré, que que doie avenir,
A Tostre los m'estuet tenir :
Alez devant, g'irai après,
. Sachiez je vos sieuré de près.
Atant sont à l'ostel venu ,
Tybert qui plus vesiez fu ,
Si est dedenz entrez avant ,
Puis dist, Renart, se Diex t'avant,
Gà vien , si susleve la huche ,
fi75o Du let i a plaine une cruche.
Or soies mes amis entiers.
Par foi, dist Renart, volentiers.
LfOrs ne se volt plus atenir
Renart, ainz va la huche ovrir.
Et Tybert lors dedenz sailli ,
Au pot en vint , n'a pas failli ,
Dedenz a sa teste boutée ,
Au let boivre met sa pensée ,
Et Renart la huche sostient
2760 Qui por le let fremist et gient.
Il^sçmble la langue li arde ,
Et moult piteusement Fesgarde
Tybert qui le let hume et boit,
Et cil qui la huche tenoit ,
Estoit durement à malaise.
Tybert, fait-il, es-tu aaise?
DU BENA.RT.
As-tu ce que tes eue» voloit ?
Or as-tu ce dont te dolôt
Tes eaen hui matin doreme&t.
Soles cortois , se des t'amant ,
Si hume tost et si t'en is.
Foi que je doi à isint Denis,
Geste huche forment me grieve ,
Et par un poi que je ne crieve.
Tybert entent tant à hmner
C'oncpies ne U veut mot loiier.
Autre foiz Va. à reaon uns ,
Tybert, Tybert, biax doK amis,
For Dieu hume tost , haste4tH ,
Ou la huche dum stH* toL
Tybert si entent moult petit
A ce que daat Kenart U dîst ,
A humer a s'entente mise.
Tant eu huma à sa devise j
Qant ot humé tant con li plot,
Si tresboscfaa tôt jos le pot
Et fôpandi le let trestot.
Renart h dîst, tu es trop glot »
Por qoi as le pot abatu ?
Miex vosisse que bien batn
sréusses, et après bien point.
Bien voit que dn let n'anré point ,
Et neptwqant bii, si sail hors
Que trop gui traveillié du cors
1
io6 ROMAN
De ceste huche sostenir ,
Il te convient hors à venir.
Compains, fet-il, et je Totroi,
Mes atent moi encore un poi.
Je ne puis, dist Renart, por voir,
2800 La huche lesseré chaoir
Se ne viens hoi's hastivement,
Que trop me grieve durement.
Tybert se prent à soupirer
Qant voit c[u*il ne puet endurer ,
Maintenant avoit fet un saut.
Renart tint le covercle haut,
Et Tybert saut hors de plain vol ,
Et Renart let chaoir si fort
Le covercle , et si l'empaint ,
a8io Tybert en a la qeue ataint
Si grant cop que ne fu pas gieus ,
Tronçonnée li a en deus ,
Que le covercle sus chaï.
Tybert li chaz si s'esbahi ,
Tel douleur senti à son cuer
Que ne se tenist à nul fuer,
A terre le covint venir ,
Por riens ne se pooit tenir,
Si a Renart araisonné :
3820 Renart , tu m'as mal atorné
Que tu m'as la qeue trenchie ,
Si en ai sofTert grant hachie.
DU R£NART. 107
Quoi , dist Renart , par ma vertu ,
Ce n'ai-je pas fet que dis-tu ;
Tu saillisnde si grant aîr
Que la huche féis chair.
Je nou fis, par saint liénart,
Jà n'est-il hons qui por musart
Ne me tenist se fet l'eusse ,
383o Certes si corouciez ne fusse ,
Je te teni^se por musart.
Diva, tès-toi, ce dist Renart,
Tu en doiz avoir moult grant joie ,
Car tu sez bien , se Diex me voie ,
Que tu as le cors plus legier.
De ce n'avoie-je mestier,
Dist Tybert ; saches-tu de voir ,
Nel' vosisse por nul avoir
Que tu n'as qui te croie lores.
2840 Dist Renart, tôt est forelores.
Que tu es certes trop musart,
Ta qeue estoit un apesart
Qui au cul t'aloit debatant :
Or lessons de la qeue atant
Qui ne puet estre recovrée ,
Di moi en vérité provée
Se n'en vas plus legier assez.
Et dist Tybert, vos me gabez.
Gabé , dist Renart , à qoi fere ?
a85o Que as-tu de cele qeue afere ?
io8 ROMAN
S'on te chaçoit , se Dex m'amant ,
Plus fuiroies legierement.
Bien voi , si n'est pas gaberie ,
Foi que je doi Hersent m'amie ,
Et Hermeline et ses enfanz ,
La moie qui est einsi granz ,
Yodroie fust par mi coupée.
Dist Tybert , bone Tas trovée ,
Mes or lessons atant ester ,
2860 Si en alons sanz demorer
Tôt droitement sanz delaier
Droit là où est li gelinier.
Et dist Renart , par saint Richier ,
Je voil que aions à mengier.
Atant s'en issirent de Tuis
Tôt bêlement par un pertuis ;
Droit as chapons en vont corant
Que il ne se vont delaiant ,
Il sont au gelinier venu*
2870 Tybert qui porpensé se fii 9
En a Renart à raison mis ,
Renart, &t-il, biax douz amis,
Li chapon sont ici dedenz ,
Mes se me créez par mes denz,
As gelines ^e toucherez ,
Ainz vos dire conment ferez.
Vos prendrez le coc tôt avant ,
Qui a le cors et gras et grant;
DU R£NART. 109
Et leasiez ester les gelines
2880 Qui trop ont megres les eschines.
Megres sont et entrepelées ,
Dures et vielles et crotées ;
Le coc si est jones et tendres ,
Et si est des autres moult mendres ,
Et si i metroit jà dangier
Qant vos vendrez au gelinier ,
Se les gelines perniez
Et se vos les sesisiez ,
U s'escrieroit jà si haut
2890 Que il esveilleroit Gombaut ,
Si vos feroit trop acheter,
Se il vos povoit atraper,
La pel i lairiez por voir.
Renart quide qu'il die voir ,
Mes non fet, ainçois le gaboit :
Lors sot Renart trop pou d'aguet.
A Ghantecler tôt droit s'en vient,
Qui son bec en sa plume tient :
Delez Pintain estoit à destre ,
2900 Renart le prent parmi la teste ,
Qant il le tient grant joie fet.
Tybert qui estoit en aguet,
Qui moult le bée à engingnier ,
De la main se prent à seignier ,
Si U a dit , tien le tu bien ?
Garde ne t'eschape por rien ;
no ROMAN
Ne le tiens-tu bien , di le moi.
on, dist Renaît, par ma foi ,
Je le tieng par col et par cuisse ,
agio Ne m'eschapera que je puisse.
Si con Renart ovri la goule ,
Celui qui tôt le monde boule ,
Le coc li sent lascher la bouq|ie,
Bat ses êles et si s'en touche ;
Si conmence à chanter si haut
Que li vilain sire Gorobaut
Qui se dormoit, s'en esveilla,
Drece la teste, s'oreilla,
Si a oï dant Renardier
2920 Qui jà estoit au gelinier,
Si cuida estre toz robez.
De son lit saut tôt effréez ,
Ses chiens apele et sa mesnie ,
Du fuerre prent une bracie
Et si Ta el fournier jeté ;
Le feu est tantost alumé
Si que parmi la n^eson voit.
Au gelinier en va tôt droit,
Et avec lui ses chiens en maine.
2930 L'uis a overt à quelque paine ,
Et qant Tybert l'a entendu ,
Fuiant s'en va col estendu,
Et tôt coiement s'en eschape ,
t Renart remest en la trape
DURENA.RT.- m
Qui moult fort à fouir s'atorne.
Si ne remaint ne ne séjome ,
Les granz sauz se met à la fuie ,
Et li vilain après le huie.
Ses chiens , sitost con Font véu y
ûg^o Et qant il l'ont apercéu ,
Après se mistrent en sa trace ,
Et Renart durement menace
Tybert, se il le puet ataindre ,
Il le fera crier et geindre ,
Qui tout ce li a esméu.
Et que por fol l'a-il tenu ,
Et li vilains le va huiant.
Tybert le chat s'en va riant ,
Grant joie fet et moult est liez
2950 Que de Renart sVst bien vengiez ,
Qui par barat Tôt escoué ,
Et vient tôt droit au pel froé ,
Si est sailliz hors del porpris.
Ne li chaut, puisque il n'est pris,
Que à Renart huimès aviengne,
Au miex que il porra se tiengne.
Mes Renart le sieut plus de près
Qu'il ne cuide , et li chien après
, Vint au pertuis et au destroit
âg6o Par là où il entrez estoit ,
Si se cuide parmi lancier.
Li chien pristrent à avancier,
113 ROMAN
Si l'aerdent au peliçon ,
Bien li valut une friçon.
Desoz lor piez l'ont abatu ,
Moult l'ont défoulé et batu ,
Moult l'ont atorné malement.
Renart l'endure bonement ,
Bien voit n'en pot fere autre chose ,
2970 Car il ne pot ne fouir n'ose ,
Si con li chien le vont tirant.
Renart qui moult va soupirant,
En aert un par les narilles
As denz qu'il a et fors et fines ,
Et si le fet crier et braire.
Qant li chien voit n'en puet plus faire,
Saut en travers , s'escost la teste ,
Et Renart qui fîi pute beste ,
Li a la nariile coupée ,
2980 Entre ses denz l'en a portée ,
Vint au pertuis, parmi s'en fuit,
Nel' bailleront huimés, ce cuit.
Fuit s'en Renart de grant randon
Tant con il puet à esperon ,
Tant con piez le porent porter ,
Que dant Tybert cuida trover,
Mes il ne l'a mie trové.
Sachiez que moult li a grevé ,
Se Tybert l'eust atendu ,
2990 II li éust moult chier vendu
DU RENART. îi3
L'estrif que li chien li ont fet.
Fuiant s^en va tôt un garet ,
Que grant péor ot des gaingnons ,
N'i atent per ne conpaingnons.
114 ROMATi
dt (mmt tUnaxt ftet prinuutt U firrrr
Or escoutez une autre estoire,
Si vos conteron d'un Provoire
Qui passoit au travers d'un plain :
Une boiste porte en son sain
Qui toute estoit d'oublées plaine.
3ooo Li Prestres passoit à grant paine
Une soif que à passer ot ,
Et la boiste, qu'onques nel' sot,
Li chaï qu'einz ne s'en parçut.
Renart qui cele part corut
Trove la boiste , si la prent ,
En son sain la mist justement,
Onques n'en fist noise ne bruit ,
Toz en travers les chans s'en fuit
Tant qu'il fu bien loin de la voie.
3oio Lors dist Renart, se Diex me voie,
Je verre jà que ici a.
La boiste ovri , si i trova
Moult bien cent oublées ou plus,
Et il les menja sanz refus ,
Toutes fois quatre qu'il enporte.
En tost aler moult se déporte :
«>
DU RENART. ,,5
En sa bouche tient les oublées
Qui furent en deus plois doublées.
Âtant s'en monte un tertre haut,
3o2o Garda avant, si vit Primant
Le Leu qui fu frère Ysengrin,
Qui s'en venoit tôt un chemin
Et de tost aler s'esvertue.
Si voit Renart, si le salue :
Sire Renart , bien veniez-vos.
Primant , Diex benéie vos ,
Fet Renart, et bon jor aiez:
Dont venez- vos si eslessiez?
Oii alez ? por chanter m'en vois
3o3o A un moustier outre cel bois,
Por mengier i sui aroutez;
Mes que est-ce que vos portez ?
Par foi , ce dist Renart, gastiax
De mostier moult bons et moult biax.
Gastiax! fet Primant, par Saint Gile,
Oïl les préistes- vos, biax sire?
Où ? par foi là 011 il estoient ,
Nul autre fors moi n'atendoient.
Donez les moi, biax amis chiers.
3o4o Par foi, sire, moult volen tiers,
Fet Renart qui ne fu pas y vres ,
S'eles valoient cinc cent livres,
Atant li a Renart douées
A bêle chiere les oublées.
ii6 ROMAN
Moult furent bones à Primaut ,
Renart , fet-il , se Diex te saut ,
Oïl les préis? en as-tu mes?
Nenil^ fet Renart, mes ci près
Les pris-ge dedenz un moustier.
')o5o Moult par sont bones à mengier,
Fet Primaut , se plus en avoie
Moult volentiers en mengeroie ,
Foi que doi à Tame mon père,
Que je sent la fain trop amere
Qui me destraint : par Saint Germain
Ne menjai hui ne char ne pain,
Ne poisson ne autre vitaille,
Péor ai le cuer ne me faille.
Tout ce, dist Renart, n'a mestier,
3o6o Vien , si iron à un mostier
Où il en a encor assez
Tant que tu soies respassez
De la fain qui si mal te trace.
Tu en auras par Saint Romacle.
Tele viande huimès auras,
A ta volenté en prendras.
Renart, fet-il, gari m'avez,
Por Dieu se tant fere povez
Que je peusse ma pance enplir,
3070 Encor le vos porré merir
Tele ore que besoing auroiz.
Par mon chief et vos en auroiz ,
DU RENART. 117
Fet Renart , se me volez croire ,
Tout maugré le nés au provoire :
Le moustier si est ici près,
Alez avant , g'irai après.
Atant se metent à la voie
Renart et Primaut à grant joie;
Bien ont le droit chemin tenu
3o8o Tant qu'il sont au mostier venu
Dont li Prestres fu Chapelains
Dont là boiste chaï des mains.
Qant Primaut le vit , si fu liez , ^
Soz le soil as mains et as piez
Font fosse desoz un degré;
Tôt maintenant sont enz entré.
A grant plenté i ont trovées
Oublées bien envelopées
Dedenz une blanche toaille.
3090 Primaut qui durement baaille
Por la fain qui si le destraint ,
La toaille prent , s'es ataint ;
Si les ot plus tost desnoées
Que l'en éust ses mains tornées,
La boiste en a bien délivré.
Renart , fet-il , bien as ouvré
Que tu m'as ma volenté fête,
Mes cist mengiers moult me deshaite ,
Car qant je plus en mengeroie,
3ioo Et ge voir grenor fain aroie;
DU RENAUT. 119
Le pain, le vin et la char tenre,
3i3o Et andui s'asient à terre",
Si ont andui mengié ensemble
Pain et vin et char, ce me semble,
A grant plenté et à foison.
Se il fussent en lor meson ,
N'éussent-il pas grenor joie.
Renart dist souef qu'en ne l'oie ,
Primaut, moult es ore haitiez,
Mes se Diex ait de moi pitiez,
Ge métrai engin et entente.
3j4o Primaut, fet-il, moult m'atalente
Que si bien estes conréez ,
Versez du vin et si bevez,
Et n'aiez péor de nului.
Moult vos est bien avenu hui.
Dist Primaut, sachiez sanz mentir,
Assez en bevron par leisir.
Car assez en avon , ce croi ,
Se estion encore troi ,
A grant foison et à plenté.
3i5o Tant burent à lor volenté
Qu'à Primaut le cervel bolut.
Renart qui moult bien l'aparçut,
Li dist, conpains, riens ne feson
Qant du vin assez ne bevon ,
Car en bevez , sire Primaut ,
Et si soiez joiant et haut.
I20 ROMAN
Si faz-ge, dist-il, par ma foi;
Et tu, Renart, verse, si boi.
Si faz-ge, dist Renart, assez,
3 160 Mes vos, biau doz amis, bevez,
Que trop vos voi de boire lent ,
Bevez un poi plus durement :
De boire vos voi recréu.
Dist Primant, je boif plus que tu.
Non fez, dist Renart, par ma foi ,
J'en ai bien béu plus que toi
Qui vaut la monte d'un fer d'asne y
Mes tien le henap, si di, bave,
Conpaingnon, je te di guersai.
3170 Par foi , dist Renart , je l'otrai ,
Or verrou qui est recréuz,
Et par qui ert plus tost béuz
Le vin, et le henap vuidiez.
Renart , fet-il , vos me cuidiez
De vin mater, mes non ferez,
Or verrai conment vos bevrez.
Vidiez le henap que tenez,
Puis Templez, si le me rendez,
Jà n'en ire à vos faillant.
3 180 Renart fet de boire semblant, <
Tout le vin giete en son sain.
Cil qui n'a pas le cervel sain, .
De rien nule ne s'aparçoit ,
Renart le remple , et cil boit
DU RENART. isi
A moult grant joie et à grant feste,
Li oil lî luisent en la teste
Autresi com un vif charbon.
Noble cuide estre le Lion
Et Renaît soit de sa mesnie.
3190 Renart fet bêle chiere et lie.
Et sovent à boivre li done ,
Por noient fiist delez la tone ;
Et Primaut bevoit durement.
Renart si li forre souvent
Autresi con s'il fust à feste :
Le vin est montez en la teste
A Primaut , tant en a béù.
Renart, fet-il, avez véu
Que. Diex nos a amené ci ,
3200 Moult avon bien esté servi,
La merci Dieu, à.cest souper
Se nos ftison maior ou per.
Ne péussons pas estre miex :
Or vos di-ge bien par mes ieux
Que je voii orendroit aler
A cest autel messe chanter,
Et je voi tôt prest sor l'autel
Le vestement et le mesel.
Por ce i furent mis sanz doutance ,
3210 Et je me recors de m'enfance,
Apris à chanter et à lire ,
Jà m'en orrez del plus bel dire«
Il» ROMAN
Qant Renart la parole oi ,
Dedenz son cuer s'en esjoï
Que asotez est vraiement.
Primaut aura son paiement ,
Si que il sera moult dolenz
Ançois qu'il isse de laienz ,
Tu porroies bien tel chant fere
3220 Qui te torneroit à contrere;
Chanter ne doit nus , bien le sez ,
Devant que il soit ordenez
Ou soit prestres, ou chapelains,
Ou il soit coronez au mains.
Foi que je doi Saint Lienart ,
Vos dites voir, sire Renart,
Fet Primaut qui ainz n'ot savoir,
Je cuit et croi vos dites voir ;
Jà por ce n'ert li dez changiez,
323o Mes por Dieu car me conseilliez
Qui me porroit corone faire.
Ne voil pas lessier cest afaire ,
Ma parole m'estuet sauver,
Vespres m'estuet ici chanter,
Vigilles et messe sanz faille,
Tôt ce feré ainz que m'en aille.
Ses^-tu qui corone me face ?
Dist Renart, se Diex bien me face,
Se je puis un rasoir trover ,
3240 Je vos vodré bien coroner,
DU RENART. ia3
Et vos métré au col Festoie
Tôt sanz le congié l'ApostoIe;
Je méismes d'autorité
Vos don de chanter poesté.
Jà autre Evesque n'i arez,
Maintenant coronez serez,
Bien en puis estre vostre mestre,
Autresi fui-je jadis prestre.
Vos dites voir, ce dist Primaut,
32 5o Tôt maintenant en estant saut,
Et Renart et Primaut aussi
Par le moustier s'en vont andui ,
Si cherchent angles et fenestres.
Et Primaut qui volt estre prestres ,
Si s'en va par laiens chantant
Et par ces piliers apoiant ;
Et Renart qui moult sot de frape ,
Garde derrier l'autel Saint Jasque,
Tantost a trovée une aumoire
3260 Si oon nos trovons en l'estoire :
Sachiez, c'est vérité aperte.
Maintenant Ta Renart overte ,
S'a dedenz un rasoir trové
Qui moult estoit bien afilé,
Et uns cisiax et un bacin
De laton bon et cler et fin :
Maintenant l'a saisi Renart.
Et Primaut dist , se Diex me gart ,
ia4 ROMAN
Bien vos est, fet-il, avenu,
3270 Diex vos a hui cest jor véu,
Moult fet bien vostre volenté,
Car ostiex avon à plenté ,
Cisiax bien trenchanz et bacin,
Et un rasoir et bon et; fin ,
Ne nos fout qu'eve solement.
Et celui qui moult poi entent
A chose que Renart li die ,
Coiz se tient, si ne respont mie.
Renart qui moult set de mal art ,
3-280 Si regarde de l'autre part ,
Et a pris garde tôt entor ,
Si a véu desouz la tor
Les fonz trestoz sanz coverture ,
Si s'en torna grant aléure ,
Et fet grant senblant d'omelie.
Dedenz a le bacin puisie
Au plus bêlement que il pot.
Si c'onques Primaut ne le sot ;
Onques garde ne s'en dona,
3-290 A lui vint, si l'araisona.
Conpains , dist-il , entendez çà ,
Je cuit que Diex vos aidera ,
Ce nos est venuz en souait ,
Je cuit que granz vertuz i ait.
Renart , par ce povez savoir
Que Diex velt mon service avoir,
DU RENART. laS
Et il l'aura sanz plus d'afere ,
Venez moi tost corone fere.
Par foi, dist Renart, volentîers,
33oo Je voi bien qu'il en est mestiers.
Lors s^est Primant à terre asis,
Et Renart l'a entre mains pris;
L'eve sor la teste li rue.
Cil ne dist mot ne ne remue,
Ainz se tient tôt qoi et en pès ,
Et Dant Renart si l'avoit rès
Que il n'i donoit pas deus billes,
Corone fet jusqu as orilles.
Et qant l'ot fête , si li dist :
33 lo Primant, fet-il, se Diez m'aîst,
Tu me doiz savoir moult bon gré
De ce que je t'ai corone.
Si faz-je , à la foi que doi :
Ai-je corone? oïl, par foi,
Se ne m'en créez , tastez i.
Moult volentiers, par Saint Rémi,
Fet Primaut, trestot soavet
Tôt maintenant la main i met.
La corone a bien detastée,
3320 Si la trova et grant et lée.
De leus en leus. entrepelée;
Lors a grant joie démenée ,
Puis li a dit, Renart biau mestre.
Par mon chief or sui-je bon prestre.
ROMAN
Or ne voil-je plus tlemorer
Que je n'aille messe chanter,
Jà n'i aura plus ateodu.
Et Reuart li a respondu :
Primaut biax amis , non feras ,
Les sains tôt avant soneras ,
Car on ne doit messe chanter
Devant qu'ait fet les sains soner ;
Sonez les, si ne vos soit grief.
Vos avez bien dit, par mon chief ,
Fet Primaut, je les soneré.
Et puis après si chanteré.
Atant s'en est venuz as sainz
Si grant oirre con il pot ainz ,
Et les cordes corut saisir,
Les sains sone de grant air
A glaz, à treble, à carenon.
Et Renart a pris son giron
Qui de rire ne se tenist,
Se toz ses parenz mors véîst,
Sa bouche en estoupe d'un pan ,
Puis dist, amis , ahan, ahan,
Sachiez bieu U's cordes, sachiez.
Si faz'ge, dist-il, ce sachiez,
Onques mes |>ai' nui ordené
Ne furent saiiil si bien soné
Conme cil seront, se je puî».'.-"^-
Et Renart respont , biax
^
DU RKNABT.
Tirez les deus cordes easetnble ,
Trop sonent petit, ce me semble;
Gelé eschielete par delà ,
Et Diex, com très bon son ele a!
Sachiez la corde , si wroiz.
Par foi , dist Primaut, ce est droiz.
Qui donc le véist etforcier
Les cordes tirer et sacbier,
Ne se péust tenir de rire,
Jà soit ce que il oïst dire
Que ses pères fust en la bière.
£t Renart qui fel bêle chiere,
Et tant fu sages et pensez,
Et de barat bien doctrinez,
Si li a dit, Primant, amis.
Je vos ai en grant paine mis,
Lessiez ester, car trop sonez.
Cil respont , qant vos le volez
Il me vient moult bien à plaisir ;
Atant a fait le glaz fenir
Qui moult avoit fet longue lesse,
Et toz jors à l'autel s'eslesse
Au plus lost que il pot venir,
S'ala des vestemenz vestir ^
L'aube et j'amist tôt sanz dangîer.
Et Ren«rL li cunit aidier;
Moult fiflCVKttt li nïtl» .
La soroflîhli' k^'>\\u U .
L
128 ROMAN
Et puis le fanon et Testole.
Renart rit de ce qu'il l'afole,
Tôt bêlement dit qu'en ne l'oie,
Primant , encor aurez grant joie
Qant on vos roillera le dos :
Déable vos ont fet tant os,
Miex vos venist peschier au truble.
Âtant Primant prent la chasuble.
Tôt maintenant l'a endossée :
3*^90 La corone qu'iert grant et lée ,
A aplaniée de sa main,
Et à l'autel vint tout de plain
Tôt maintenant qu'il n'i ot el,
Et si a overt le mesel :
Les foilles a pris à torner.
Renart n'a soing de séjorner.
Qu'il avoit d'encontre pëor,
Por ce n'ot cure de séjor;
Par là où il estoit entrez
3400 S'en est issuz tôt adentez.
La fosse qui ert grant et lée,
A tôt maintenant estopée,
La terre avoit ariere mise.
Et Primant remest en l'Iglise
Tôt revestu devant l'autel :
Son penser a mis à chanter.
Durement uUe et brait et crie.
Li Prestres a la noise oïe
DU RENART. lag
Et si avoit les sainz oîz :
3410 De son lit saut toz estordiz,
Si a une chandoile prise,
Au feu* en vient si l'a esprise,
Si escrie son clerc Gilain ,
Et sa famé et son Chapelain ,
Et si prent la clef du mbstier
Et à son col porte un levier.
La Dame i porta une grouge,
Et li Chapelains la coorge,
Et li Clers a pris une mace ,
34ao Qui fu hardiz conme limace,
Et tuit sont de Tostel issu,
Droit au mostier en sont venu.
Li Prestres qui moult sot d'^guet ,
Par un pertuis (ist son aguet.
Si voit Primant qui uUe et crie,
Et sachiez qu'il nel' conut mie
Por la teste qu'il vit pelée.
Et la corone grant et lée.
L'uis fet sovent clorre et ovrîr,
943o Et si l'ot uUer et glatir
Aussi conme se fust déable.
I
Ne cuidiez pas que ce soit fable.
Que si grant péor a eue,
Tote l'en trouble la véuc;
S'est à terre pasmé chaû,
Et la Dame l'a connéu,
ï- 9
iBo AOMAN
Conmence à crier et à brere ,
Et li Clerc ne se volt plus tere,
Par la vile s'en va criant,
3440 Les vilains va toz esveillant.
Or sus, fet-il, or sus, or sus,
Ârmez-vos, si n'atendez plus;
Fêtes vos cors apareillier,
Déables sont en cel mostier
Qui nos ont mon scignor tué.
Devant Tuis l'ont-il mort rué ,
 poi ne somes tuit trai.
Et li vilain qui Tout 01,
De lor liz saillent et s'atornent ,
3450 Et tôt droit au mostier s'en tornent.
Qui donc véist vilains saillir
Et droit à cel mostier venir,
Bien li membrast de grant aïe :
Li uns endosse sa cuirie ,
L'autre prent son chapel de fer
Que il semble venu d'enfer.
Trop avoit géu en fumiere :
Li autre prent sa forche fiere
Dont devoit espandre son Sens,
3460 Et li autre maine ses chiens :
Une autre tient espée en main.
Bien furent quatre cent vilain
Qui sont de moult très maie estrace.
Ghascun porte baston ou mace.
DU RENÂRT. i3
Ou flael, ou maçue ou hàsche,
Bien conbatront à la limace ;
Et cil qui estoit el mostier,
Il le vodront mal atirier
Se il povoit estre tenuz.
3470 Et li Prestres ert revcnuz
De paumoison et relevez ,
Vers eus en vint trestoz desvez,
Si lor escrie durement ,
Seignors, venez hastivement,
Déable nos ont aguetiez
Qui s'est mis en nostre moustier.
Lors acorent li vilain tuit ,
Et li Prestres si ovri Fuis,
Si entrent enz à une hie.
3480 Et Primant a la noise oïe
Et se merveille que puet estre :
Au pertuis vint, si ne s'areste,
Si l'a trové de terre plain.
Vers l'autel s'en revêt à plain
Conme cil qui fu esgarez
Et qui fu moult très mal menez ,
Puis s'en vint enmi le moustier.
»
Le Prestre tenoit un levier,
Et à deus mains le feri si
3490 Que par un poi ne l'abati.
Qant Primant se senti féru ,
Envers le Provoîre est coru
i3a ROMAN
Tôt hors du sens et esragiez :
Jà fust H Provoires mengiez,
Mes li vilain trop li anuient,
Que trestuit ensemble le huient ,
Si li douent des cox assez,
Tant que tôt à le col quassez.
Et moult a eu de la honte.
35oo Li uns le fiert, l'autre le boute
Li uns le fiert en la poitrine
Et li autre desus Teschine.
Bien voit qu'il est h mal venuz ,
A poi que il n'est retenuz ;
Mes qant vit ne porroit durer ,
Durement se prist à irer.
Lors vosist-il bien el bois estre,
Si a choisi une fenestre
Bien haute dix piez et demi ,
35 lo II s'escosse, si saut par mi.
Moult fu dolenz et corociez
De ce que il est si bleciez ;
Mes en soi de ce se conforte
Que il les vestemens en porte.
Mes quant il fu hors, grant joie ot,
Fuiant s'en va plus que le trot
Envers le bois le col bessié,
Et li vilain tout eslessié
Après lui vont plus que le pas^
3590 Mes il ne le véoient pas ,
DU RENART. i33
Car la nuit si estolt oscure,
Et il s'en vet grant aléure.
Ne s'est gueres arestéu ,
En la forest s'en est venu ;
Le Provoire va menaçant
Qui ore l'aloit si bâtant,
Et dist que bien se vengera,
Que se il puet, ne li laira
Aignel ne brebiz, se il puet.
353o Einssi le dit que plus n'en puet,
Il le metra à povreté ,
Mar l'a si malement frapé :
A tôt le mains, fet-il , sanz faille
En ai-je bone conmençaille
De lui fere anuiz et corroz ,
Tenporte ses vestemenz toz :
Se il velt demain chanter messe ,
Praingne le chainse à la prestresse ,
Ou sa chemise et aube en face,
3540 Car se Diex bien encor me face ,
Geste n'aura mes que je puisse.
Diex dont qu'encor tôt sol le truisse^
Que il soit venùz as chans fors ,
Honte li feroié del cors;
Foi que je doi Hersent ma famé.
Je li toudroie du cors l'ame ,
Que il n'i leroit autre gage.
Et Renart qui Diex doint hontage,
i34 KOMAN
Qui en son mostier me mena,
355o Puis s'en foui et me lessa
Qant il oi la gent venir,
Mes se jeF puis as point tenir,
Je le feré en mon Dieu croire ,
Jà ne m'estovra clamor fere
Devant Dant Noble le Lion
Por ce que m'a fait traïson ,
Ainz en prendre telë venjance
Que l'en en parlera par France ,
James nus n'en ert couchiez.
356o Bien déusse estre chastiez,
Tant a fête honte à mon frère; '
Mes foi que doi l'ame mon père,
Je l'en feré le cuer douloir
Se je le tiens en mon pouvoir.
Sachiez qant il m'eschapera
James nus hons n'engingnera.
Einsi s'en aloit démentant,
Garde, voit Renart qui l'atent
Soz un chesne où il gesoit,
3570 Et grant duel par semblant fesoit :
Les eulz ot par devant moilliez.
Devant Primant s'est eslessiez
Qui moult ert d'ire angoissos :
Sire, fait-il, bien veniez- vos,
Gonment venez-vos si grant pas ?
Renart, je ne vos salu pas,
DU RENART. - i35
Fet Primaut. Ha! sire, por qoit^
C'ai-je forfet ? dites te moi.
Par foi, por ee que me lesastes
358o Tôt sol, et si yos en alastes
Por ce qu'issir ne m'en péusse ,
S'en vos alast, tôt mort i fusse.
Moult m'avez fet maie barate ,
Tout sol me convint à conbatre :
Filz à putain, nain descréuz.
Maint autre avez-vos decéiiz
Par vostre enging, par vostre boule.
Mes foi que je doi à ma goule
Se ce ne me fust por pechié,
3590 J'en fusse jà si bien vetigié,
James hom ne coroucissiez ,
Ne honte ne li déissiez.
Qant Renart voit que velt tencier ,
Sa parole prent à gracier,
Et si fet de péor semblant ,
Si 11 respondi en tremblant:
Sire, fet-il, por Deu merci.
Entre moi et vos somes ci
Tôt sol à sol en cest repère ,
36oo Bien voi honte me povez fere ;
Mes foi que je doi m'espousée
Herme la franche , la loée ,
Et Malebrancfae et Percehaie,
Je ne me recort pas que j'aie
i36 ROMAN
Envers vos nule riens mesfet,
Par qoi vos me movez tel plet;
Et foi que doi Sainte Marie ,
Le pertuis n'estoupai-je mie ,
Mes li Prestres qui vos oï
36io Si Testoupa, car je le vi.
Onques por moi nel' volt lessier,
Si li conmencai à huchier
Que por Dieu ne l'estoupast mie,
Et il me dist tel vilanie
Qu se il me povoit tenir
Qu'il me feroit son gieu puir.
Et qant je vi que il s'armoit
Et que point ne m'aséuroit,
Et qu'à vos ne povoie aler,
36ao Lors si m'en pris à dévaler
Par ces destroiz les sauz menuz
Tant que au bois m'en sui venuz.
Onques n'i ot tenue resne,
Âtendu vos ai soz cest chesne,
Tôt plain d'ire et de mautalent ,
Que bien pensoie voirement
Que li Prestres vos feroit batre,
Et qu'à lui coviendroit conbatre
Et tout endurer et soufrir,
363o Par el n'en poviez partir.
Foi que je doi Sainte Esperite
La vérité vos en ai dite,
DU RENART. iSy
Parole n'en dis jusques ci
Voire n'en fîist, à Dieu l'afi;
One puis ne finai de plorer
Que je vos vi tant demorer.
Grant péor oi , se Diex me saut y
Que vos n'eussiez fet un saut ,
Et que ne fust si avenu
3640 Que vos eussent, retenu ;
IMLès non ont, si conme me semble.
Einsi s'escuse cil qui tremble ^
De péor que cil ne l'asaille.
Et Primant li respont sanz faille
Qui grant pitié en a eu
Por ce que plorer l'a véu,
Et dist, Renart, bien vos en croi,
Qr ne soiez pas en effroi
Et n'aiez de nului peur,
365o Mes soiez trestout aséur
Je feré au Prestre domage,
Au mains en ai-ge grant corage.
Tai l'aube , la chasuble painte ,
L'amist, le fanon, la sorçainte,
Qant il.vodra messe chanter,
Autre li estuet enprunter.
Car foi que je doi Saint Protès,
Il ne les avéra jamès
Ces vestemenz qiie ci véez.
366o Par foi , sire, se me créez,
i38 KOMAN
Je vos dire que nos ferons,
Fet Renart , nos les porterons
Demain à matin à la foire,
Tôt maugré le nés au Pro voire,
Bien les vendrons si con je croi.
Renart, dist Primaut, je l'otroi;
Mes or escoute , ne t'anuit ,
Reposon-nos ci mes anuit.
Que grant mestier ai de repos :
3670 Moult me delt la char et les o^,
Por ce qu'ai esté tant batuz.
Et des coux que j'ai recéuz.
Si nos reposon ci aclin ,
Et demain si levon matin
Tôt droit einsi à l'ajornée ,
Si con l'aube sera crevée.
Si en alon droit à la foire :
S'en voie trovon le Provoire
Qui par achat les voille avoir ,
368o Yendon les, si feron savoir.
Et debonairement parton
Ice.que nos deus en auron
Si que l'un* soit vers l'autre quites.
Par foi, dist Renart, moult bien dites.
DU RENART. i39
di conmt fUnart et ptimmt vttùnxetA to vtty-
Umem au ffxe^e pcft un thfmu
EiTTRE Renart et Dant Primaut
Jurent ensemble en un gaut
Jusqu'à tant que l'aube creva
Et que le souleil haut leva.
Lors se sont andui esveillié,
3690 Si ont moult bien apareillié
Conme marchéanz lor fardel ,
Et Primaut a pris un hardel ,
Et si l'a à son col pendu.
Andui s'en vont col estendu
A la foire , si font grant joie.
Si conme il vindrent enmi la voie ,
Si voient venir un Provoire
Qui estoit méuz à la foire
Por achater un vestement ;
3700 Mes il devoit privéement
Chiés un son conpaignon aler
Et avec lui devoit mengier
Privéement en sa meson ,
Si fesoit porter un oison.
Renart l'avoit apercéu ,
Gonpains , fet-il , bien est chau ,
i4o ROMAN
Ci voi un Pro voire venir;
Se por fol le poons tenir
Qu'il achatast ces garnemenz ,
3710 Que je cuit et croi par mes denz
Que ce sera savoir del vendre ;
Et il porte un oison tendre.
Son soit se le poons avoir,
Car l'en nos feroit pendre , espoir,
S'a la foire les portions :
Si vos di bien que porrions
Escoter de si à la mort.
Et dist Primant , je m'i acort
Qu'il soient venduz orendroit.
3720 Atant vint li Prestres tôt droit
Son chemin et si les salue ;
Son mantel sor s'espaule rue :
Seignors, fet-il, et Diex vos saut!
Renart lieve la teste en haut
Qui de l'oison fu convoitos ,
Sire, Diex benéie vos,
Fet-il , et vostre compaingnie !
Si lor a dit, quel vent vos guie.
Dont estes- vos, de quele terre?
3780 Marchéanz somes d'Engleterre.
Et quele part alez à foire ?
Garnemenz portons à provoire
Si conme l'aube et l'amit ,
Bêle chasuble de samit ,
DU RENART. i/|i
Et fanon, estole et sorçaintes '
Dont nos vendons ensor à maintes
A ces chanoines de mostier;
Et se vos en avez mestier ,
Grant marchié vos en ferion
3740 Tel conme ifere porrion.
Et en avez-vos nul ici?
Oïl y sire , la Dieu merci ,
Uns garnemenz avons moult biax
Qui sont liez en noz fardiax.
Fet li Près très, or soit véuz,
Que por el n'i sui-je venuz,
Se voulez je Tachateré.
Fet Primant , et je les vendre
Se del avoir avez talent.
3760 Lors a mis son fardel avant,
Si a mostré le vestement ,
Et li Prestres li dist briément.
Or me dites, se Diex vos saut
( Longue parole riens ne vaut )
Por combien les porroie avoir.
Volez le, dist Primant, savoir.
Je sui plus gent , si le dire
Que jà de mot n'en mentiré ,
Et si dire , ce cuit , resbn :
3760 Se vos m'en donez cel oison ,
Porter les porriez tou4 quites.
Par foi , dist li prestres , bien dites ,
i4^ ROMAN
Bien m'i acort et ainsi aille.
L'oison prent tost et si li baille :
Primant le prent , si le soupoise ,
Grant joie fait et moult s'envoise.
Sor son col le met, si s'en fuit,
Et Renart, qant corre le vit,
Bien en cuidoit avoir sa part ,
3770 Mes jà n'en aura que la hart :
Se Primant puet , tôt son sera ,
Primant prendra et partira.
Einsi s'en vont li dui ami
Qui par tens seront anemi
Mes qu'au partir soient venu.
Lor chemin ont tôt droit tenu
Vers un bois qui d'eus estoit près ,
Primaut devant, Renart après.
N'ont cure d'acost de vilain ,
3780 Por fol tienent le chapelain
Qui les aornemenz enporte.
Renart s'en jeue et s'en déporte ,
Et Primaut méismes s'en gabe.
Que vos feroie longue fable ?
Tant ont fet qu'el bois sont entré :
Âmbedui se sont ai^esté
Desoz un chesne en une place.
Primaut qui fu de maie estrace,
Prend l'oison , à terre l'a mis ,
3790 Si a Renart à raison mis.
DU RENART. 143
Conpains, bien fumes decéu ,
Bien en eussions deus eu
Se les éusson demandez :
Renart , fet-il , or m'entendez ^
Et l'en boutez les chaz el feu ,
Par la foi que je doi saint Leu
Jà de cestui ne mengerez*.
Ha ! sire, jà ce ne ferez .
Que me jetez de compaingnie ,
38oo Ce seroit trop grant vilanie,
Et si seroit pechié et honte.
Renart , fet Primaut , que ce monte ?
Ne m'alez pas ci sermonant ,
Et ne m'alez pas ramponant ,
N'en ai cure par saint Martin.
Se volez mengier à matin ,
Si alez en cel bois tracier,
Où vos vos alez porchacier
Aussi con vos soûliez fere.
38 10 Renart voit qu'il n'en puet plus fere,
Ne à lui ne se veut combatre ,
Grant est, si le porroit bien batre ;
N'a soing de jouer ne de rire ,
Des eulz plore , du cuer soupire.
Sa lecherie le demaine,
De lui se part à moult grant paine,
Si li a dit, Primaut, par foi,
Ne me portez pas bone foi ;
i44 . ROMAN
Foi que je doi mon filz Rovel ,
38ao C^est la compaingnie Tassel
Que vos me fêtes voirement.
Puis dist en bas tôt coiement,
A droit ai-ge descovenue ,
Trop vos ai loiauté tenue ;
Déable m'ont fet si loial
Envers traltor desloial ,
Mes foi que je doi ceus d' Arraz ,
S'engin ne me faut et baraz
Dont je sai plus que bues d'arer ,
383o Je le vos feré comperer,
Filz à putain , lerres traîtres ,
Ce sont ore bones mérites
Que j'auré de la compaingnie
Que vos ai si loial fornie.
Renart s'en va tôt sanz arest ,
Et let Primant en la forest
Qui l'oison tient entre ses piez. ' '
Moult fet grant joie , moult est liez ,
Moult se conforte et fet grant feste.
3840 Bien li cuide tenir la teste,
Mes ne set pas c'a Toil li peut :
Fox ne garde devant qu'il prent,
Ne cuide pas qu'en tôt le monde ,
Tant con il dure à la réonde,
Eust nus bons qui li tolsist.
Ix>rs à asaillir l'oison prist ,
DU RENART. ia5
Mengier le cuide maintenant.
Estes- vos le voltor volant,
Seignor Mouflart qui queroit proie,
385o Choisi Primant enmi sa voie
Qui tient Toison entre ses piez.
Si coume il vint tôt eslessiez ,
Las de voler et maz de fain ,
Et si avoit tôt le cuer vain ,
Giete la pâte , si le hape.
Primaut tire, si li eschape
La proie et le voltor ensemble.
Li lechieres fremist et tremble
Qant son oison en voit porter,
386o N'est riens qui le puist conforter.
Après va regardant en haut ,
Mes ce nule riens ne li vaut,
Que jà nul bien ne li fera,
Sire Mouflart le mengera
Qui en avoit moult grant mestier.
Ne volt fere autre mestier ,
Por mengier s'asist sor un chesne ,
Et Primaut vers lui se desresne
Et si l'avoit à raison mis.
3870 Sire Mouflart, il m'est avis
Par Dieu ce est grant desreson
Et avez fet grant mesprison ,
Qui m'avez ma proie tolete :
Je ne la vos eusse fête
I. 10
i46 ROMAN
Por cent livres, se Diex me saut;
Mes or fêtes ça jus un saut ,
Et si soiomes bon ami ,
Et si partons loe par mi ,
Si en ait chascun la moitié ,
3 880 Pot Dieu de mi aiez pitié
Que la fain durement me bote.
Primaut, fait Mouflart, riens ne monte ^
Onques ore ne vos en cbaille,
Cist est miens à la conmencaille ,
Et li autre soient tuit vostre.
Je dire une patenostre
Jesui ait de s'ame merci
De cil qui Taporta ici ,
Car il est et cras et rovez.
3890 Ha! sire, et car m'en donnez,
Fet Primant, au mains une quisse.
Jà Dieu ne place que je puisse
Voler de ça jus là aval.
Se jà vos fet ne bien ne mal ,
Fct Moflart, en lieu que je sache,
De ce n'aurez pas grant dommage,
Que des autres aurez assez ;
Mes je estoie trop lassez
De voler et matez de fain ,
3900 Que je ne finai dès hui main ;
Fox seroie par Saint Germain ,
Se ce que je tieng en ma main
DU RENART. 147
Metoie deriere mon dos.
La char meageré , mes les os
Aurez qui sont et cras et tendre ,
Vos les aurez s'es volez prendre ,
Je les vos geteré là jus.
Primaut voit que il n'i a plus,
. Et que il tient tout à vanvole
3910 Certes $on dit et sa parole,
Il s'est desoz Tarbre couchiez.
Moult est dolenz et corouciez
Qu'il a einsi Kenart servi.
Moult Tamast miei: avoir parti ,
S'en éust chascun la moitié;
Mes il avoit tôt convoitié ,
Si voit or Ihcu tôt en apert
Que qui tôt covoite, tôt pert.
Or lairon de Primaut le conte
3920 A qui Moflart a fet tel honte,
Si vos diron de l'autre part
La contenance de Renart
Qui s'en va parmi ces sentiers.
Certes moult préist volentiers
Chose que il péust mengier
S'il la pouilt^ escobichier ,
Et si aloit fort coloiant ;
Mes il n'i a trouvé noient ,
Si en est forment corociez.
8980 Par un sentier s'est adi'ecie.2
i.'i8 ROMAN
Tout droit au cliemiii de la foire ,
Ne set que dire ne que fere :
Uleques, ce dist, atendra
Savoir se aucuns hons vendra
Dont péust avoir à mengier ,
Car il en aroit grant mestier.
De toutes parz va agaitant ,
Et qant il ot agaitié tant ,
Vit charretiers par aventure
3940 Qui venoient grant aléure:
De poisson chargiez estoient
Que il à la foire menoient,
Si conme harenz et plaïz.
Renart ne fu pas esbahiz
Certes qant il les voit venir,
Du chemin ne se volt foir ,
Ainz se porpense qu'il aura ,
Jà li marchéant nel' saura.
Lors se muce par ces séuz,
3950 Qu'il ne volt pas estre véuz.
El chemin se met de travers ,
Si s'estoit couchiez à envers ,
Et prent les denz à rechinier
Por plutost la gent enginier.
Si a son balevre retret,
Les eulz clôt et la langue tret :
En l'ardille s'est tooilliez
Tant que il estoit toz soilliez.
» DU RENART. 149
A merveille resemble mort ,
3960 Et cil vienent à grant esfort
Qui le poisson vendre menoient.
Devant eus gardent et si voient
Renart le nain tout estendu ,
Et cil qui primes l'a véu ,
Esta, fet-il, Renart voi ça ,
Je cuit qu'il nos aquitera
Sa pel enquenuit nostre escot ,
Ele est bone à mètre en sorcot ,
Si vos en donré volentiers
3970 Trois sols ou quatre de deniers.
Par foi, dist l'autre, ce est voir,
Je cuit que ce sera savoir :
Vez con a blanche la gorgete.
Or le metez en la charete ,
Car ele n'est pas trop chargie.
Moult bien souferra la hachie.
Par foi, compains, bien avez dit,
«
Or le charge se Diex t'ait ,
Nos osterons sempres la pel
39 80 A la pointe de mon coutel
Qant nos seromes herbergié.
Et le charretier Ta chargié ,
Si l'a covert d'une banastre ,
Et tantost se mist à la frapc ;
Et si i avoit un panier
Où il avoit bien dcus millier
i5o ROMAN
De hareTis frès : à hone eslraine
Mengié en a une dozaine
Tant que tôt ot le ventre plain ;
3990 Ni a marchéant ne vilain
Qui s'en soit point aparcéuz.
Et qant Renart fu bien péuz ,
Si se conmence à porpenser
Conment il porra eschaper ;
Mes ainz se pense qu'il fera.
Et conment il se vengera
De Primant qui l'ot enginié.
Un harenc frès a empoingné
Que il en portera , ce dit.
4000 Lors n'i atent plus de respit ,
Il joint les piez et fet un saut.
Au charretier dist , Diex te saut !
Bien puis huimès tenir ma voie
Que j'ai fet ce que je voloie.
De fain estoie sormenez ,
Et bien me sui desjéunez
De voz harenz à bone estraine ;
Mengié en ai une douzaine,
Bien sai qu'il sont de grant bonté ,
4010 Bien valent ce qu'il m'ont costé :
Je vos lez tôt le remanant ,
Si m'en vois, à Dieu vos conmant
Qui m'a arrivé à cest port ;
Un harenc solement enport,
DU RENART. i5i
Ne plus ne mains , bien le sachiez.
Lors s'en va Renart eslessiez ,
N'a plus cure de leur acast ,
Et cil qui avoir leur escot
Guidèrent, qant ce ont oï ,
4020 Esperdu sont et esbahi.
Bien voient que sont decéu ,
Et qant se sont aparcéu ,
Tuit ensemble le vont huiant.
Et celui qui s'en va fuiant,
N'avoit de lor parole cure,
Vet s'en le trot et l'ambléure
Par valées et par montaingnes ,
Et puis par bois et puis par plaingnes ,
Tant que il est venuz au leu
4o3o Où il lessa Primant le Leu.
Qant Primant Ta véu venir,
De plorer ne se pot tenir
Por ce que forfet li avoit ,
Car il pensoit bien et savoit
Que il en estoit corouciez.
Lors s'est en son estant dreciez ,
Et est encontreHiui aie ;
Et qant il furent lez à lez,
Si Ta salué en tremblant.
4040 Et Renart li a fet semblant
Que ne Tait oï ne véu.
Primaut se tient por decéu
iSi ROMAN
Qant voit que ne H veit mot dire :
Ha ! fet-il , biau très doz sire ,
Respondez moi se vos volez ,
Ne soiez pas si adolez
Por rien que je vos aie fet;
Mes se je vos ai rien forfet ,
Je sui tôt prest del amender
4o5o Si con le vodrez demander,
Jà n'en iré encontre vos.
Par Dieu , ce dist Renart li rous ,
Primant , que ne me gabez mie ,
Se vos avez par glotonnie
Tôt par vos mengié vostre oison,
Ne m'en dites pas desraison ,
Car ce ne seroit pas savoir,
N'en croistriez pas vostre avoir,
Ne vostre avoir ne vostre pris :
4060 Se vos avez vers moi mespris ,
Bien sai que vos l'amenderez
Toutes les eures que vodrez ,
Et il en sera tans et Leus.
Sire, ce dist Primant li leus.
Se Diex me gart , je m'en recort
Que fet vos ai anui et tort.
Bien en doi estre ledengiez ;
Mes bien avez esté vengiez ,
Car si con mengier le voloie,
4070 Moflart qui aloît querant proie ,
7
DU RENART. i53
Garda, si le me vit tenir,
Vers moi conmença à venir,
Giete la pâte, sel' hapa,
Voirs est que Toison m'eschapa.
Lors soi-je bien. et puis savoir
Li vilain dit reson et voir ,
Qui dit qu'entre bouche et quilUer
Âvient sovent grant enconbrier.
De ce ne me donnoie garde ,
4080 Et li voltor point ne se tarde ,
Sor un chesnes est avolez.
J'alai après touz aroutez ,
Si le proie par amistié
Que il m'en donnast la moistié.
Il dist que mon François gastoie,
Et que jamès n'en mengeroie
Par haine ne par amor :
Onques se Diex me doint henor,
Por proier ne por sermonner
4ogo Ne. m'en volt un petit donner.
Einsi en ai esté trichiez,
S'en sui dolent et corouciejs
Qant je onques vers vos .mespris,
Si en sui dolens et pensis ;
Ne sui pas sages con vos estes.
S'un fox a ses folies faites ,
Après si en vient-il à chief :
Por Dieu, sire ne vos soit grief,
i5/i ROMAN
Et si en fesomes l'acorde,
4100 De pecheor miséricorde,
En vostre merci me métrai.
Par foi, dist Renart, je Totroi :
Tort me féistes voirement,
Si le vos pardoing bonement
Puis que vos en metez sor moi ,
Je en voudré avoir la foi :
Bone loiauté me rendroiz
D'ore en avant, et il est droiz,
Et vos aurez la moie aussi.
/ii 10 Dist Primaut, je l'otroi issi.
N'i ot plus parlé ne tencié ,
Ainz se sont entrefiancié ,
Mes se Renart puet voirement
La foi faudra prochainement.
Qant li dui baron ont pès fête,
Primaut qui de fain se deshete ,
Garde , si a choisi et voit
Le harenc que Renart tenoit.
Conpains, par le cors Saint Germain,
4120 Qu'est-ce qae tu tiens en ta main ?
C'est un harenc, ce dist Renart,
Mengié en ai , se Diex me gart ,
A grant plenté et à foison ,
Car je trovai un charreton
Qu'en portoit une charretée
Dont j'ai bien ma pance forrée ;
DU RENART. i55
Mengié en ai à grant plenté
Certes tout à ma volenté.
Biax compains, car le me donez,
4i3o Fet Primaut, foi que me devez,
Que je ne mengai dès hier main,
Si sui tout deshaitié de fain.
Renart un poi se pourpensa,
Dist que volentiers li donra :
Vos l'aurez, fet-il, volentiers,
Jà ne seré si pautonniers :
Âtant li tendi le harenc.
Primant le prist et dist ahenc.
Bien puisses-tu estre venuz !
4140 Moult m'en est or bien avénuz
Que je me moroie de fain,
Ne je ne mengai dès ier main ,
Je le Vos di tôt sanz gaboie.
Gestui mengeré toutevoie ,
Si serai plus asouagié
De la fain dont je sui chargié.
Lors Ta maintenant dévore ,
Puis a Renart araisonné :
Renart , fet-il , enseigne moi ,
4i5o Por Dieu et por l'amor de toi,
Conment tu ces harens eus ;
Sans engin avoir nés péus,
Que se je encore en avoie ,
Moult volentiers en mengeroie.
i56 ROMAN
Dist Renart, sachiez sanz mentir
Qant vi la chaire te venir,
Por ce que trop grant fain a voie.
Je me couchié enmi la voie ;
Si tenoie la teste en tort
4160 Aussi conme se fusse mort.
Sitost conme li charretier
Me virent gésir el sentier,
Si cuiderent à escient
Que je fusse mort vraiement.
Il me pristrent , il n'i ot el ,
Que moult desirroient ma pel ,
Si me jetent el chan*etil ,
Et je le fis si conme cil
Qui estoit et preuz et legiers.
4170 Si m'en ving tantost as peniers,
Si menjai tant conme je poi ,
Et qant assez mengié en oi ,
Si sailli jus à tout cestui
Que je vos ai aporté ci ;
Et se lu en veus plus avoir ,
Va après , si feras savoir,
Et si t'apareille autresi.
Je cuit et croi par Saint Rémi
Que il feront autel de toi.
4180 Par foi, dist Primant, je l'otroi ,
Je vos afi que ge i vois ;
Mes atendez moi dans ccst bois,
DU RENART. 1Ô7
Et ge irai endementiers.
Par foi , dist Renart , volentiers.
Atant s'en est aie Primaut
Le trot, l'ambléure, le saut
Et le pas que point ne délaie.
La charrete vit en la voie
Qui ert jà de la foire près,
4190 Tote plaine de harens frès;
Et qant la vit , s'en fu moult liez ,
Enmi la voie s'est couchiez,
Trestout estendu là se tint .
Tant que le charretier i vint.
Et qant véu Ta, si s'escrie :
Ha! ha! le Leu! aïe, aïe!
Seignors , pensez tost de venir ,
Jà le porrons as poins tenir :
Il nos cuide eiaginier , ce croi ,
4aoo Autresi con Renart, ma foi ;
Ore venez à grant effort ,
Si sarez se Primaut est mort.
Et lors viengnent à grant frapier
Trestuit li autre charretier.
Li marchéant qui erent loing,
Cuidierent que ce fusrjt besoing
Qant il les oïrent crier :
Atant se prenent à haster
Et vindrent à eus les granz sauz ,
4210 Mes onques ne se mut Primauz.
/
i58 ROMAN
Si se sout sor lui enbatu
Là où gisoit tout estendu.
Il est mors , fet li uns : non est ;
Par la cervele Dieu , si est.
Non est, fet li autre, il se &int. <
Adonc l'a del baston empaint
Durement , mes il ne se mut.
Un charretier i aconit
A tôt un levier en ses mains,
4 '2 10 Si l'a féru par mi les rains
Si grant coup q'à poi ne l'a mort,
Et Primaut le sent, si gient fort,
Mes onques ne se remua.
Un des ma«J.éanz l'esgarda
Qui l'avoit véu soupirer,
Lors a pris s'espée à tirer
Du fuerre, si l'en volt ferir.
£t qant Primaut le vit venir.
Si joint les piez et torne en fuie ,
4230 Et chascun en après le huie.
Moult est iriez, moult est dolenz,
Bien est batuz por les harenz
Dont il cuida avoir sa part.
Ne fîna, «i vint à Renart
Qui se gisoit desoz un cliesne ,
Devant lui vient et si l'aresno :
Renart, fet-il, bien sui traïz,
A poi que n'ai esté honniz ,
DU RENART. i5y
lÀ charretier m'ont asailli.
4240 Conmènt , Primaut , as-tu failli ?
N'as-tu pas des harens roengié ?
A poi n'ai esté mahaingnié ;
Li charretier m'ont malmené ,
Onques mes hons de mère né
N'avint en si &ite aventure,
Trop m'ont batu à desmesure.
Mal dahez ait li charreton !
N'ont pas esté chier li baston ,
A poi que n'ai esté tuez,
425o Se ne me fusse remuez.
Bien sai ne fusse mes en poine
De ma pel porter des semaines,
Car un marchéant tret s'espée
Qui la m'éust el cors boutée.
Jà ne se fîist arestéuz
Se je ne me fusse méuz;
Mes issi tost coa je le vi ,
Je sailli sus, si m'en foui
Au plus tost que poi durement.
4260 II m'ont atorné malement ,
Il m'ont tôt dépiqué le dos ;
Tant me delt la char et les os,
S'ainst me tient par Saint Germain ,
James nul jor ne serai sain.
Compains , dist Renart , vos que chaillc?
Vilain sont déable sanz faille ,
i(>» ROMAN
Voir de vilain n'est-il nul conte,
Car l'en n'en puet conter le conte.
Vilain si est sanz amistié,
4270 Vilain si n'a d'orne pitié.
Moult cuit que vous estes bleciez,
Mais qant vos estes repairiez ,
Vos en devez Dieu aorer :
Car vos venez ci reposer
Un petit, et puis en irons
Savoir se trover porrions
Chose que péussiez mengier,
Bien sai que en avez mestier.
Renart, ce dist Primant, bien dis,
4280 Issi m'ait Sainz Esperis,
Il me fust ore bien mestier
De reposer et de mengier.
Lors s'est assis joste Renart
Tôt souef à senestre part :
Moult se démente et moult se plaint ,
Que la fain forment le destraint,
Et si a esté moult batuz
Là où il se fu enbatuz
Devant la voie as charretons.
4290 Et Dant Renart qui deus boutons
Ne donroit pas en son afere ,
Se couche un petit au derrière ,
Si met son groing entre ses piez
Con cil qui bien est aaésiez,
DU RENART. i6i
Car il avoit assez mengié.
Un petitet a someîllié
Tant que il fu près de la nuit :
Ne Guidiez pas que il anuit
A Primaut qui lez lui estoit,
43oo Qui la fain forment demenoit.
Qant Renart ot dormi assez.
Et Primaut qui estoit lassez.
Le boute et il est esveilliez.
Et Renart s'est moult m^^eilliez
Qant se vit de la nuit si près.
Cil qui fu de la fain engrès.
Et qui malement le tormente,
Trestot maintenant li demande :
Renart, fet-il, car me conseille
43 lo Par quel engin, par quel merveille
Ge péusse avoir à mengier.
Car moult en ai voir grant mestier.
Renart conmence à porpenser
Conment porra vers lui tenser :
Lors li a dit, foi que vos doi,
Vos en aurez par tans, ce croi,
A grant planté et à foison.
Que ci près a une meson
A un vilain là de delez,
4320 Qui a quatre bacons salez ,
Et je sai bien , par Saint Simon ,
Par quel endroit i enterron ,
I. 1 1
i6a ROMAN
Si en aurez en moie foi
Se vos volez venir o moi.
Dist Primaut , la vostre merci :
Or vos levez donques de ci ,
Certes car rien tant ne désir
Conme je i puisse venir :
A cest ostel , si con je pens ,
433o Je n'i cuit jà venir à tens,
Ne que j'aie ma pance emplie.
Si ferez par Sainte Marie ,
Fet Renart , se me volez croire :
Or venez après moi grant erre.
Renart maintenant si se levé j
Et sachiez que pas ne li grieve
De Primaut que si tost déçoit , '
Et li chaitis ne s'aperçoit,
Ançois le sieut grant aléure.
4340 Vers la meson vont l'ambléure ,
Bien ont le droit chemin tenu
Tant q'à la meson sont venu.
Renart qui savoit tous les estres,
Regarde par unes fenestres
Si eles estoient fremées,
Mes il les voit toutes barrées ,
Et li huis devant clos estoient,
Et cil de laiens se dormoient
' àL De Primaut qui si est destroit.
('
DU RENART. i63
Et trestote voir la mesnie.
435o Renart qui volt fere haschie
Sofrir à DanI Primaut le Leu ,
Si s'apensa lores d'un jeu
Que l'autre jor avoit véu.
Bien l'ont visité et véu
Qu'en la meson ot un pertuis
Qui estoit droit deriere l'uis
Du cortil ; celé part s'en vet,
Primaut le sieut à grant esploit
Tant qu'il ont le pertuis trové.
4360 Meintenant sont dedens entré,
Et le pertuis petit estoit,
Et Primaut qui de fain moroit ,
Si i entra à grant destrece.
Et Renart au lardier s'adrece ,
Qui bien sot le lieu et la place ;
Et Dant Primaut le sieut par trace
Tant qu'il sont as bacons venuz.
Primaut , or t'est bien avenue ,
Fet Renart, que mengier povez
4370 Tant que vos soiez saoulez :
Vez-ci ce que vos ai pramis,
Or del mengier, biax doz amis.
Cil qui estoit de fain destroiz,
A une part s'estoit retroiz ,
Si a mengié moult durement.
Ha! ha! fet Renart, voiremcnt,
i6', nOMAN
Priinaut, vos me servez d'eschar,
Se ne menjus de ceste char,
Dont fui-je fox , par Saint Simon :
4^80 Bien puis mengier après poisson
Puis que je sui venu el leu ,
Et que je en ai tans et lieu.
Lors ne se volt plus atargier,
Del bacon conmence à mengier.
Primaut menjue d*une part,
Et de l'autre sire Renart
Qui savoit assez plus d'engin
Que Primaut le frère Ysengrin.
Durement menjuent et tost ,
4390 Que il estoient en repost,
Et du vilain avoient doute.
Renart si oreille et escoute,
A escouter fu ententis
Qu'il ne volt pas eslre sorpris
Se par aventure avenist
Que li ort vilain s'esperist.
Primaut menjue sanz dangier,
A riens n'entent fors à mengier.
Il a tant mengié del bacon
4400 Que il est plus gros qu'il n'est lonc
Renart, fet-il, qant vos vodroiz
Fors de céanz si nos metroiz ,
Que tant ai mengié plus ne puis.
Lors s'en vont droit vers le pertuis,
DU RENART. i65
Et Renart si s'est lanciez hors ,
Et Dant Primaut si fu tan gros
Qu'il ne pot le pertuis outrer,
Et lors se prist à dementer
Qant il voit qu'il n'en puet issir.
44 10 Ha! Diex, que porré devenir,
Fet se-il , et que porré fere ?
Renart li dist, q'as-tu, biau frère?
Que j'ai , fet-il ? par Saint Richier
Tout outre ne me puis fichier.
Fichier, fet Renart, tu te menz.
Et non faz, fet-il , par mes denz.
Je n'en puis issir , jel' te di.
Or boute ta teste par ci ,
Fet Dant Renart , por essaier
44î>o Se tu ici la puez fichier
Ne bouter en nule manière.
La passion au cuer te fiere,
Plus le haoit que nule rien ,
Il nel' disoit pas por son bien ,
Ainz le disoit, se Diex me saut,
Por fere li un mauves saut.
Primaut n'i entendi nul mal ,
Adonques s'abessa aval ,
Et el pertuis sa teste mist.
4430 Renart at oreilles le prist ,
Si sache durement et tire,
A poi le cuir ne li descire.
i66 ROMAN
U sache en bas et puis en haut.
Et puis desoz, mes ne H vaut
Rien, que il ne set tant tirer
Que d'iluec le péust oster.
Renaît, fet Primaut, sache fort,
Se je remaing, c'est sanz confort.
Que je te di sanz décevoir ,
4440 Se H vilains pooit savoir
Que je fusse ci enserré ,
Je cuit j'aroie trop aie,
Jà envers lui rescous n'aroie.
Et dist Renart, or ne t'esmoie.
Je te dis se je onques puis,
Tu t'en istras par cest pertuis.
A itant d'ilec se départ
Et va el bois fere une hart
Qu'il li volt mètre entor la teste.
445o Qant il Tôt bien torte et bien fête.
Si est arrière repairiez
Conme cil qu'est joianz et liez
Q'a Primant voit si mal avoir.
Et bien set de fî et de voir
Que ançois qu'il en issi fors
Sera-il corouciez del cors.
Lors li a la hart el col mise ,
Primant, fait-il, en nule guise.
Sachiez , ne vos leroie ci.
4460 Sire, dist-il, vostre merci :
DU REWART. 167
Or tost, por Dieu, et si sachiez,
Gardez morir ne m'i lessiez.
Non feré , fet-il , par ma foi.
Del pie s'apuie à la paroi,
Si sache tant con il plus puet,
' Et Primant del pertuis ne muet ,
Ainz le semont de bien tirer.
Et Renart prent à soupirer
Et à gembre moult durement ,
4470 Mes ne li vaut néis noient.
Que por riens que il puisse fere
Ne le puet hors del pertuis trere ^
Et de sachier ne se recroit.
Diex! dist Renart, ice que doit
Saint Esperiz et que feron ?
Leré*je ci mon compaignon ?
Nenil que je puisse sanz dote.
Lors r'a conmencie sa roté
Et de tirer et de sachier
4480 Et de tordre et de soufachier,
Que du col jusqu'au haterel
Li a reborsée là pel
Et la char qui dure estoit
Primant si a geté un brait ,
Que bien sent que il est bleciez,
Et li vilain s'est esveilliez,
Si est saiUiz hors de son lit :
Primant aura jà maie nuit
i6S ROMAN
Se li vilains le puet tenir.
4490 Qant Primant la véu venir,
Adonques ot péor de soi :
Ha ! Renart , fet-il , lesse moi ,
Que je ne voil ci plus atendre,
Vers le vilain m'estuet defFendre
Ou il m'aroit jà mahainguié.
Renart Toi , si l'a lessié ,
Qui n'en a pas le cuer dolent :
D'ilec se part, plus n'i atent,
Ne li chaut conment il aviengne
45oo Mes que le vilain ne le tiengne.
Primant remest en mauves leu
Li vilains est coruz au feu ,
Si a esprise une cfaandoile ,
Et en sa main prist une astele
Et si est venuz à Primant.
Et Primant si a fait un saut
Un petitet en loing de lui ,
Et cil giete, sel' consui
Si que desus le dos l'ataint ,
45 10 A itant la chandoile estaint.
Qant la chandoile fu estainte ,
Primant qui paine a eu mainte.
Est au vilain sore coruz.
Li vilain est au feu venuz
Por sa chandoile ralumer.
Primant où n'a que à irer ,
DU RENART. 169
Le vit au feu boute-culant,
Si est vers lui venu errant :
Par la nache du cul Ta pris,
4520 Et cil à «scrier s'est pris ,
Aide ! aide ! bone gent.
Et sa famé saut erraument
Et prent sa quenoille en sa main.
Et Primant qui tient le vilain,
Qui ses denz en sa char li boute ,
Ne la crient gueres, ne ne doute,
Ne se remue, ne se muet.
Et cèle vient qant qu'ele puet
A deus mains hauce le baston,
453o Sel' vet ferir sor le crépon.
Boute, sache, tire et empaint.
Et sachiez que pas ne se faint.
Mes tout ice riens ne li vaut ,
Car à Primant gueres n'en chaut,
Por son ferir, por menacier
Ne volt li vilains pas lessier,
Ainz le tient moult bel et moult gent.
Sueï', fet-il, apele la gent,
Que je plus endurer ne puis.
4540 Celé s'en part , si ovre Fuis ,
A haute yoiz durement crie ,
Ha ! bone gent , aïe ! aie !
Céanz sont venu li maufé ;
Jà auront mon seignor tué.
170 ROMAN
Qant Primaut choisi l'uis ouvert.
Qui le vilain fel et cuivcct
Tenoit par les naches as deoz,
(Toutes i ot mises dedenz)
Et voit que bien s'en puet aler,
455o Lors let toute sa force ester,
Si sache que la pièce enporte ,
Fouiz s'en est parmi la porte :
La famé a sor le sueil boutée ,
Si l'a en la boue tornée.
Vers la forez s'en va le cors,
Si a trouvé Renart le rous
Qui en la forez l'atendoit
Et durement se dementoit
Par traîson et par envie ;
4560 Neporqant sachiez que sa vie
N'aime-il gueres ne n'a chiere,
Et si li fesoit bêle chiere ,
Que ne velt que il s'aperçoive :
Et je crien que il en reçoive
Maies soudées en la fin.
Et Primaut ne prist onques fin
Tant que il est à lui venu.
Et Renart qui l'avoit véu
Pensis et si descoloré ,
4570 Chiere fesoit d'ome adolé.
Primaut le prent à aresnier,
Renart , dist-il , vels-tu mengier ?
DU RENART. 171
Mengier! fet-il, par le cuer Dé,
Tu as bien le vilain gabé.
Or me di par l'ame de toi,
S*il t'a blecié. Nenil , par foi ,
Fet Primaut, ce sache de voir,
Et si puez bien de fi savoir
Que je li ai fet grant domage,
4580 J'ai une pièce de sa nache
Que je t'ai ici aportée.
Lors li a el giron boutée,
Tene^ , fet-il , et si mengiez ,
Char de vilain si est daintiez ,
Ele vaut plus que je n'apel.
Primant, dist Renart, par ma pel
Et foi que je doi Malebranche,
Char de vilain noire ne blanche
Si n'est preuz en nule saison.
4590 J'ameroie plus un oison
Que à mengier char de vilein :
Que jà ne voie-je demein ,
Qui la mangera que je soie ,
Car il a là lez une haie
Que vos véez lez ce plaissiez ,
Un tropé d'oison encrassiez
Qui trestuit sont et grous et gras.
O est-ce, par saint Nicholas ,
Fet Primaut ? ensengne le moi.
4600 Volentiers, foi que je te doi,
17^ ROMAN
Fet Renart qui plain est de mal.
Delez celé haie, el val
En poés trover un tropé ,
Il n'i a borgne n'esclopé ,
Et sont granz et gras et pesanz ,
Si les i garde uns païsanz :
Il t'est bien avenu sanz faille.
Par foi g'irai conment qu'il aille ,
Jà ne (ineré jusqu'à eus ,
4610 S'en aporterai un ou deus
Qu'entre moi et toi mengeron ,
Et aten moi lés ce boisson.
Moult volentiers , ce dist Renart ,
Par mon. seignor Saint Liénart ,
Fet Renart , or saches de fi
Que je ne me movrai de ci
Por nule chose que je voie,
Et t'atendrai en celé voie.
Primant s'en va, Renart remeint,
4620 Ne quit mie que se demeint
Con esbahi ne conme fol ,
Et sovent en jure son col
Que Primant sera mal venus
Se il i puet estre tenus.
Atant s'asist enmi la voie ,
Et Primant s'en va totevoie.
Con il f\i près, celé par saut ,
Un en a pris que pas ne faut :
DU RENART. 173
11 s'en voloit mètre au retor ,
463o Mes tost l'aperçut le pastor ,
Et li a hué deus mastins.
Primaut li frères Ysengrins
Les aperçut , si s'en fuit ,
Et li chien corent après tuit,
Tuit esleissié et si l'aeinnènt ;
Por un petit que nel' mahanent.
A moult grant paine lor estort,
Fuit-s'en delivrement et tost
Tant que li chien l'orent perdu ;
4640 Droit à Renart en est venu.
Renart , fet-il , par le cuer bé ,
Tu m'as hui honi et gabé
Qui m'envoias o les chiens :
Il ne t'en puet venir biens,
Et grant mal t'en pot avenir.
Adonques le corut saisir,
Et li a dit, sire Renart,
Vos savez trop engin çt art.
Se je ne vos reng entreset
465o Le mal que l'en m'a par vos fet.
Vos m'envoiastes as oisons ,
Vos i saviez les gaingnons ,
Por ce n'i voliez venir.
A icest mot le va ferir
De sa pâte delez la face.
Dit Renart , se Diex bien me fâche ,
174 ROMAN
Vos n'estes mie bien sénés
Qui ci ilueques me bâtés
Sans forfet, ce est mesprison.
4666 Por ce se je sui petit hom
Si me bâtés et ledengiés ,
Si m'ait Dex, ce est pechiés,
Et par la foi que je vos doi
Je m'en irai clamer au Roi
Et à la Roine et à touz.
Por qoi estes-vos si estoz
Et qui vos a forfait néent ?
Vos me vendes le mautalent ,
Péchés est et desloiauté ,
/4670 Se Dame-Dex me doinst santé,
Fet Primant, vos estes bonis ,
Par vos ai esté escharnis
Et batu et mal atorné ,
Jà ne vos sera pardoné ,
Jà ne morrés que par ma mein,
Se Dex me doint véoir demein.
Renart li respondi en haut,
Par ma foi, mon seignor Primaut,
Ce seroit folie et grant tort,
4680 L'en vos demanderoit ma mort
Se vos m'aviés ore ocis ;
Je ai enfans et de grant pris
Qui bientôt, se il le savoient,
L'ame de ce cors vos trairoient
/
DU R£N ART. lyS
Se hors du pais ne fuies ,
Jà raençon n'i auriés.
Qant Primaut s'oï menacier,
Si n'ot en lui que coroucier :
Par la cheveçaille l'a pris
4690 Conme cil qui est d'ire espris ;
Contre terre l'a trebuchié,
Sor le ventre li a marchié.
Durement li foie la panée.
Or est Renart en grant dotance,
Moult a grant péor de morir,
Et Primaut conmence à ferir
Durement qui ne se faint mie;
Et Renart doucement li prie
Merci por Dieu et por son non,
4700 Si li doint DicK confession ,
Que onques riens ne li forfist.
A Primaut grant pitié en prist
Qant l'a 01 merci crier.
N'a talent de lui plus foler :
De ce q'a fet moult se repent ,
Renart, fet-il , à moi entent ,
Tu m'as fet moult mal atorner.
Au vilain m'as fet mal-mener
Primes aval et puis amont;
4710 Mes, par trestos les seinz du mont
Qant vos de moi escaperoiz ,
James autre ne gaberoiz.
17^ ROMAN
Si redit Renart, saches bien
Que je n'i sa voie nul chien ,
Ne rien née fors le vilein ;
Se Dex me doinst véoir demein
N'i Savoie nul destorbier
Par quoi me déussiez tochier ;
Mes se de ci puis escaper,
4720 Je m'en irai au Roi clamer
Et à mes fils et à ma famé ,
Et à la Roïne ma dame.
Qant Primaut l'a 01 parler
Del Roi à qui s'ira clamer.
Durement en fu efFréé :
Renart, or te soit pardoné ,
Fet Primaut, ce que tu m'as fet ;
Je te pardoins le tuen mefTet ,
Et je te leré ore atant.
473o Se jà Dex à nul bien m'amant,
Se icestui m'est pardoné
James jor ne te mesferé,
Ice te di-je tôt por voir.
Se je ce pooie savoir
Que jamès ne me forferoie,
Certes mes bons amis seroie
A trestos les jors de ta vie.
' G'en ai, dit Primaut, grant envie,
\ Et bien t'en aséureré ,
47/,o Un serement te jureré
DU RENART. i
Par quoi tu à itant me croies.
Se tu ce, dit Renaît, fescûes ,
Bien t^en seroies aquité.
Foi que doi seinte Charité ,
Fet Primant, je moult Tolentiers:
Où sera troTe li mostiers
Où ge feré le serement?
Renart respont, par seint Climent,
Je Yos métrai bien à la Yoie
4^50 Se Dex bien et conseil m'envoie.
Atant s'est pris à porpenser
Comnent il le puist vergonder.
Lors se pense qu'il le menra
A un piège que grant pieça
Savoit en ce plaissiez laenz ;
Si avoit dit entre ses denz
Que se iloc prendre le pot,
Don a4I ce que li estot,
Que ne demande autre rien née.
4760 Primant, dit Renart, bien m'agrée
Que l'acordance sera fête.
Renart, dit Primant, moult me hete
Qu'el sera fête demanois;
Or en alon donc en cel bois ,
Si sera fet le serement.
Moult volentiers, se Diex m'ament,
Fet Primant, et à bêle chiere,
Que vostre amor ai-je moult chiere.
I. 12
« é
178 KOMAN
Atant se inetent à la voie
4770 Renart et Primaut à grant joie ,
Tôt gentement et tout en pès ,
Primaut devant, Renart après.
Tant ont aie et tant venu
Qu'il sont à un piège venu
Que Renart i savoit devant.
A Primaut dist, venez avant ,
Ici endroit gist un cors saint
Qui est el ciel avec les sains,
Bon martirs et bon confessors ,
4780 Ci illeques en gist le cors,
L'ame est en la Dieu conpaingnie.
Il fu preudons de sainte vie ,
Si a toz jors Diex hounoré ,
De bon cuer servi et amé.
HeiTnites a esté lonc tans
Ci fu mis qant fini son tans ,
Ci gist et moult fet à amer.
Ici povez sor sains jurer
Que par vos n'iere plus batu,
Mon ami serez et mon dru :
Se nel' fêtes; je n'en puis mes.
Par la foi c[ue doi sainte Agnès,
Ce dist Primaut, jel' feré bien,
Ne vos estuet douter de rien ,
Mes veraiement le sachiez.
Dist Renart, dont vos abessiez
4790
DU RENART. 179
Et vos ageooilliez ici :
Puis a andeus ses piez fléchi ,
Et mist sor le piège sa main,
4800 Et di&t, si m'ait saint Germain
Et trestoiis les sains de cest mont,
Et trestous cens qui ici sont ,
Que jamès jor de mon aé
A dant Renart mal ne feré
N'a home qui soit de sa part ,
Ainz ameré toz jors Ren^irt.
Atant s'est Primaut abessiez ,
Sor le piège s'est apoiez
Tôt souavet et bêlement ;
/,8io Lever se voloit durement.
Le pié met sus , la clef destort
Si souef c'onques n'en sot mot ,
Avoit pris par le pié Primaut.
Qant Renart^ l'a véu, si saut
D'autre part., et Primaut s'escrie ,
Sir-e Renart, aïe ! aïe !'
Aidiez moi, saint Lienart.
Tu es parjure, dist Renart,
Par qoi le cors saint te détient;
4820 De toi aidier à moi que tient,
Qant Diex en velt venjance prendre ?
Por toi aidier n'i voil main tetidre.
Or remains ci, qai' je m'en vois.
N'ai plus cure de ton jenglois.
i8o ROMAN
Je me sui bien de toi vengiez,
Diex le set que moult en sui liez.
Âtant s'en vet delivrement
Et let Primaut el tornoiant ,
Qui moult grant peines i souiri.
483o Le pie illeques li rompi,
Et dant Renart li forsenez
S'en est tôt maintenant tornez ,
Et si s'en est tornez ariere
En Malpertuis en sa tesniere.
En sa voie prist un oison
Qu'il trova lez une meson
A un vilain où il passoit,
Moult en est liez , grant joie en fet.
Encontre lui vint Hermeline
4840 Qui l'aime d'amor entérine ,
Et grant joie en font si enfant
Qui moult en sont lié et joiant.
Renart à Hermeline conte
Con il a fet à Primaut honte ,
Et qu'il fist à Tybert le Chat
Sa qeue perdre par barat
En la huche oii humoit le let.
Celé s'en rit, grant joie en fet.
Avis li est tout a trouvé
485o Qant son baron a recovré.
DU RENART. i8i
il Ir^artirntt la ifxm.
Pierres qui de Saint Clost fu nez,
S'est tant traveilliez et penez
Par proiere de ses amis,
Que il nos a en rime mis
Une risée et un gabet
De Repart qui tant set d'abet ,
Le puant nain, le descréu,
Par qui ont esté decéu
Tant baron que n'en sai le conte :
48 60 Dès or conmencerai le conte ,
Se il est qui i voille entendre.
Sachiez moult i porra aprendre
Si con je cuit et con je pens.
Se à l'escouter met son sens.
Ce fu en mai en cel termine
Que la flor monte en l'aube-espine ,
Prez reverdissent et li bos ,
Et oisiax chantent sanz repos
Et toute nuit et toute jor ,
4870 Que Renart estoit à sejor
A Malpertuis sa forteresce ,
Mes moult estoit en grant destrece
i8a ROMAN
Que de garison n'avoit point.
Sa mesnie ert en si mal point
Que de faio crioit durement.
Sa famé Hermeline ensement
Qui estoit de novel ençainte ,
Et estoit si de fain atainte
Qu'el ne $e savoit conseillier.
4880 Lors se prent à apareillier
Renart por querre garison ,
Tout seus s'en ist de sa meson
Et jure qu'il ne revendra
Jusqu'à tant qu'il aportera
Viande à sa mesnie pestre.
Le grant chemin torne à senestre
£t va en travers la forest ,
Que ne li siet ne ne li plest
A tenir chemin ne sentier;
4890 Bien savoit le bois tôt entier,
Que mainte foiz l'avoit alé«
Tant ala que est avalé
Soz le bois en la praerie.
Diex ! dist Renart ^ Sainte Marie !
Où fu trovez icist biax estres?
Je cuit c'est paradis terrestres ,
Ici feroit bon herbergier
Qui assez aroit à mengier,
Yez ci le bois et le ruissel ,
4900 Onques voir ne vit nul si bel :
DU BEN ART.
Vez con il est vers et fioriz .
Issi m'aît Saioz E^>eTÎz,
Que moult volenliers i géusi«
Se je si graut besoing n'éu<-se :
Besoiog si fet vielle troter.
A ce mot preot à galoper.
Si s'en part tristres et dolenz ;
Mes la &in qu'il avoîl as denz.
Qui eachsce le leu du bois.
L'en fet partir desor son pot».
Par les prez s'en vet contrerai .
Moult regarde amont el a»al
Por savoir s'en nul leu véist
Qui à son cuer bien li séîit,
Oisel ou lièvre ou conin.
Tant va qu'il entre en un chemin
Qui vers une nie avaloit
Le chonin sieut, et qant il voit
La vile, si jure son chief,
Qui que soit bel ne qui que griet ,
Droit à celé vile en ira.
Bien cuide qu'il i trovera
Chote qui li aura mesti^.
Let te chemin et le sentier
Qant venuz est près de la vile.
Cil qui savoit assez dp çuilc.
Qui ne volt pas esti-e vriiz ,
Par ces haies , par ce» séuz .1
I
i8/» ROMAN
S'en va le pas sentant le vent.
493o Durement va Dieu réclamant
Qu'il li gart son cors de prison
Et H envoit tel garison
Dont il face sa famé lie
Et ses enfanz et sa mesnie.
Or ne me voil pas de ce taire.
Que en la vile ot un repaire
A un vilain riche d'avoir ,
Que se li livres nos dit voir
Où je trove l'estoire escrite ,
4940 De ci à Troie la petite
N'ot un vilain si aaisié,
Sa meson sist joste un plessié
Qui estoit richement garnie
De tôt le bien que terre crie ,
Si con de vaches et de hués.
De brebiz et de lait et d'ués ,
D'unes et d'autres norriçons
De gelines et de chapons ,
De ce i avoit à plenté.
4950 Or aura-il sa volenté
Renart s'il puet entrer dedenz ;
Mes je cuit et croi par mes dens
Qu'il fera par defors sejor,
Que clos estoit trestot entor
Et li jardins et la mesons
Di pïex agus et gros et Ions :
DU RENART.
Si coroit entor un missel.
Là dedenz avoit arbroissel
De maintes guises, ce sachiez,
igSo Qui tuit ereat de fruit chargiez :
Moult par estoit biax li repaires,
Sires en ert Butors' li Maires,
Uns vilains entules et riches
Qui moult estoit avers et chiches ,
Qar de despeodre a'avoit cure ,
En l'amasser ot mis sa cure,
Einz lessast plumer ses guernons
Qu'il menjast un de ses chapons,
Ne qu'il éust au feu cuisine
4970 ^^ ^^ chapon ne de geline,
Einz les fesoit au marchié vendre.
Mes se Reuart î puet main tendre ,
Je cuit bien qu'il en meagera,
Jà si garder ne les saura.
Li vilains fii en sa meson
Où u'avoit home se lui non :
Sa feme fii son file vendre ,
Li autre furent por entendre
A lor afere trestuit fors.
4g8o Renart vint celé part le cors
Qui bien pensoit; n'en dotez mie,
Que la mesoii icrl bien gaiiût:
i86 ROMAN
De ce dont il avoit mestier.
Entre deus blez par un sentier
S'en est venuz jusqu'à la haie,
De laiens entrer moult s'esmaie,
Qar les chapons yoit au soleil ,
Et Chantecler qui cline l'ueil ,
Et les poucins et les gelines
A990 Qui erent lez un tas d'espines
En un paillier où il gratoient,
Mes de tôt ce ne se gardoient,
Ainz cuidoient asséur estre;
Mes Renart qui iîi pute beste ,
De lecherie firist et art :
Bien voit par engin ne par art
N'i enterra, c'est por noient.
Entor le jardin va et vient
Por véoir et por e^prover
5 000 Se jà péust partuis trover
Par où il se péust enz mètre.
Tant va à destre et à senestre
Renart li rous^, li maléiz,
Que par devant le plesséiz
Trova un pel par aventure
Qui ert usez de porreture ,
Par là où li regors couroit
Del jardin qant pieu avoit.
Par là en est entrez dedenz
5oio Tôt soef, et jure en ses denz
DU RENART. 187
Que quiôonqaes il doîe nuire
Si fera41 sesr grenons bruk*e
Ou de chapans ou de geKne..
Tapiz s'est desoiz une espine,
Que ne volt mie esire réuz.
Ne s'est crolez , ne s'e^t méaz ^
Goiz se tient et puis À esecmte^
Chanted/er qui point ne se doute
Et qui bien cuide estrè asénr ^
5o2o S'en va en voie de malheun
Parmi le jardin porquerant
Et se» gefines apelant;
Et tant se porquierl et poTchace
Qu'il est vèliut devant k place
Là oii Heliart se fu miiciez.
Qant Reaart le vit^ si fu lie2,
Et jure que se Diek le saut.
Il li fera un mauves saut.
Que que cil à gratei* entent^
5o3o Renart se lîeve, si descent
Vers li por prendre^ mes il fant,
Car Ghantecler en travet's sauL
Or est Renart moult molbàilli
Qant il ce voit qu'il a failli j
Si n'ot en lui que corocîer :
Le cos a pris à decfaacier
Et çà et là , et sus et jus.
Ghantecler voit qu'il n'i a plus,
i»8 ROMAN
A crier conmence à haut ton.
5o4o Bertoult qui fu en sa meson ,
Saut por véoir que ce estoit
Qui ses gelines chanpartoit. *
L'uis a ouvert de son cortil ,
S'a véu Renart le Gorpil
Qui ses gelines va chaçant.
En sa meson repère atant ,
Si prent deus reseus enfumez
Que maufez li orent donez ,
Et dist que se Renart Patent ,
5o5o Moult ert iriez s'il ne le prent
Déable li ont amené
Cil qui bien semble forsené.
S'en revint à son cortil droit ,
Et Renart qui véu l'avoit ,
Desoz un chol muciez se fu ,
Et cil qui pas apris ne fii
Ne d'oiseler ne de chacier,
Sor les chous a pris à couchier
Les reseus trestoz de travers,
5o6o Et jure les os et les ners
Que Renart sera engingniez.
Lors s'escrie con esragiez,
En aventure huie et huie,
Jà soit ce qu'il nel' voie mie.
* Al. Tempestoit.
DU RENART. 189
Ha ! lia ! fel-il , mar i venistes ,
Filz à putain , lerres traîtres,
Par ça saudrez par Seint Germain.
Un baston tenoit en sa main
Dont il a les chous reversez
5870 Tant que toz les a detrenchiez,
Si les reverse sus et jus.
Qant Renart voit qu'il ni a plus y
Et que ni a mestier celée ,
Un saut a fet à la volée
Si se fiert en un des reseus.
Or li croist et anuiz et deus :
Malfez l'ont en cel point tenu
Que moult mal li est avenu.
S'il eschape , ce ert merveille ,
5 080 La roiz entor lui s'entorteille ;
Pris est et par col et par piez.
Or est-il très bien engin gniez ,
Ne li a rien valu sa guile ,
Miex li venist que en la vile
Ne fust venuz ne entrez jà.
Tome et retorne ça et là ,
Et qu'il plus torne, plus s'enlace.
Toutevoies tornoie et brace
Por issir, mes riens ne li vaut,
5090 Qar li vilains a fet un saut
Qui bien l'avoit apai'céu ,
Et dist qu'il li est meschéu
190 HOMÀN
Qaut il est chéuz en sa trape,
Merveilles ert si li eschape
Que du cors ne soit empiriez.
Vers lui s'adresce touz iriez,
Si avoit haucié le pie destre,
Desus la gorge li volt mètre,
Qar miex l'en cuidoit mestroier ;
5ioo Mes Renart nel' volt otroier,
Que tost lauroit espoir blecië.
Si con cil rabessoit son pié ,
Renart Ta pris par roi as denz
Si que toutes li enbat enz ;
Serre les denz et puis la bouche
Si que l'une dent l'autre touche :
Moult les a bien Renart serrées ,
Que d'outre en outre sont passées.
Qant li vilain se sent blecîé
5iio Et vit son pié par mi percié,
Le sanc li mue et la color,
Pasmé chai de la dolor;
Et Renart le tint toutevoie,
Qui à son cuer avoit grant joie
De ce qu'il l'avoit si amain ,
Et jure Dieu et Saint Germain
Que il ne li eschapera
Devant que son plaisir fem ,
Que bien set qu'il sera frapez
5i2o Se il li estoit eschapez;
DU RENART. 191
Que ne porroit oster son cors
Des reseus s'il n'en est mis fors
Par tel qui séust la manière :
Por ce dist que la mort le fierê
S'il li oste du pié les denz.
Et li vilain qui jut adenz
Tout issi con il estoit Ions ,
£st revenuz de paumoisons.
De Henart se cuide eschaper ,
5i3o Si li prist le groing à taster :
La bouche li voloit ovrir,
Mes Renart ne le volt soufrir ,
Ançois li va moult anuiant
Que li vilains le vet baillant
As pouces qu'il a durs et gros.
Toutes voies n'est pas tant os
Que à la bouche li adoise ;
Et Renart qui vit à malaise
Qant voit que durement le taste ,
5 140 Si giete les denz, si Le hap«
Avec le pié par la main destre.
Or est bien li vilain à mestre ,
Bien le va Renart mestroiant ,
N'eschapera , c'est por noient.
Il éust fait gretgnor savoir
S'éust lessié , ce sai de voir ,
Renart en pais querre sa vie :
Moult ot emprise grant folie
192 ROMAN
Qant le volt prendre, mar le fist;
5i5o Tant grate chievre que mal gist.
Bien se cuida de lui vengier.
Or est chéuz en son dangier.
Car il n'en aura jà pitié.
A tout le mains n'a-il c'un pie
Et une main en se baillie.
Renart a sa geule saisie
Del pié destre et del autre main ,
Moult va menaçant le vilain ,
Et dist qu'il lui toudra la vie
5i6o Du cors, foi que il doit s'amie,
Que jà n'en aura raençon :
Miex li venist estre Alançon
Que il fust chéuz en ses mains.
Grant péor avoit li vilains,
Ne set que fere ne que dire ,
Des eulz pleure , du cuer sopire
Et maine ileuques moult fort vie^
Tôt emplorant merci li crie :
Sire Renart , por Dieu merci ,
5170 Lessiez moi, por Dieu vos en pri;
Conmandez moi ce que vodroiz ,
Et jel' ferai, qar il est droiz,
Et vostre hom serai toz jors mes.
Filz a putain, vilain punès,
Fet Renart, qu'alez-vos disant?
Moult m'aliez ore hui despisant,
DU RENART. ig3
Et moult me cuidiez bien prendre ,
Que vos reseus alastes tendre *
Parmi le jardin conme fox ;
5 180 Mes si me puist aidier Saint Pox,
Li jeus s'en va en autre guise,
Venus en estes à joïse.
Vos le conparrez hui moult chier.
Et cil qui ne se puet vengijpr,
Si pleure et crie et fet grant duel :
Sire , fet-il , à vostre voil
Feré du tout mes, conmandez.
-Tessiez, distRenart, nejenglez,
Filz à putain , traîtres sers ,
5190 Que par mes doiz et par mes ners
Je vos métré en maie paine,
Ne m'eschaperez des semaine :
Bien me cuidiez avoir pris,
Mes je vos «ni à mes denz pris.
Or estes-vos en ma prison , ^
Jà n'aie-je mes garison
Se je ne vos faz tôt anui r
Alu mains jéunerez-vos hui,
N'avez pooir de vos movoir.
5200 N'en prendroie pas tôt l'avoir
L'Emperéor o tout le mien.
Foi que je doi Saint Julien ,
Que je ne vos face contraire.
R^enart , por amor Dieu ne faire ,
i3
I.
jc)/î ROMAN
Ne me fai ore pas du pis
Que tu porras , se j'ai mespris
Vers toi 9 moult très bien m'en recort,
Certes j'en ai eu le tort,
Mes je suis près de l'amender
5iio Si con vos vodrez conmander :
Jà n'irai contre vo conmant,
Ançois le sachiez vraiement
Que je le voil et si l'otroi.
Que moi et tôt le mien metroi
Du tôt en tôt en ton esgart.
Ne devez pas , se Diex me gart ,
Refuser si très bêle amende,
Que je sui garniz de viande
Tele con à vos est mestier ,
fiaio Si vos en voudrai aaisier.
Plus en ai conme ci entor,
Por Dieu fêtes moi ceste amor;
Vostre home lige devendrai,
James voir en lieu ne serai
Dont vos doie venir domage :
Por Dieu qar prenez cest homage ,
Ne soiez vers moi si crueus,
Liez poez estre qant hons tiens
Qui si est et puissans et riches,
523o Velt devenir vostre home liges.
Qant Renart le vilain entent
Qui si fort pleure et se repent ,
DU RENART. 195
Et dist que il a grant pesance
De l'outrage et de la viltance
Et de la honte qu'il li fi&t ,
Pitié l'emprent et si U dist :
Tes-toi, vilaiu,, ne plpre pas,
A ceste foiz mal n'i auras.
Mes gardç-toi de renchaoir,
Sa^o Que si puisse-je mes véoir
Ne ma famé ne mes enfanz,
Nus hpps ne te seroit garànz
Nel' te féisse comperer ;
Mes ançois que te le^se aler,
Vilain , me ^^ailleras ta foi
Que par les tiens ne que par toi
N'auré 131e honte ne domage ,
Et que tu me feras hoinage
Si tpçt con je lessié t!saité^
525o Et {Jiie tu à ma volonté
Métras tôt to^ avoir et toi.
Et dist U vilains, je l'otroi
Tout issi conme vos Ip dites;
Issi m'ait Sains Esperites
Que je n'aim riens tant ne désir
Con de ferie yostre plaisir.
A icest mot sa foi li tent
Li vilain,, et Repart la prent.
Or sachie:j^ que bien le ^pot. crpire
5i6o Trestout aussi con un provoire,
t^G ROMAN
Qar li vilains estoit entiers.
Si ne m'en tort pas volentiers.
Vilain , ce dist Renart , entent ,
Tu me fiances loiaument
Que tu feras à mon esgart.
Voire, si ait Diex en moi part
Con je volentiers le feré.
Que por nului je nel' leré ,
Ainz le feré du tout en tôt.
5270 Puis que dit l'as, je point n'en dot ,
Fet Renart, qar tu es prodom,
Au mains en as-tu le renon,
Moult ai oï de toi parler.
A cest mot l'a laissié aler.
Cil qui avoit esté grevez,
A grant paine s'en est levez ,
Et puis devant lui s'agenoille ,
De ses lermes les piez li moille
Si li fait homage en plorant,
5i8o Qu'il n'i ala plus demorant.
Envers le mostier sa main tent ,
Si li a fait le sairement
Con estuet à fere à homage,
Et li amende tôt l'outrage
Que il l'en avoit fet devant.
Moult l'en a bien fet son créant
Con cil qui estoit péouros,
Puis li dist , sire , or direz-vos
DU RENART. 197
Trestot ice qui vos plaira,
5290 Et je sui cil qui le fera
Si eonme voudrez à devise^
Tôt à mon pooir sanz faintise.
Or dont, dist Renart, vien avant,
Si me deslace tout avant
De ton reseus qui trop me grieve.
Maintenant li vilain se lieve ,
Si a fet tout à sa devise;
Et Renart qui en mainte guise
Engingne la gent et déçoit ,
53oo Deslié l'a , si le conjoit.
Encor n a-il pas oublié ,
Amis, tu m'as ore afié,
Fait-il , que trestot mon voloir
Me feras selonc ton povoir;
Mes certes tu en seras quites
Por mains assez que tu ne quides :
Je te feré bien ton feret ,
Aporte moi ton coc noiret
Que j'ai hui toute jor gaitié,
53 10 Se tu veus avoir m'amistié ,
Si le me baille par le col ;
Par la foi que je doi Saint Pol ,
James riens plus ne te querré ,
Ainz te di que je te fer^
>8eignor de moi et de ma terre.
Bertoult qui ne volt pas la guerre ,
198 ROMAN
Li dist , sire , vos dites mal y
Que par le Père esperital
Li cos est trop dur à mengier,
5320 Se vos le volez eschangier,
Il a bien ^eus ans trestoz plains ;
Mes je vos donré de mes mains
Trois poucins tendres, se voulez,
Dont vos serez bien saoulez,
Et vos feront à vostre cuer
Greignor bien, foi que doi ma suer
Dame Litouis de la Monjoie :
Qar li cos a , se Diex me voie ,
Et les ners et la char trop dure.
533o Vilain, fait Renart, je n'ai cure
De tes poucins, tuit soient ton.
Mes se tu veus fere mon bon
J'auré le coc qu,e je demant.
Sire , fet-il , vostre conmant
Ferai par droit et par raison,
Que je sui vostre liges hom :
Par mon chief orendroit l'auroiz
Puis que vos tant le desirrez.
Atant let li vilains le plet ,
5340 Et maintenant au coc s'en vet,
Si l'a chacié par le porpris.
Et tant chaça que il l'a pris
Et vint à Renart , si li baille :
Tenez, sire, se Dex me vaille
DITRENART. 199
Ne foi que je ddi Saint Mandé ,
Miex vôsisse que dethafnâé
M'eussiez déus de mes gelines
Que véfeÉ là sor ces espines :
Qar je Tamoie duremekit
535o Por ce que menu et sovent
Les ttie chauchoit l'une après l'autre ;
Mes Jjuis que vos ne volei autre ,
Il est bien droiz que vos Faiez.
Vilain, or né vos esmaiez, '
Que par mon chief bon l'avez fait
L'omage que m'aviei fait ,
Vos claim d'ore eh avant tôt quite.
Sire, dist Bertout, là mérite
Vos en puisse Diex rendt'e à l'ame ,
536o Et Sainte Marié ma Dame.
A idèst mot si se départ
Bertoult de ftiesire Heinart,
Si le conmande moult à I^é.
Et Renart qui bien Vu gabé
Et pris le c6c et si s'eti vet
Droit à Malpertuis soti rècêjt.
lUec cuide rungier l'eschine
Entre lui et Dame Hermfeline
Sa famé que il tant aiiiot;
5370 Mes encore né sot-il mot
De I3e que il li peut à l'ueil.
Si con il virft dei^oz un tueil
aoo ROMAN
Qui ert lez le chemin à destre
Desoz une vile champestre,
Garde et oï le cos qu'il porte
Qui durement se desconforte :
Des eulz pleure moult durement ,
A Renart grant pitié en prent,
Si li enquiert por qoi il pleure.
538o Por qu'or maléoite soit l'eure,
Fet li cos , que onques fui nez ,
Moult m'est or bien guerredonez
Le servise que je ait fait
A Tort vilain mesel deffet
Que je ai longement servi ;
Mal soit l'eure que je le vi 1
Qar bien sai que j'auré la mort.
Par Dieu, fet Repart, tu as tort
Qant por ce te vas démentant :
5390 Par l'ame ton père ore entent.
N'est-il bien droiz en tote place^
Que li sires par raison face
De son serjant sa volenté ?
Oïl , par ma crestienté ,
Il se doit bien lessier morir
Por le son seignor garantir
De mort se il est à meschief :
Or n'aies péor, par mon chief,
Ne puet avoir honor greignor
5400 Con de morir por son seignor.
DU RENART. aoi
Malbailliz fust et malmenez
Se il ne se fust rachetez
• Envers moi de toi seulement ,
Si aie-je amendement ,
Je réusse ocis tôt froit mort.
N'aies péor , mes preu CQnfort ,
Q'ausinc avoies à morir ,
Nus hom ne t'en pooit garir;
Si te vient miex morir issi
5/|io Que autrement, je le t'afi,
Que qant por ton seignor morras ,
Avec les Anges t'en iras
Lasus en la Dieu compaingnie
Où auras pardurable vie.
Sire, fet li cos , bien le croi,
Ne sui pas por mort en effroi
Que j'aie à avoir , ce sachiez ,
Mes de ce sui plus corrociez
Que li chapon et li gelines
54ao Que véistes lez les espines.
Seront à grant joie mengies,
N'en seront lor âmes plus lies
Et du soulaz et de la feste ,
Et j'aurai croissue la teste.
Mes grant soulaz me féissiez
S'une chançon me chantissiez :
Ne me chausist qant je morusse,
Bien sai que plus souef en ftisse
207 ROMAN
Assis en la Dieu compaingnie.
543o Et dist Renart, et je l'otrie:
Est-ce por ce que tu ploroies?
Et por qoi ne le me disoies ?
Jà por ce ne fai laide chiere ,
Foi que je doi ma famé chiere
Moult Yolentiers la vos dire
Au meillor endroit que sauré
Sauz plus por toi reconforter.
Adoqc conmença à chanter
Une chançonnete novele ;
5440 Et qant cil qui par sa favele
L'amuse, sent la bouche ouvrir,
Des êles commence à ferir
Et à batre, et s'en va volant
Desus un orme haut et grant
Qui de l'autre partie estoit.
Et quant Renart ce aparçoit,
Si sot qu'il estoit decéuz.
Desoz l'orme est acoréuz,
Si dist, sire, guilé m'avez.
5450 Renart, dist-il, or le savez,
Devant ne le saviez pas:
Par la foi que doi Saint Thomas
Miex vos venist estre téuz;
Se vos estes or decéuz
Par trop chanter, si vos tesiez
Qant vos en serez aaésiez
DU RENART. ao?
Une autre foiz, se vos en proie,
Et vos alezquerre autre proie,
Qar à céste avez-Yos failli.
5460 B.enart se tient por escharni,
Ne set que dire ne que fere y
Bien voit que miex li venist tere
Qu'avoir chanté à celé enpainte ,
Noiret, fet«il, foi que doi Sainte
Anne qui fîi de bone vie ,
Bien voi que biau chanter anuie
Et nuit aucune foiz ensemble.
Voir dist li vilain, ce me semble,
Qui dist qu'entre bouche et cuillier
5470 Avient sovent grant éncombrier :
Or en sui bien certains et fiz.
Sages fil datons et recuiz ,
,Qui ensaigna son filz petit
Q'à son mengier parlast petit;
Mes ne Tai pas bien retenu.
Bien voi que mal m'est avtenu
De trop parler a cestè foiz.
Or m'en iré, car il est droiz,
En autre lieu moi porchaciér,
5480 Ci ne puis-je riens gaaingnier.
Ha! puant rous de pute estrace,
Alez-vos ent , jà Diex ne place ,
Fet soi li cos, ne ses vertuz,
Que ne soiez ars ou penduz
ao/4 ROMAN
Aaçois que li mois soi passez,
Jà m'eussiez les os qassez
Moult putement, jeK sai de voir.
Se par enging ou par savoir
Ne me fusse de vos estors.
5490 Alez-vos eut , qar par le cors
Saint Marcel , se plus atendez
Vos peliçon ert amendez.
Que qu'il aloient si parlant
Quatre lévrier vienent bruiant
Après un porc à graut alaine
Tôt contreval par la champaingne;
Es un brachet après venant;
Li venéor lor cors cornant
Lesqex vont durement sonant,
55oo Tôt le païs vont estonant
De lor huier, de lor corner.
Tant entent au coc à parler
Renart li rous que max feus arde ,
Que onques ne se dona garde ,
Ainz li sont sor le col chéu.
Adonc se tint por decéu,
Aval les chans s'en vet fuiant ,
Li venéor le vont huiant :
Haha, haha, font-il, Renart!
55io Jà Dex n'ait en vostre ame part!
Se ne fusson si emblaé,
Jà vos éusson effréé,
DU RENART. jo5
Que si bien ne vos gardissiez
Que la cote n'i lessissiez : •
Trop séussiez certes de frape
Se ne nos lesissiez la chape,
Mes or n'avez garde de nos.
Et cil s'en vet tout péoros
Qui n'a cure de lor acost,
55ao Dedenz un terrail s'est repost
Tant que li chien se sont outré.
Et cil s'en vont tout arouté
Après corant, et font grant noise:
Ne finerent de corre à toise
Qu'il sont entré en la forest.
Qant ce voit Renart , si li plest ,
Et dist foi que il doit s'amie,
Que celé part n'ira-il mie
Qu'il puist , ne que il biau li soit :
553o Bien set se uns d'eus le tenoit,
Que il li donroit el que pain.
A cest mot est venu au plain
Et let le coc dont moult li poise,
Si s'en va fuiant à grant toise
Par un sentier entre deus blez ,
Encor se crient d'estre encontrez
Ou de lévrier ou de gaignon.
Du blé s'en ist le grant troton
Si se feri en la forest ,
5540 Ce est li leus qui plus li plest
io6 ROMAN
Et où il a mains de peur.
Or est aaise et aséur,
Se ne fust la fain qui le grieve.
Sovent garde s'il véist lièvre
Ne connin que il .péust prendre :
Moult est iriez qant li remembre
Du coc qui si l'a decéu,
Et dist que mal li est chéu;
Ne prise tôt son sens un œf ^
555o Fait se il , se il fussent nœf ,
Si les déusse engingnier toz.
Chascuns dist que je sui si proz
Et que j'ai tant sens et savoir :
Certes il ne dient pas voir.
N'a pas graat sapience enclose
En moi qant si petite chose
Gon est un cochet m'a boulé;
Miex vosisse voir qu'afolé
M'éust-l'en d'un pie ou d'un oil.
5 5 60 Mes si puissé-je mes le suoil
De ma mesoji passer à joie,
Se Diex donc que mes le voie ,
Je li ferai chier comperer.
Je disoie que buef d'arer
Ne savoit tant con je de guile ,
Et un petit cochet de vile
M'a engingnié et decéu :
Ne vodroie qu'il fust séu
DU BENART. ^o-
Por l'ennor de Gostentinoble
5576 Dedenz la Cart mesire Noble ;
Foi que je doi touz mes enfanz
Je en 3eroie trop dolenz.
Se nus bons le me reprochoit ,
Nel' vodroie por riens qui soit.
Ëinssi s'en aloit démentant ,
Et toutevoies aguetant
Savoir se jà chose véist
Dont sa famé lie féist
Qui en sa meson se démente
558o Por la fain qui si lac tormente ,
£t il méismes en baaille ,
Mes ne voit chose qui li vaille,
De qoi il est forment irez.
N'est pas trois arpenz mesurez
Alez ayant, ce sai de voir,
Qant se prent à aparcevoir
Mon Seingnor Noble et Ysengrin
Qui venoient tôt le chemin
Très parmi le bois déduiant^
5590 Es Renart celé part venant,
Et dist et pense en son corage
Qu'il fera Ysengrin domage
Se il puet en nule manière.
Atant s'en vint à bêle chiere
Devant le Roi, si le salue :
Or ça que bien soit hui venue,
io8 ROMAN
Fet Rcnart, ceste compaignie.
Li Rois ne puet tenir ne rie
Qant il voit Renart devant lui :
56oo Bon jor, fet-il, aiez-vos hui,
Renart, barat qu'alez querant?
Sire , je vois proie querant ,
Fait se-il, par ici entor,
Ne finai dès le point du jor
Por ma famé qui est ençainte,
Et je n'ai mie encor atainte
Chose que li puisse porter
Dont la péusse conforter,
Por la fain qui la destraint fort.
56io Renart, fet Noble, par la mort,
Bien fez tes afferes sanz nos.
Sire , fet-il , foi que doi vos ,
Je ne vos os viande offrir,
Qar ne daingneriez soufrir
Que si petiz hom con je sui
De cors et de force autresi,
Alast o vos en compaingnie :
Miex amez la grant baronie
De vostre Cort avecques vos ,
5620 Si con est sire Bruns li Ors ,
Baucent et Rooniax li vautres ,
Seingnor Ysengrin et ces autres ;
N'avez cure de povre gent.
Renart, fet li Rois, bel et gent,
DU RENART. 209
Malez gabant, si con moi semble,
Mes or vendrez o nos ensemble,
Se il vos plet et il vos siet,
Et si vos pri qu'il ne vos griet,
Tant que proie puissons trover
56 3o Dont nos puissons desjéuner
Entre nos trois , se Diex me voie.
Sire, fait-il, je n'oseroie
Por mesire Ysengrin le Leu
Qui est o vos, que par Saint Leu
Bien sai que il m'a contre cuer ;
Il ne m'ameroit à nul fuer,
N'onques ne li fis par mon chief
Que je sache qui li fiist grief.
De sa famé m'a mescréu,
5640 Mes par Dieu et par sa vertu
Onques encor jar de ma vie
Ne li requis-je vilanie
Ne nule chose à ma conmere
Que ne requisisse à ma mère,
Si ne le quideroit-il pas.
Renàrt, fèt li Rois, c'est tout gas.
Ne péust pas estre avéré
Qu'en ne vos i éust trové ,
Se tant l'eussiez maintenue :
565o Or n'i ait pas desconvenue ,
Orendroit la pès en feron.
Sire, fet-il, le guerredon
J. 14
aïo ROMAN
Vos en puist rendre Diex à Tame !
Que foi que je doi à ma famé ,
Il a tort et je ai le droit.
Ysengrin amis, ce que doit,
Fait li Rois, que Renart haez,
Par Dieu fox estes qui créez
Tel vilanie de Renart :
5660 Se Dame Diex ait en moi p£V*t,
Je ne quit pas qu'il le féist
Qu'en nule guise requéist
Yostre famé de vilanie :
Faites ore une cortoisie ,
Pardonez li vo mautalent,
Si serez sauf mon escient ,
Que par mon chief grant tort avez ,
Que vos \ce que ne savez
Fors seulement par oîr dire ,
5670 Li portez ne corroz ne ire ;
N'est pas manière de sage home.
Foi que doi Saint Père de Rome
Je conois bien Renart à tel
Que nel' féist por le chastel
L'Emperéor Otovien.
Sire, fet-il, je le croi bien,
Fait se il , qant le tesmoingnez ;
Or donques si ne porloingniez
Et de bon cuer li pardonnez
568o Le mautalent q'à lui avez.
DU RENART. an
Ysengrin respont, je Totroi,
Je li pardoing en bone foi
Ici iliaques devant vos ,
James n'ere vers lui iros
Jor que la vie el cors me soit,
Aiuz voil que mes bons conpains soit.
Après cest mot s'entrebesierent
Cil qui onques ne s'entr'amerent ,
Ne jà jor ne s'entr'ame'ront ,
5690 Dire puéent ce qu'il vodront;
Mes por ce ne remue droit ,
Pès ont fête qude que soit :
Devant le Roi l'ont fiancée ,
Mes moult aura corte durée ,
Que ne pooit estre à nul fuer
Si uns n'ait l'autre contre cuer,
Ne jà ne seront sanz rancune.
Ne donroie pas une prune
En celé pès , se Diex me gart ,
5700 Voirs est que c'est la pès Renart
Qui onc ne fina de tricfaier,
Encor ne le velt pas lessier.
Einssi ont fet pès, ce me semble,
Renart et Ysengrin ensemble.
Après se sont mis au chenûn
Nobles avant et Ysengrin ,
Et puis en après Dant Renart
Qui moult par est plains de mal art.
2ia ROMAN
Renart, dist Nobles, que feron?
5710 A ton conseil nos maintendron :
A cest point seras nostre mestres ,
Que bien sai que tu sez les estres
De cest bois et toutes les sentes;
Mes or gar que tu ne me mentes,
Se tu sez nul lieu ci entor,
Ne pré ne pasture en destor
Où nos péussons trover proie ,
Qar nos i maine droite voie,
Se tu le sez, se Diex t'a voit,
5-ao Chose que li ton cuer covoit.
Lors m'auras à mon gré servi.
Et dist Renart, par Saint Rémi,
Je nel' sai pas certainement
En quel pasture ne conment
Nos truisson proie qui riens vaille.
Mes de tant me recort sanz faille
Que il a çà une valée
Entre deux mons et une prée
Où l'en amaine sovent pestre
5730 L'aumaille de celé champestre
Vile qui est ici delez :
Alons celé part se volez
Por savoir et por esprover
Se porrions chose trover
Que péussons mengier tuit troi.
Par foi, fet Noble, je l'otroi.
DU RENART. ai3
A itant s'en vont celé part
Entre seignor Noble et Renart
Et Ysengrin son bon ami,
5740 Mes se Diex plest et Saint Rémi,
L'amor aura corte durée.
Si s'en vont la voie ferrée ,
Et tant ont le chemin tenu
Qu'il sont dedenz le pré venu
Que Dant Renart lor avoit dit.
Ysengrin regarda , si vit
El chief del pré moult bêle proie ;
Or sachiez qu'il en ôt grant joie ,
Que moult estoit de fain grevez;
6760 Or cuide bien estre arivez
En lieu où il emplist^sa pance,
Mes jà n'en soit-il en béance ,
Que se l'estoire ne nos ment,
Je cuit qu'il ira autrement.
Lors a aresonné le Roi ,
Sire, fet-il, foi que vos doi
Nos avons bon chemin tenu ,
Je cuit bien nos est avenu,
Qar je voi ici, ce me semble,
5760 Un tor et une Vache ensemble
Qui a avec lui son véel
Laïs et chief de cest prael.
Ceste auron-nos que que il griet ,
Mes je vos lo se il vos siet,
!ii4 ROMAN
Ainz que nos aillons celé part ,
Que vos i envoiez Renart
Por olr et por espier
S'il i a mastin ne bovier,
Ne chose qui nos puist mal fere :
5770 Tost porrions avoir contrere
Se nos issi desporvéu
Estions sor eus embatu ;
Mes il est grelles et menuz ,
Si n'iert mie si tost véuz
Corne je et vos serions.
Vos dites bien , fet li Lions ,
Il est sages et veziez ,
Si les aura tost espiez.
Atant a aresnié Renart ,
5780 R'enart, fet-il, se Diex vos gart^
Sages estes et décevant
Et de toz max aparcevant :
Qar alez et si espiez
Savoir se là jus verriez
Vilain, ne bovier deputaire
Dont nos péust venir contraire ^
Qar por noient voir irions
Se nostre preu n'i fesions.
Sire , fet Kenart, volentiers.
5790 A itant s'est mis es sentiers
Grant aléure aval le pré.
Tant a et coru et troté
DU RENART. nS
Qu'il est venu au leu tôt droit.
Tôt entor li garde , si voit
El chief du pré joste loraille
Le vilain qui gardoit Taumaille ,
Qui se dormoit desoz un orme.
Tôt maintenant celé part tome
Trestbut le pas le col bessant,
58oo Durement se va porpensaut
Dedenz son cuer que il fera
Et conment il engingnera
Le vilain qu'il ne l'aparçoive.
Souef estuet qu'il le déçoive ,
Qar il set bien, s'il le tenoit,
Que malement l'ajorneroit ,
Sel' féist volontiers chaoii'
Là où ne se péust movoir ,
Où povoir n'ait en nule guise.
58 10 Adonc a une branche prise
De l'orme, et saut isneleraent
Desus issi très bêlement ,
Que onques cil ne s'esveilla.
Et dant Renart qui tant mal a
Pensé et fet puis qu'il fu nez ,
S'en est de branche en branche alez
Tant que vint endroit le vilain ,
Si jure Dieu et Saint Germain
Que il li fera encui honte.
5820 Que vos feroie plus lonc conte?
ii6 ROMAN
Renart fait conme pute beste^
Qant il li fu desus la teste,
Drece la queue et aler lesse
Tôt contreval une grant lesse
De foire clçre à cul overt ,
Tout le vilain en a covert.
Et il qui l'a sentue s'esveille ,
Taste à son vis et se merveille
Que ce est qui si li chiet chaut
583o Sor son vis de lasus en haut ;
Si prent à regarder amont,
N'i voit nule chose del mont,
Qar li arbres iert trop foilliez ,
Et Renart s'estoit tooilliez
En foilles si que n'i paroit.
Et qant li vilains riens n'i voit ,
Lors quide que. ce soit fantosme
Dont taste à sa main et si osnie
Et sent que c'est merde qui put,
5846 Ne fu pas liez qant s'aperçut,
Ainz li anuie moult et grieve.
Tôt maintenant d'ilec se lieve
Et s'en cort droit à un fossé
Qui estoit enz el chief del pré ,
Si ot bien vint piez de parfont ,
Et fu plain d'eve jusqu'amont ,
Et jure et dist, se Diex le saut^
Qu'il saura qui est là en haut
DU RENART. ai?
Sitost con il ert revenuz.
585o Qant il est à Fève venuz ,
Si s'acropi por soi laver.
Renart qui bée à le grever j
Saut jus à terre au miex qu'il pot.
Vers lui en est venu le trot
Par derrier que ne l'aparçoive ,
Que talent a que le déçoive
A ceste foiz moult malement ,
Et si le velt^ si soutilment
Fere que il ne puist foïr :
586p Si con il vint de grant aïr ,
Li est desus le dos sailliz.
Or est li vilains malbailliz ,
Qar ainz qu'il fust aparcéuz
Est-il dedenz l'eve chéuz :
Il ot grant péor de noier ,
Si conmença à patojer , '
Que volen tiers en issist fors ,
Mes ainz aura anui del cors.
Se Renart puet en nule guise ,
5870 II est venuz à son juise ,
N'en istra mes sanz beste vendre.
Enmi le pré cort Renart prendre
Une pierre qu'il a véue
Grant et quarrée, si li rue
Desus le col par tel aïr
Conques cil ne se pot tenir
ai8 ROMAN
Que il ne soit au fonz alez.
Ysengrin qui se jut delez ,
A mesire Noble mostré
588o Que il ni avoit demoré ,
C'en se délite là aval
Non pas por bien , mes por le mal y
Que onques ne le pot amer ;
Son ami le pot-il clamer ,
Mes jà de cuer ne Famera ,
Bel semblant espoir li fera y
Si Yodroit-il qu'il fust lardez.
Sire , dist-il , or esgardez
De Renart con est mal voisins ,
5890 Bien nos tient or por ses cosins y
Qui tant' nos fet à acorber.
Déables le puist asorber
Qant il nos fet tant de mal trere y
Que il ne vient ne ne repère !
En lui avon bon mesagier
Por querre la mort et cerchier,
Que il revendroit moult à tart.
Qar alon ore celé part ,
Si sauron por qoi il ne vient
5900 Et quex essoine le détient.
Je le voi là y ce m'est avis ,
Lez le fossé tout ademis y '
' En cel fossé où il s^ést mis.
DU RENART. aig
Où il se gieue et cort et saut ,
Moult petitet de nos li chaut :
Il a espoir trové pasture
A son eus, si n'a de nos cure,
Por que il est bien saoulez.
Alons celé part se voulez.
Si sauron qu'il fet et por qoi
5910 II est remès là. Je Fotroi ,
Fait soi Nobles, vos dites bien ,
Foi que je doi saint Julien ;
Je li feré oomperer chier
Ce que nos fet tant ci juchier :
Se il le fait por nul despit,
Jà n'en aura point de respit ,
Ne nus ne l'en sera garant
Se il n'i a cause apaisant.
Atant se sont d'ilec levé ,
5920 Gelé part s'en vont abrivé
Toz plains d'ire et de mautalent.
Et li vilain qui. va balant
En l'eve , que Henart destraint ,
Avoit jà le cuer si ataint ,
Tant l'avoit dant Renart batu ,
Que n'avoit force ne vertu.
Jà ot deus foiz au fbns esté ,
Et Renart qui onc n'ot bonté ,
Se barat non et tricherie,
5930 Se pense que moult li anuie
aao ROMAN
Que tant le fet illuec atendre :
Lors garde entor lui y si cort prendre
Des motes tôt plain son giron ,
Si li rue tôt environ ,
Et desus le dos et encoste ;
Li vilains a en lui mal oste
Qui si durement li meffet.
Que vos diroie ? Tant a fet
Renart, et tant li a gité
5940 Motes et pierres à plenté ,
Que tierce foiz au fonz afonde ,
Qui que soit bel ne qui que gronde.
Or est morz, bien se puet vanter
N'en orra mes nus hons chanter
Maie chançon d'ore en avant.
Renart qui le cors Dieu cravant ,
S'en est délivrez en tel guise.
Or puéent fere lor devise
De la proie tôt sanz peur ,.
5950 De cestui sont-il aséur
Que jamès mal ne lor fera ,
Ne riens ne lor contredira.
Qant Renart ot fet ce qu'il quist
Si conme li plot et li sist,
Et ot feni tôt son estor,
Lors se volt mètre à son rotor,
Qant il voit Noble le Lion
Et dant Ysengrin le félon
^
DU RENART. an
Qui tôt droit vers lui s'en venoient :
5960 Voie ne sentier ne tenoient,
Par les prez vienent à travers ,
Et il fu sages et apers.
Sitost con les aparcéuz ,
Encontre va les sauz menuz,
Si les salue gentement :
Bien vaingniez, sire, voirement,
Fet-il , et vostre compaingnie !
Renart, je ne vos salu mie,
Fet Noble , l'en vos déust pendre
5970 Qant vos m'avez fet tant atendre
Sanz venir et sanz repairier.
Sire , foi que doi ma moillier ,
Fet soi Renart, je n'en puis mes,
Qar j'ai eu un entremès
Du vilain qui gardoit l'aumaille
Que je trové là en l'oraille
De cel pré dormant conme loir :
Si m'apensai et soi de voir
Que s'il vos sa voit ou véoit ,
5980 Qu'il vos nuiroit se il povoit ,
Si l'ai tant mené, Dieu merci,
Par mon enging que or sui ci
Sains et haitiez et preuz et fors
Et il gist en cel fossé mors
Tôt estendu con une raine.
Mes moult en ai eu grant paine ;
aaa ROMAN
Mes toutevoie ai tant ovré
Que nos en somes délivré.
Se d'atendre estes anuiez,
5990 Ne m'en merveil pas, ce sachiez,
Car demoré ai longement,
Et moult anuie qui atent ,
Ice dist-on, et il est voirs;
Mes foi que je doi à mes oirs ,
Se vos le Yoir en saviez
Jà mau-gré ne m'en sariez,
Ainz m'en amenez ,* ce croi.
Ore escoutez , je vos diroi
Tôt de chief en chief sanz meneonge.
6000 Et il de maintenant li conte
Gonment il monta sor l'ormel
Et il chia seur le musel
Au vilain tant que s'esveilla ,
Et puis conment il s'en ala
Laver ea Teve du fossé ,
Et il a son panel trossé ,
Et je sailli à terre après :
Si conme je vin à eslès ,
Sailli sus lui à quatre piez
6010 Là où il estoit abessiez
A l'cve por son vis laver,
Si qu'el fossé le fis voler
La teste avant, le cul desus.
Que vos diroie , fet-il , plus ?
DU RENART. aa3
Qant je Toi en l'eve enbatu ,
Tant le feri, tant l'ai batu
Que il n'en lèvera jamès.
De lui auron ore tel pès
Que jamès mal ne nos fera ,
6020 Ne chose ne nos desdîra
Que nis un de nos fere voille.
Li Bois l'escoute et se mervoille ,
Et bat ses paumes et fet feste ,
Et jure ses éulz et sa teste
Q'ainz mes ne fu veu tel gieus.
Par foi , dist Ysengrin li Leus ,
Tel borde ne fu mes oie
Ne je ne le cr^oie mie
Certes se je ne le véoie.
60 3o Et dist li Rois, se Diex me voie,
Renart , dis le me tu por voir ?
Il n'i a tel con de véoir,
Fet-il , se vos ne m'en créez ,
Alez là et si le véez.
Dahez ait, dist Noble, qu'ira
Et qui jà tant s'en lassera !
Je n'ai mie vilain tant chia: ;
Autant amer<Me à touchier
A un ort vessel de venain
6040 Con je feroie à un vilain.
Or soît illec et si se gise
Et nos feron à nostre guise
!22/| ROMAN
De nostre preu se nos savons
De la proie que nos avons.
Certes grant tort en aurions
Moi et Ysengrin qui disions
Que vos nos voliez trichier;
Mes or voil-je bien afichier
Que n'a si loial ne si sage
6o5o En ma cort, ne de tel corage :
Conme vos n'en a autel beste ,
Bien avez la besoingne fête,
Moult miex assez que ne diroie.
Mes or alons à nostre proie,
Si soit partie maintenant.
Ysengrin , or venez avant ,
Si festes ceste partisson ,
Trop i auroit grant mesprison
Se chascuns n'en avoit sa part.
6060 Et dist li Leus, par saint Maart,
Sire , qant vos vient à plaisir
Il n'est riens que je tant désir.
Qar aussi ai-ge fam moult grant ,
Et il me semble tôt avant
Que nos avon ci un torel
Et une vache et un véel ,
De ce devon partisson fere.
Lors prent en son cuer à retrere
Ce que l'en dit auques sovent ,
G070 Que cil qui bien voit et mau prent,
DU RENÂRT. aaS
S'il s'en repent , c'est à bon droit ;
Et puis dist que il miex vodroit
Qu'il fust penduz à une hart
Que jà Renart i éust part :
S'il puet, du tout l'en gitera
Si que il jà n'i partira ,
Si s'aut porchacier autre part.
Sire , fet-il , se Diex me gart ,
Le miex si est or que g'i voie ,
6080 Que vos de ceste bêle proie
Retenez à vostre eus cest tor
Et icele genice encor;
A ma dame la Orgueilleuse
Rone sera et savoreuse^
Qar ele est moult et grasse et tenre :
Et je qui ne voil pas tôt pranre ,
Si auré sanz plus cel véel ,
Et cil garz rous de pute pel
Qui n'a de cel viande cure ,
6090 Si aut aillors querre pasture.
Moultà grant chose en seignorie,
Qar tôt veut fere à sa devise ,
De riens ne veut à part venir,
Tout velt à son eus retenir.
A ce déust avoir gardé
Ysengrin, foi que doi à Dé,
Ainz que n'éust partison fête.
Noble a croléun poi la teste
I. i5
226 ROMAN
Qant la parole a entendue ,
6100 Ne li fu pas à gré venue ,
Qar il savoit bien tôt de voir
Qu'à son eus voloit tôt avoir ,
Que que il éust dit avant.
Deus pas avoit passé avant,
Si a haucié la destre poe ,
Si fiert Ysengrin lez la joe
Si durement que le charnal
En a abatu contreval ,
Si l'a fait durement saingnier.
G 110 Renart emprist à aresnier,
Si li a dit , vos partiroiz ,
Ore orrons que vos en direz,
Sire Renart qui tant savez ,
Or en dites ce qu'en pensez.
Certes je di en vérité ,
Foi que doi sainte Charité ,
Vers vos ne doi-je part avoir ,
Mes prenez à vostre voloir
Et nos donez ce que voudroiz ,
6120 Qar bien savez, et si est droiz
Que lote la proie soit vostre.
Foi que doi sainte Patenostre ,
Fait noble , si n'ira-il mie ,
Je voil que ele soit partie
Ançois que de ci vos movez.
Sire, puis que vos le volez,
DU RENART. 127
P'ait Renart, je la partirai.
Il m'est avis , au sens que j'ai ,
Issi con Ysengrin disoit ,
61 3o Que ce est le miex qui i soit
Que ce tor à vostre eus aiez ,
Miex sera en vos enploiez
Que il ne sera à nul ame ,
Et la vache sera ma dame
Qui est crasse et tendre et juénete ,
Et vostre filz qui mes n'alete ,
Qui a en cest an esté nez,
Aura , se vos si le volez ,
A son mengier cel^véelet
6140 Qui est tendre et est de let;
N'aura encor huit mois demain ,
Car entre moi et cel vilain
Irons en autre leu chacier
Por nostre vivre porchacier.
Li Rois Tentent , si li fu bon ,
Qant il oï que tôt fu son ,
S'en a de joie fet un saut.
Renart , fet-il , se Diex me saut ,
Or me di voir, ne me mentir ,
6i5o Qui t'aprist primes à partir?
Sire, fait-il, par Sainte Luce,
Cel vilain à cel rouge aumuce ,
Je n'en oi onques autre mestre :
Ne sai s'il est ou clers ou prestre
2a8 ROMAN
Qui si porte rouge corone ,
Mes bien sai se il est persone ,
Qu'il est ou Pape ou Cardonax.
Renart , fait-il , moult par es max ,
Tu sez el que ton pain mengier,
6160 Fox est qui de toi fet bergier,
Que par mes eulz ne par ma teste
Il n'a plus vesiée beste
Gonme tu os en tout l'Empire.
Bien retiens ce que tu os dire ,
Et cil reprent la meillor voie
Qui par autrui sens se chastoie ,
Et tu as bien fet, ce me semble.
Or remanez ici ensemble
Entre vos deus , que je m'en part ;
6170 Dit Ysengrin que il se gart
Que une autre foiz parte à droit ,
Espoir à tel afere auroit
Qui li feroit encore pis.
Or demorez , que je ne puis
Demorer ici , je m'en vois ,
Et vos , porchaciez par ces bois ,
Se vos volez, vostre disner,
Qar en voil ma proie mengier.
Toi et Ysengrin , sanz mentir,
6180 Par "ion cbief bien savez partir ;
Bien m'en acort à vostre dit ,
Vos n'en aurez jà contredit
DU RENART. aig
De nul home que biau m'en soit.
Or alez querre que que soit
Se volez , que vos mengerez ,
Que jà de cest ne goûterez.
Ha! sire 9 fet Renart, ne dites ^
Seront-ce donques les mérites
De ce que ci vos amené ?
6190 Certes s'aucun petit n'en é
Poi me porrai de vos loer :
Se vos ne m'en volez doner,
Sire, à cel vilain en donez
Tant qu'il en soit desjéunez ,
Qar il est si mal atornez
Que à paine se puet ester.
Miex li venist que l'eussiez
Fet eschacier de l'un des piez ,
Se le lessiez si fameilleus.
6aoo Ce poise moi , si m'ait Dieus ,
Que je ne li ai que doner
Dont jel' face desjéuner :
Je li douasse volentiers ,
Que moult en est mes cuers tendriers,
Por ce que si le voi blecié :
Moult li avez mal despecié
Son chaperon delez la joe.
A cest mot li a fait la moe
Si que ne l'aparçut ne vit.
6aio Noble l'esgarda, si s'en rit
a'^o ROMAN
Et dist, Renart, moult ses de bole.
Tu ies issuz de mainte escole ,
Diex set bien de quel covenant
Tu me vas ici sarmonant ;
Plus le diz por pitié de toi
Que ne faiz de li, par ma foi :
Car je sai bien , se Dex me voie ,
Jà sitost tornez n'en seroie
Con tu li toudroies sa part
6220 Et s'en mosterroies la hart.
Qu'il ne se porroit revencliier.
S'il s'en devoit vis esragier
N'en aroit-il point, par mes eulz ;
Mes je le feré assez miex,
Que foi que doi Saint Esperit ,
Jà n'en métré où li chien chit
Ne por vos fez ne por vos diz ,
Ainz vos en ferai si oniz
Que jà l'un de vos par raison
623o Ne gabera son compaignon
D'espaule , de pié ne de cuisse ,
Ne d'un ne d'el que conques puisse.
A icestui mot si s'en part
Et lesse enmi le pré Renart
Qui moult fesoit le couroucié
Por Ysengrin qu'il vit blecié ,
Et si en avoit-il grant joie ;
Si li a dit , se Diex me voie ,
DU RENART. ^^i
Compère , bien somes guilé ,
6240 Bien vos a li Rois afolé
Trestot sanz droit et sanz reson :
Si voise-je en ma meson ,
Grant mal a fet et grant outrage ,
Bien i porra avoir domage
Espoir encor en aucun tens ;
Et qui voudroit, selon mon sens,
Encontre lui débat ovrer ,
Moult bien le porroit comperer ,
Je cuit , ou auprès , ou au loing.
6250 Son ami voit-on au besoing
Au miex que s'en puet conseillier ,
Et je m'en voil bien traveillier
Por tant que vengiez en soiez.
J'en seroie certes moult liez
Se li véoie anui avoir.
S'en lui éust point de savoir ,
Ne de bien ne de cortoisie ,
N'éust pas la proie saisie
Si tote que n'en éusson.
6260 Honni somes se nos lesson
A lui issiques defoler ,
Qar tost nos porroit afoler
Se nos ne l'osion desdire.
Si lo c'ainz que la chose enpire
Que nos queron et art et guilc
Par qoi la vcnjance soit prisr
aSa ROMAN
Por vos trestot premièrement
Qu'il a mené si malement
Par la force que il a faite,
6270 Que nostre part nos a tolaite
La proie qui estoit conmune.
Ne se déust fere si brune ,
Por ce s'il est par desus nos ,
Qar par la foi que }e doi vos
Qui estes mes compères chiers.
Ne sera si mal ne si fiers
Que bien n'en aion la venjance.
Ysengrin ot la covenance
Que Renart li dist et présente ,
6a8o Que se il velt selonc s'entente
Ovrer et selonc son savoir,
Il l'en fera venjance avoir
De ce que il Ta mal mené
Et il le het plus c'ome né
Por le mal qu'il li avoit fet
Sanz ce que ne li avoit fet
Chose por qoi il le déust
Si mal mener : se il péust ,
Il li féist volentiers fere
6290 Chose qui li déust desplere
En tel guise, ce sai de voir,
Que ne s'en puist aparcevoir
Devant que la chose fust fête.
U s'apense que sa retrete
DU RENART. a33
Ne sera à fin, n'acomplie
Sa pensée , s'il n'a aie
Et durement ne se porchace
A un home qui auques sache
Et puist dire séurement,
63oo Trut, fet se il, je me dément :
De noient je voi mon compère
Qui plus m'aime ne fet son frère,
Et plus set de barat toz sens
Certes ne sevent vint et deus
Des meillors de la Cort le Roi ,
Et je ne li descoverroi
Mon cuer ! Non, qar je n'oseroîe :
Péor ai , se je li disoie ,
Qu'il ne m'encusast au Lion ,
63 1 G Qu'il a en lui moult mal cion,
Ce dist-on par tôt le pals
Dont il est estraiz et nais.
Por ce si ne m'i os fier,
Mes ne cuit pas qu'il aut crier
A cort ce que j'ai enpensé.
Avoi ! or ai-je fol pensé
Envers mon compère Renart,
Je ne cuit pas , se Diex me gart ,
Que il me mesféist por rien ,
6320 II est preudon , ce sai-ge bien.
Pieça que je l'ai esprouvé ,
Et encore l'ai-je trouvé
23/, ROMAN
Jusques ici moult loial home.
Foi que doi Saint Père de Rome
A son conseil me maintendrai ,
Il est mes compères en lai ,
Si pens que ne me mesferoit ,
Ne mal ne me porchaceroit.
Issi à lui méismes tence ,
633o Et en la fin de sa sentence
S'acorde à ce qu'il li dira
Et à son conseil en fera
Conment que li aferes aut ,
Qar nus tant ne set ne ne vaut
A nul besoing conme Renart.
Lors conmence à dire par art
Paroles con bien afaitiez ,
Et si a dit par amistiez :
Biax doz amis , biax doz conpere ,
63/,o Conseilliez moi si qu'il i père,
Que vostre conseil m'a mestier.
Jà ne verrai mes l'anuitier
Se de Noble ne sui vengié
Qui si m'a le vis escorchié
Que le cuir en est aval mis :
Por ce le vos di , biaus amis ,
Que por moi tant vos travailliez
Qu'à bone foi me conseilliez.
Si feré-je, ce dist Renart ,
635o Par le baron Saint Lienart ;
n
DU RENART, 235
Mes orendroit n'en est saison ,
Alez ent en vostre meson ,
Si le lesson ester huimès.
Atant est le Conseil rcmès,
Si vet Renart à son repère,
Et Ysengrin son chier compère *
Est retomez à son manoir.
Ici fait Pierres remanoir
Le conte où se volt traveillier ,
636o Et lesse Renart conseillier.
' On lit dans le manuscrit Delayall , n° 2718 :
Et Tsengrin le depntaire
Est Tenus à son domicile.
Sa femme traere et sa £ami]ie.
Chi fait Perrins remanoir
Le livre de Renart pour yoir
Duquel s'est toIus trarillier :
Tsengrin laist à consillier ;
Se par ce meschiet Tsengrin
Li blâmes en ert sus Perrin.
Chi faut li romans de Renart ,
Bien li chiet oui sa fraude n'art.
236 ROMAN
fSi canm t)0m0rtti iKirtt la Unt ans itm
Or vos redirai d'Ysengrin
Qui se remist en son chemin ,
Car il s'en voloit repairier.
Qant il ala esbanoier
Les brebiz oit es chans bélier,
Celé part emprent à aler.
Si con il fu dou bois issuz ,
Deus moutons a es chans véuz ,
L'un fu Belin , l'autre Bernart ,
6370 Moult les amoit sire Tiehart :
Au chief du champ s'esbanéoient
Et de lor cornes se hurtoient.
Que qu'il fesoient leur mellée
Lor bergiere s'en iert alée,
Li bergiers les ot oubliez ,
Uuec s'en erent outre alez.
Li vilain qui moult par sot peu
La maie garde pest le Leu ,
Si entre Bernart et Belin
368o Ne se gardent voir d'Ysengrin ;
Se cil ne sont et sa^^e et cointe
Mar i fu fête celé pointe.
DU RENART. ^i^'j
Belin si fu le plus coarz,
Premièrement parla Bernarz,
Bien veingniez-\os , biau sire Leus.
Je ne vos salu mie andeus,
Jà beste ne saluerai
Puis que je mengier la vodrai.
Sire Ysengrin , nos savons bien
6390 Que nos somes ambedui tien
Et que andui nos mengeras
De quel eure que tu vodras ;
Mes se toi plet par ta franchise,
Primes nos fai tant de servise
Entre nos deus met acordance,
Si tendra leu à grant vaillance :
Qar il dist que cest chans est siens
Et je redi que il est miens ;
Sire, se vos le partisiez
6400 Et el champ bien nos méissiez
Si que g'en eusse ma part.
Et Tautre en doinsissiez Bernart ,
Dont poez fere vo plaisir
' De nos deus et toz vo désir.
Dist Ysengrin, moult volentiers.
Or me dites conment premiers.
Sire, soiez en la foriere,
Chascuns de nos se traie ariere,
Et devant vos vendron corant.
6410 Cil qui premier vendra avant,
!i38 ROMAN
De tant con il plus tost corra,
La greingnor part du champ ara.
Dist Ysengrin , et je l'otroi ,
Or vos traiez en sus de moi;
fielin ira de çà à destre ,
Et Bernart ira à senestre.
Belins estoit le plus igniax
Qui estoit le plus jovenciax;
Mes Bernart estoit plus senez
6420 Por ce qu'il estoit li ainz nez.
Conmunément sont esloingniés
Si con li Leus Tôt desresnié.
Il lor a dit, seignor, movez,
Fêtes le miex que vos povez.
Belin s'esmuet de grant ravine,
Qant vint au Leu , ses cornes cline ,
Par grant vertu fiert Ysengrin
Si qu'il le giete tout sovin
Tout estendu de l'autre part.
64*^0 Au relever es- vos Bernart
Qui le fiert en l'autre costé ,
Devers Belin le r'a gité :
Qatre costes li ont brisié ,
A bien petit l'ont mort lessié ,
Puis si s'en tornent à itant,
Du Leu s'en vont cscharnissant.
Il se pasme plus de cent foiz ,
Si est angoisseus et destroiz ;
DU RENART. 289
Le sanc 11 saut à grant randon
6440 Par mi le nez à grant foison.
Qant il fu un poi acoisiez ,
De pasmoison est repairiez :
Ha! las, dist-il, dolenz chaitis,
Con sui maléurez tout dis!
La costume ai à l'esprevier
Qui l'aloe vet tant chacier
Que il la prent par tost voler ,
Et puis si l'en relet aler :
Le vif déable , li seignor
6450 M'avoient fet partisséqr ;
Et que devoit à moi tenir
De terre doner et p^irtir!
Geste branche est boné et petite
Et bien fête , s'ele est bien dite.
a4o ROMAN
0t rottnu lUmnrt (vA avaln tf&mffcva itbnt} U
|tttt0.
Or me covient tel chose dire
Dont je vos puisse fere rire ,
Qar je sai bien, ce est la pure,
Que de sarmon n'avez-vos cure,
Ne d'un cor saint oir la vie,
6460 De ce ne vos prent nule envie.
Mes de tel chose qui vos plaise.
Or gart bien chascun qu'il se taise,
Qar de bien dire sui en voie,
Et bien garniz , se Dex me voie ;
Se vos me voliez entendre,
Tel chose porriez aprendre
Qui bien feroit à retenir.
Si me seut-l'en por fol tenir,
Mes j'ai ol dire en escole ,
6470 D'aucun fol hons sage parole.
Lonc prolongues n'est point à fere ,
Or dirai, ne me voil plus tere.
Une branche et un sol gabet
De celui qui tant set d'abet ,
C'est de Renart , bien le savez ,
Et bien 01 dire l'avez.
DU RENART. 241
De Renart ne va nus à destre,
Renart fet tôt le monde pestre;
Renart atret, Renart acole,
6480 Renart est de moult maie escole ;
De lui n'a nul corroies ointes ^
Jà ne sera si ses acointes.
Moult par est sages et voiseus
Renart, et si n'est pas noiseus,
Mes en cest monde n'a si sage
Qui à la foiz n'aut au folage.
Or vos dirai quel mesestance
Avint Renart et quel pesance.
L'autrier estoit aie porquerre
6490 Sa garison en autre terre
Con cil qui avoit grant soufraite
Et grant fein qui moult le deshaite.
Si con il vint en une arée ,
Si s'en entra en une prée ,
Puis s'en vint droit en une broce
Moult dolent, et moult se corouce
Que il ne puet chose trover
Qu'il puist mengier à son soper.
Il n'i voit riens por sa pasture,
65oo Lors se remet en l'ambléure '
Fors del bois et vint en l'oraille;
Arestez est , de fain baaille.
Maigres estoit et moult chaitis ,
Grant fain avoit en son pais :
I. iG
'i/,î ROMAN
D'eures en autres s'estendeille ,
Et ses" ventres si se merveille,
Et si bouel qui sont dedenz,
Que font ses poes et ses denz ,
D'angoisse gient et de destrece ,
65 lo Et de la fain qui mbult le blece;
Lors dist qu'il fait malvès atendre
En leu oïl l'en ne puet riens prendre.
A icest mot par un sentier
S'en corut un arpent entier;
Onques ne volt aler le pas
Tant que il vint à un trespas.
Si con il ot le col bessié,
Si a choisi en un plessié,
Par encoste d'unes avaines,
6520 Une Abaie de Blans Moines,
Et une granche par dejoste
Où Renart velt fere une joste.
La granche fu moult bien asise ,
Li mur furent de roche bise
Moult fort, ne vos en mentiron,
Et furent clos tôt environ
D'un fossé dont haute est la rive
Si que ne lor puet riens qui vive
Tolir par force nule chose
65^o Puis que la porte est ferme et close.
Plenté i a de norreture ,
Qar ele est en bone pasture;
DU RENART. ^43
Moult par estoit riche la granche ,
Mes à aucuns estoit estrange :
Assez i a de tel viande
Gon Renart H Gorpis demande ;
Gelines, chapons, coz, anez.
Renart est celé part tornez ,
Parmi la voie a fet un saut
6540 Toz abrivez de fere asaut.
Onques lie fu ses frains tepuz
Tant qu'il est as chapons venuz.
Sor le fossé s'est areëtez
De gaaingnier toz apretez
Et de gelines asaillir ;
Mes il n'i pooit avenir.
Cort et recort entor la graàche ,
Mes ne trove ne pont, ne planche,
Ne pertuis. Moult se desconforte :
655o Lors s'acropi devant la porte
Et vit le guichet aovert
Et le pertuis à descovert :
Celé part vint, outre se lance.
Or est Renart en grant balance
Que s'il puéent aparcevoir
Que il les voilie décevoir,
Li moine retendront son gage
Ou li méismes en ostage,
Qar félon sont à desmesure.
656o Cui chaut? Tôt est en aventure.
a44 ROMAN
Or vet Renart par le porpris ,
Grant péor a d'estre sorpris;
Vînt as gelines, si escoute,
C'est veritez que moult se doute ,
Que bien set qu'il fet musardie :
Retornez est par coardie,
Grant péor a qu'on ne le voie,
Ist de la cort, s'entre en la voie
Et se conmence à porpenser
6570 Que besoing fet vielle troter,
Et la fain tant le par tormente,
Ou bel li soit ou se repente ,
Le refet arieres fichier
Por les gelines acrochier.
Or est venuz Renart ariere ,
En la granche entre par deriere
Si coiement que ne se murent
Les gelines, n'en aparçurent.
Sor un tref en ot troi juchies
658o Qui estoient à mort jugies,
Et cil qui est alez en fuerre ,
S'en monta sur un tas de fuerre
Por les gelines aprouchier.
Les gelines sentent hochier
Le fuerre, si en tresaillirent
Et en un angle se tapirent ,
Et Renart après eus s'en torne ,
S'es a prises toutes à orne
DU RENART. a/jS
Là où il les vit enanglées ,
6590 Toutes troi les a estranglées.
Des deus en fet ses grenons bruire ,
La tierce vodra porter cuire.
Qant ot mengié , si fu aaise j
De la grandie ist par une haise
Et la tierce geline en porte;
Mes si con il vint à la porte
Si ot moult grant talent de boire,
Cil qui bien sot la gent deçoivre
Se porpensa que il feroit
6600 Et conment à boivre averoit.
Un puis avoit enmi la cort,
Renart le vit , celé part cort
Por sa soif que il volt estaindre ,
Mes il ne pot à l'eve ataindre.
Or a Renart cel puis trové ,
Moult par le vit parfont et lé :
Dedenz ne volt-il pas saillir,
Péor ot de soi maubaillir.
Ne il ne put engin savoir
6610 Conment il puist de l'eve avoir.
Seignors, or escoutez merveilles :
En cel puis si avoit deus seilles;
Qant l'une vient et l'autre vet ,
Et Renart qui tant a mal fet,
Desus le puis s'est acoutez
Grains et marriz et ti'espensez.
346 ROMAN
Dedeuz conmence à regarder
Et son ombre à aboeter :
Or l'ont déable decéu ,
6620 De son ombre qu'il a véu
Guida que ce fust Hermeline
Sa famé q'aime d'amor fine ,
Qui herbergie fust laiens.
Renart fu pensis et dolens ;
Il li demanda par vertu ,
Di moi , là dedenz que fès-tu ?
La voiz du puis vint contremont,
Renart loi, drece le front;
Il la rapele une autre foiz,
663o Gontremont resorti la voiz.
Renart l'ot, et moult se merveille.
Ses pies a mis en une seille ,
One n'en sot mot , si vint à mal.
Or li est encontre moult mal ,
Qant il fu en l'eve chaûz
Lors sot bien qu'il est decéuz
Qant sa famé n'i a tenue
Que il cuidoit avoir véue.
Or est Renart en raale frape ,
6640 Maufez l'ont mis en celé trape.
Acostez s'est à une pierre ,
Bien vôsist estre mors en bière :
Li chaitif sueffre grant hachie ,
Or a sovent la pel moillie ;
DU RENART. a47
Or est miex qu'en fers ne en gés,
A bon droit est-il concluez.
Que tôt }ors il met son pooir
En tôt le monde décevoir.
Or ne set Renart trover guise
665o En quel manière du puis isse;
Or est à aise du peschier,
Nus neF porroit esléescier.
De grant ire est tout esméuz
De ce qu'einsi est decéuz ,
Ne prise deus botons son sens.
Seignor, il avint en cel tens.
En celé nuit et en celé eure
Qu'Ysengrin sanz nule demeure
S'en est issuz d'une grant lande ,
6660 Que querre li covint viande.
Que la fain le griève forment.
Tornez s'en est iriéement
Devant la meson as Renduz ,
Les granz galoz i est venuz;
Le pais trova moult gasté ,
Ci conversent, fet-il, maufé
Qant l'en ni puet trover viande
Ne riens nule que l'en demande.
Tornez s'en est tôt son passet,
6670 Gorant en vint vers le guichet;
Par devant la rendacion
S'en est venuz tôt le troton ;
^
348 ROMAN
Le puis trova enmi sa voie
Où Renart le rous s'esbanoie.
Desor ce puis s'est aclinez
Grains et marriz et trespensez;
Dedenz conmence à regarder
Et son ombre à aboeter.
Con plus i vit, plus esgarda,
6680 Tôt ensi con Renart ovra :
Con il se coucha sus adenz,
De son ombre qu'il vit dedenz
Quida ce fust dame Hersent
Qui herbergie fust laiens
Et que Renart fust avec H.
Sachiez pas ne li abeli
Et dîst, moult par sui maubailliz.
De ma famé vilz et honiz
Que Renart li rous m'a fortraite y
6690 Et avec lui çaiens a traite.
Moult est ore traître lerre
Qant il déçoit si sa conmere ,
Si ne me puis de li garder ,
Mes se jel' pooie atraper,
Si faitement m'en vengeroie
Que jamès crieme n'en aroie.
Lors a ullé par grant vertu,
A son ombre dist, qui es-tu?
Que pense-tu , putain provée
6700 Qant o Renart t'ai ci trovçe?-
DU &ENA.&T. :i49
La voiz resorti oontrenMMit,
Sa li semble qu'il li responL
Lors a allé une autre fiMz,
G>ntremoiit resorti sa toîz.
Que qulsengrin se dementoit
Et Renart trestoz ooiz estoit,
Qant assez Tôt lessié uller.
Puis si l'a pris à apeler.
Qui est-ce, Diez! qui là parole?
6710 Jà tien-ge ça dedenz esoole.
Qui es-tu , va, dist Ysengrin ?
Jà sui-je Yostre bon TCHsin
Qui fit jadis YOStre compère.
Plus m'amiez que Tostre firere;
Mes l'en m'apele feu Renart
Qui tant saYoit d'engin et d'art.
Mes or sui mort, la Dieu merci.
Ma penitance ùa ici.
Dist Ysengrin, c'est mes oonfiorz :
6720 Dès quant ies-tu, Renart, dont morz?
Et il li respont, dès l'antrier :
Nus bons ne s'en doit mervcnllier
Se je sui morz, aussi morront
IVestuit cil qui en vie sont.
Parmi la mort les covendra
Passer au jor que Diex voudra.
Or atent m'ame nostre sire
Qui m'a jeté de cest martire,
25o ROMAN
De cest puant sieck où j estoie;
6730 Mes que Diex à la mort vos voie.
Je vos pri, biau compère douz,
Que me pardonez les courouz
Que l'autrier éustes vers moi.
Dist Yseugrin, et je Totroi,
Or vos soient tuit pardoné ,
Compère , et ci et devant Dé ;
Mes de vostre mort sui dolenz.
Dist Renart, et j'en sui joianz.
Joiauz, amis! Voire, par foi.
6740 Biau compère, di moi porqoi.
Que li miens cors gist en la bière
Ciliés Hermeline en sa tesniere,
Et m'aoïe est en paradis mise ,
Devant les piez Jhesu assise :
Compère , ne vos merveilliez
Se de ce sui joianz et liez ,
Bien sachiez que ce est savoir,
Et si vc^s di sanz décevoir
Que j'ai trestot quanque je voil.
6750 Je n'oi onques cure d'orgoil,
Et si te di bien sanz fauser
Que moult me déussiez amer ,
Car onques voir ne te mesfis ,
N'onques se bien non ne te fis,
Si en sui joianz en mon cuer :
Et si vos di que à nul fuer
DU RENAKT. «5i
Mal ne vos voudroie avoir fet,
Je sui ci que que j'aie. fet.
Se tu es el régne terrestre ,
6760 Je sui el paradis celestre ;
Céanz sont les gaaingneries ,
Les bois , les plains , les praieries ;
Géanz a riche pecunûUe ,
Céanz puez véoir mainte aumaille
Et mainte oeille et mainte chievre ,
Céanz puez- tu vcoir vint lièvre
Et bues et vaches et moutons ,
Espreviers, ostors et £aiucons.
Ysengrin jure saint Sevestré
6770 Que il voudroit là dedenz estre.
Dist Renart, ce lessiez ester,
Céanz ne povez^vos entrer :
Paradis est celestîans ,
Mes n'est mie à toz conmunaus.
Moult as esté toz jors trichierres ,
Fel et traîtres et boisierres ,
De ta Ëimem'as mesoréa^
Par Dieu et par sa grant Tertu
One ne li 6s descoTemie^
6780 iTonques par moi ne fb crois^iur.
Tu dis que tes filz avootrai «
Onqaes certes ne le pensai
Par cel Seignor qui me inl rié^
Que t'en ai dit la venté ;
a5a ROMAN
Serement en as toutevoie
Sanz ce que point ne t'en dévoie.
Dist Ysengrin^ bien vos en croi.
Sel' vos pardoin à ceste foiz ;
Mes fêtes moi laiens entrer.
6790 Renart respont, lessiez ester,
Céanz n'avon cure de noise,
La povez véoir celé boise :
( Au doi li a mostré la seille )
Ore escoutez une merveille ;
Renart sot bien son sens espandre ,
Por voir li a-il fet entendre
Que les seilles qui là estoient,
Qui à la poulie pendoient,
Poisez sont de bien et de mal
6800 Par Dieu le père esperital.
Dant Renart qui. tôt set trichier,
Qui le béoit à conchier,
Li a dit par itel esgart
Que qant Tame du cors se part,
Ou bon li sache , ou mal li griet ,
En une boise bien s'asiet,
Et Dieu par est issi puissanz ,
Se li bons est bien repentanz
Il s'en dévale ça de jus,
6810 Et li ma\ remaint toz lassus;
Mes bons, s'il n'a confesse prise.
Ne porroit jà en nule guise
DU RENART. a53
Ci avaler, je le te di.
' Ysengrin respons, or me di
Einssi t'i mist Sains Esperiz,
As-Jtu tes péchiez regehiz?
Oïl, fet-il, à un viez lièvre
Et à une barbue chievre
Moult très bien et moult saintement ,
6820 N'aura mes m'ame dampnement
Por chose que au siècle ai fête ,
Ne porchacie ne portrete.
Si vos volez ci avaler ,
Aussi vos estuet confesser
De voz péchiez et repentir,
Qar nus ne puet çaienz venir
Se confesse ne li amaine.
Compains , jà por ce ne remaine
Que je là aval à vos n'aille,
683o Savez qu'il m'avint hui sanz faille :
J'encontrai hui enmi ma voie
Si conme mon chemin tenoie,
Dant Hubert l'Escofle volant,
A lui me confessai courant,
Que onques n'il voil plus atendre ,
De li voil penitance prendre
Et volentiers la me donna ,
Touz mes péchiez me pardonna
Dont je cuidai avoir grant joie.
6840 Biau compère, se je cuidoie
ii54 ROMAN
Que ce fust voirs que vos me dites
Et de vos péchiez soiez quites,
Au Roi proieroie celestre
Que il vos dont céanz vostre estre
Où vos seriez liement.
Compère, or tost hastivement
Me fêtes là dedenz entrer,
Qar moult i désire à aler ;
Par foi que doi Sainte Apetite
685o La vérité vos en ai dite,
Por Dieu pensez de moi tenser.
Renart li conmence à crier,
Or vos estuet dont Dieu proier
Et moult saintement gracier
Que il vos face vrai pardon
De vos péchiez remission ,
Issi i porrîez entrer.
Ysengrin ne volt plus ester,
Son cul torna vers Oriant
6860 Et sa teste vers Occidant ,
Et conmença à orguener
Et moult doucement à uUer.
Renart qui fet mainte merveille,
Estoit aval en l'autre seille
Qui el puis estoit avalée ;
Ce fu par pute destinée
Que Renart s'est dedenz couchiez,
Ysengrin est par tens iriez.
DU RENART. a55
Dist Ysengrin , j'ai Dieu proie.
6870 Et je, dist Renart, gracié,
Vos vendrez aval sanz demore.
Il estoit nuit à icele hore
Et les estoiles cler paroient
Et en l'eve del puis luisoient.
Renart à qui tarde l'issue ,
Li avoit fet une treslue :
Ysengrin , vois-tu ces merveilles ,
Que devant moi ardent chandoiles ?
Jhesu te fera vrai pardon
6880 Et moult bonne remission.
Passion le fiere en là chiere ,
N'i avoit ne feu ne lumière ,
Ainz i avoit assez froidure
Et oscurté et grant laidure.
Ysengrin qui onc n'ot savoir,
Guide Renart li die voir,
Adonc s'esforce , adonc estrive
Au séel abatre de rive.
Il joint les piez, si saut dedenz.
6890 Ysengrin fu li plus pesanz ,
Si se dévale contreval.
Or escoutez le Ëatestal ,
Et puis se sont entrecontré ,
Ysengrin l'a araisoné :
Compère, porqoi t'en vas-tu?
Et Renart li a respondu ,
a56 ROMAN
N'en fêtes jà chiere ne frume,
Bien vos en dire la costume ;
Qant li uns va, li autres vient,
6900 C'est la costume qui avient ;
Je vois en Paradis lasus ,
Et tu vas en Enfer là jus.
Moult es à grant honte livrez ,
Et j'en sui hors, bien le sachiez,
Par Dieu le Père esperitable :
Là jus conversent li Déable.
Dès que Renart vint à la terre ,
Moult s'esbaudist de celé gerre :
Ysengrin est en maie trape,
6910 Se il fust pris devant Halape,
Ne fust-il pas si adolez
Que qant el puis fu avalez.
Seignors , or oez des Renduz
Con il perdirent lor vertuz ;
Lor fèves furent trop salées
Que il orent mengié crevées,
Si orent trop dormi le soir.
La nuit dormirent conme loir ,
Li serjanz furent pereceus
6920 Et d'eve furent sofreteus ;
Mes il avint del cuisinier,
Celui qui gardoit le mengier,
Qu'il ot sa force recovrée ,
Au puis en vint la matinée,
DURENART. aSy
Si menoit un asne Espanois
Et compaingnons de si a trois :
Au puis en viegnent li troton
Trestuit li qatre compaingnon.
L'asne acouplent à la polie
6930 Qui de trere pas ne s^oblie ;
Li Rendu le vont moult ferant
Et li asnes forment tirant.
Li Leus par grande meses tance
Estoit oïl puis plus d'une lance,
Dedenz le séel s'est coulez , *
Et l'asne fu si adolez .
»
Que il. ne pot n'ayant n'ariere,
Ne por force que l'en le fiere,
Qant uns Renduz s'est apuiez
6940 Qui delez le puis s'est couchiez,
Si prent dedenz à régarder
Et Ysengrin à aviser.
As autres dist, que fetes-vous?
Par Dieu le Çere glorious
Ce est le Leu que vos traiez.
Estes-les-vos toz ^maiez,
Si s'en torneht tuit vers meson
Plus que le pas et le troton ,
Mes la polie ont atachie.
6960 Ysengrin suefre grant hachie ,'
Li frère apelent lor sei'janz ,
Par tens ert .Ysengrin dolanz.
I. 17
2<5o ROMAN
Se il as poins le puet tenir
7010 II li fera ses jeus puir ;
Ser puis tenir, je vos plevis
Que il n'estordra mie vis ,
Que devant moi croissi ma mère.
Si compissa moi et mon frère ;
Mes je l'en rendrai gerredon ,
Jà n'en aura se la mort non.
Atant s*en rêva en sa terre
Ysengrin, et fet mires querre
Qui de lui se sont entremis.
7020 Avec lui Airent ses amis
Qui li ont mecine donée
Par quoi sa force a recovrée.
Ysengrin est gariz et forz ,
Se Dant Renart passe les porz
Et il le tient dedenz sa marche ,
Sachiez qu'il li fera domage.
DU RENART. 26c
V>e Venn et in tm et Iru Wiaim qui trum0tre'-
xtnt Imr cm,
Ge vos voil un vers commencier ,
Mes je vos criens moult anuier ;
Se vos volez je me teré,
7o3o Et se volez je parleré
Gonment avint à Ysengrin
Qui se leva par un matin.
Dame Hersent Tôt bien gardé
Et de ses dolors respassé.
Ore est tôt cras et revelous ,
Fel et hardiz et orgueillous :
Grant aléure s'en aloit
Par mi cel bois où il estoit ;
Enmi sa voie a encontre
7040 Un vilain qui avoit trové
Un bacon qui estoit chaûz
De la charrete à deux recluz.
Il le tenoit devers la hart.
Ysengrin vint de l'autre part :
Où vas, dist-il? Esta iléuc.
Por qoi, fait-il? Par foi por eue;
Où as-tu cel bacon enblé ?
Par foi, fait-il, ainz l'ai trové,
a6a ROMAN
Trové ! dont i auré*je part
7o5o D'outre en outre jusq'à la hart.
Dist li vilains, en nioie foi,
Sire Ysengrin, et je PotiYn.
Acompaignié sont li baron
En poi d'eure por le bacon ;
Endementiers que il parloient
Et que il départir voloient,
Estes-vos maintenant un Ors
Qui lor est venuz à plain cors.
Si con il fu ileuc Tenuz ,
7060 Sor le bacon s'est arestuz :
Et qui est cil bacon , danz Lous ?
Sire , dist-il, c'est à nos dous.
J'en voil , dist-il , ma part avoir
Par amistié, non par pooir ,
Dist li vilains, et ye Fotroi :
Et je, ce dist 11 Leus, par foi :
Or en soion donc conpaingnoa
Tuit troi et bien le departon.
Seignor, dist-il, vostre merci,
7070 Conquis m'avez à vostre ami ;
Or le metez-ci sor mon dos , .
Je l'enporteré en cel bos ,
Qar tiez i porroit sorvenir
Qoi tost le nos voudroit tolir.
Atant li ont sor le dos mis ,
El bois se sont ariere mis ;
DU RBNART. a63
Sor Terbe jetent le bacon j
S'en parolent li compaingnoB
Goiiineitt il soit partiz à droit.
7080 Li Ors qui pliis sages estoit,
Lor dist qu il n'i est aorestez :
Seignor, se mon conseij créez,
En huimès le leron pendant
A cest foa qui est bel et graïity
Et le matin ci reveindron ,
Trestttit trois nos bu& mosterron .
Et cil qui graingiior cul aura ,
Le bacon tout en pk>rtera.
Ce dist li Leus, et je l'otroi ;
7090 Et je , dist li vilains, par foi.
Le bacon ont en haut levé ,
Et puis s'eri sont tuit troi allé.
Li vilain vilnt en sa meson
Où l'atendênt éi enfançon :
Oii fôtefr-vos ) dist-il , dame Ame ?
Je $uî ci, sire, dist sa famé,
Por quoi avez tant demoré ?
Suer , dist-il , que je ai trové
Un bon bacon enz en cel bos,
7100 Ainz de mes eulz ne vi si gro& ,
Mes nOs somes troi conpaîngnion ;
Sez connicnt nos le partiron ?
Le matin iron la tuit troi ,
Si mosterron nos eus tuit troi :
!i64 ROMAN
Qui graingnor cul porra mostrer ,
Le bacon en porra porter.
Seignor, famé est et foie et sage.
Et moult est foie de corage :
Foie est que ne se set partir
7110 D'une chose qu'a en désir ;
Et sage est, car qant on li rove,
Tost a trové une controve ,
Et vérité dist por mençonge
S'ele en a métier et besongne.
Ce nos dient cil fol musart ,
Plus que déables a un art ;
Mes je di ce en ma partie ,
Que sage et foie est par mestrie.
Moult fu sages cil qui ce dist
7120 Et qui en son livre le mist :
Selon les eures et le tens
A bien mestier folie et sens*
Moult est famé de parfont sens ,
Et ceste prist moult bon porpens y
Si a raconté son seignor
Que se il velt, demain au jor
Que ses garnemens vestira ,
Et por le bacon s'en ira,
Et se ce vient as eus mostrer ,
7 1 3o Grant fendace porra mostrer.
Li vilain l'ot et si s'en rit ,
Par Dieu, fet-il, moult as bien dit.
DU
Qant vint an jor, levé se sont.
Et par le bois andui s*en vont:
H K ensaigne bien la voie
Jusqu'à Festre panni Tarbroie;
Et qant ele i est parvenne.
For le vilain Font oonnéoe
Li dui baron qui Fatendoient
7140 Desouz le fou o il estoient.
U li ont dit , are Tilain ^
Dame Dien vos doint bui bon nu^n !
Premier paria Pitons li Ors,
Seignors, fetnl , jà est granz jors :
Faites tost, foi que me devez ^
Seign<H-s, fet-il, vos eus mostrez.
Sire, dist-il, moult volentiers.
Or me dites conment premiers.
Son cors estent oii par devant ,
^i5o Puis par dmere en estupant,
Lieve sa qeue , le cul bée :
Jusque laiens parmi Tentrée
li puet-on véoir es bmax ,
Tant par est larges li tuiax.
Sire Tsengrin, ce dist Patous^
Moult est voz eus grant et esUms :
Vilain, dist-41, or estupez,
Le vostre cul remosterrez.
Gelé a ses braies avalées
7160 Qu'elc avoît à son cul fermées,
i66 KOMAN
Ele a fait large enforcheure ,
Par bien raostrer celé nature ,
Son chief mist bag por estoper.
Cil la prenent à regarder ;
Tant s'en est Patous merveilliez ,
De son pié destre s'est saingniez.
Noraini Dame , dist K Leti ,
A ces! cul devisent tuit treu ,
Se ice là est trestout eus ,
7170 Contre cela ne se prent nus.
Il m'est avis « ce dist li Leus ,
Par fiofi que g'i voie deus treus.
Ce dist Patoug, garde de près
Se del' véoir es si eiigrès ;
Je n'i ai soing d'aboester ,
Ne m'i estuet point alumer.
Celé lor dist , or Mooutea y
Mes eus est touz acostumez
Sovedt de ^on ool afichier,
7180 Por ce l'ai-ge tôt tens phis cliier.
Ce dist Patous , Ysengrin , fui le ,
Alon-nos eti , clamons li quite.
Vilain , dist*il , pren le bacon
Et si l'en porte en ta mesonf.
Ele si fist et lieve sus :
De ceste branche n'i a plus.
DU R EN ART. 367
!•>••>•<•••<■
V^( VUmxt^ 0t tùtme il cmcïfià U Covbd in
Entre deuz monz en une pladngne,
Tout droit au pié d'une mùntaingne,
Desor une rivière à destre^
7190 Là vit Renart un moult bel estre
En mi le pré de l'autre part ^
Si conme l'eve les départ;
Là vit Renart un fou planté
Que les genz n'ont gueres hanté.
L'eve plisse outre et vint lot droit
Là où li fou planté estoit.
Entor le £ou à fet la tresebe y
Puis se coucha sor l'erbe fresche.
Yostrez s'i est et refiroidiez ,
7200 A boii ostel est herbérgiez;
Jà ne le ^esist vechangier
S'il éust assez à meingier.
Li séjorner i edtoit biaxy
Et Dant Tieoeltn li Ci)pbiax
Qui moult ot jéuné le jpr,
IS^avoit cure de tel sejpr ;
Par besoing ot le bois lessié,
Et vint volant à un plessié,
7.68 ROMAN
Prîvéement en un detor,
7210 Toz aprestez de fere estor.
De fromaches vit un millier
Qu'en avoit fet asoleillier : ^
Gelé qui garder les devoit ,
En sa meson entrée estoit ;
Ele ert entrée en si meson.
Tiecelin vit qu'il ert saison
De gaaingnier, si lesse corre,
Un en a pris por le restore.
Sailli la vielle en mi la rue ;
7220 Tiecelins vit que vers li rue
Qaillous et pierres, si s'escrie,
Yassax, vos n'en porterez mie.
Tiecelin la vit auques foie ,
Vielle , fet-il , s'en en parole j
Dites que je l'en ai porté,
La maie garde pest le pré :
Bien poez dire ge l'en port ,
Ou soit à droit, ou soit à tort.
Del' prendre en ai eu le leu,
7230 La maie garde pest le Leu;
Le remenant gardez plus près ,
Gestui ne r aurez- vos jamès,
Ainz en ferei mes barbes rere
Moult liement à bêle chère,
' M, Asoriliier.
DU RENART. ^69
En aventure de lui prendre
Me mis por ce que gel' vi tendre,
Jâunet et de bone savor.
Tant ai del vostre par amor,
Sel' puis porter jusqu'à mon ui
7240 De cuit en eve et de rosti
En mengerai tôt à mon chois,
R'alez-vos en, quer je m'en vois.
Atant s'en torne , si vint droit
Au fou où Dant Renart estoit :
Ensemble furent à celé heure,
Renart desoz et cil deseure;
Mes de tant i a desevraille^
Li uns menjue, l'autre baille.
Li fromaches fu auques mox ,
725o Et Tiecelins i fiert granz cox
De son bec , si que il l'entame ,
Mengié en a maugré la famé
Et del plus jaune et del plus tendre ,
Qui tel anui li fist au prendre.
Tiecelin fiert à une hie ,
Ainz n'en sot mot que une mie
L'en est à la terre chéue
Devant Renart qui l'ot véue.
Il connut bien si fête beste ,
•7260 Si encrola deus foiz la teste :
Il lieve sus por miex véoir,
Tiecelin vit lasus seoir
l^o ROMAN
Qui son compère estoit de riez,
Le bon fî*oniache entre ses piez.
Premièrement l'en apela,
Por les Siûns Dieu que voi-ge là ?
Et Diex vos saut, sire compère,
Bien ait Tame vostre bon père
Dant Rohart qui si sot chanter!
-2^0 Mainte (oit l'en ol vanter
Que n'en avoit son per en France :
Vos méismes en vostre enfance
Vos en soûliez moult pener ,
Séustes onques orguener?
Chantez moi une rotruenge.
Tiecelin entent la losenge,
Ovre la bouche et giete un bret ,
£t dist Henart , ce fît bien fet :
Miex chantez que ne soliez ,
7280 Encore, se vos voliez.
Iriez plus haut une jointe.
Cil qui de chanter se fait cointe ,
Gonmence de rechief à brere.
Diex! dist Renart, con or est clere
Et con espurge vostre voiz !
Se vos vos gardissiez de noiz
Au miex del monde chantissoiz ,
Chantez encore une autre foiz.
De chanter velt avoir le pris ,
7290 Si l'a de rechief entrepris,
DU RENAilT. 271
Si s'escria à haute alaine ,
Ainz n'en spt mot que qu'il se paine ,
Que H piez destre U desserre,
Et li fromaches chiet à terre
Tôt droit devant les pi^z R^oart.
Li lechierres fremist et art
Et tôt se frit de lecherie,
Mes n'en touche une seule mie ,
Qar encor , s'il puet avenir ,
7300 Voudra-il Tiecelin tenir.
Le frofnache li gist devant,
^ U leva sus en splevant ,
Le pié tept avant dont il cloche ,
Et la pel qui ençor li Ipche,
Et la jaiiibe et le pié maumis
Qui el braon fîi e^trepris,
Bien velt que Tiecelip le voie.
Hé Diex! fait-il, com ppi de joie
M'a Diex dpné en ceste viie !
7310 Mes je ne sai que je en die,
Cist fromachjes r^e put si fort
Et flere si , jà m'aura mort;
Si ai tel chose qui m'esmaie ,
Que fromaches n'est preuz à plaie ,
Ne de lui talent ne me prent ,
Car fisicle le me defent.
Ha! Tiecelin,, car descendez
Et de cest mal me délivrez :
?.7« ROMAN
Certes jà ne vos en priasse ,
7320 Mes Tautrier oi la jambe qasse
En un broion par meschéance ,
Là m'avint cestc mesestance :
Onques ne me poi destorner.
Or me co vient à sejorner,
Enplastre mètre et renoer
Tant que je puisse respasser.
Tiecelin cuide que voir die
Por ce que emplorant li prie ;
Il descent jus, à terre saut,
7330 Mes miex li venist estre en haut,
Se Dant Renart le puet tenir.
Tiecelin n'ose pas venir,
Il va traiant le cul arrière,
Moult doute que Renart nel' fîere.
Renart le voit acoarder,
Sel' conmence à aséurer :
Por Dieu, fait-il, ça vos traiez,
Quel mal vos puet fere un plaiez ?
Compère , traiez-vos en çà.
7340 Li fox qui trop se desvoia,
Ainz n'en sot mot que il sailli ,
Prendre le volt , mes il failli ,
Et neporqant qatre des pennes
L'en remestrent entre les quennes.
Tiecelin saut tos esmaiés
Qui dut estre moult mal paies;
DU RENART. a?^
Derrers et devant se regarde ,
Hé Diex , dist-il , si maie garde
Ai hui prise de moi-méisme !
735o Jà ne cuidé que féist eme
Cil fel , cist ros et cist contret
Qui qatre des tuiax m'a tret
De la destre ele et de la qeue ,
Li siens cors ait à maie veue!
Faus et traîtres est por voir,
Or m'en puis bien aparcevoir.
Or est Tiecelin moult plain d'ire
Et Renart s'en volt escondire ,
Mes Dant Tiecelin l'entrelet
7860 Qui n'a plus cure de son plet ,
Ainz dist , li fromaches soit vostre ,
Huimès n'avérez point du nostre :
Je fis que fox qui vos créoie
Por ce que plorer vos véoie.
Tiecelin parla et grondi,
Renart un mot li respondi ,
Alez-vos ent , tenez vo voie
Et je remaindré en l'erboie.
Souef en a le duel vengié ,
7370 Que le fromache a tôt mengié
Dont forment s'aloit delechant.
Moult fu iriez, je vps créant,
De ce qu'il li est eschapez
Et que il ne l'a a! râpez ;
18
I.
274 ROMAN
Puis dist en terre que il sache
Ne vit-il mes si bon fromache.
Bien H valut une poison,
N'en plaint que la maie foison :
Onques sa plaie n'en jfu pire.
7380 Atant s'en va, ne volt plus dire,
Qar bien est son plet definez ,
Et Renart est d'iluec tomez.
\
DU RENART. 276
^«»
Seignor , ce dient li devin ,
Il est escrit en parchemin
Que cil a sovent Inati matin
Qui près de lui a mau voisin :
Je le vos di par Ysengrin
Et por un prestre dant Martin.
Yiellarz estoit àuques li pre^tres ,
7390 Ne fu on<pxes de letres mes très;
Plus savoit de truie enfondue
Que de letre desporvéue.
Prestres Martins estoit moult sages
De bien norrir par ces erbages
Brebis dont il ot maint fromage ;
Mes moult li fist plusors domage
Li Leus 9 mal ait toz ses lignages !
Près de lui estoit es boscages ,
Si li a fait sovent anui ,
740D Qar il manoit moult près de lui,
Sovent li fesoit ses oeilles
Non per, s'eles erent pareilles,
Et sovent les rapareilloit
Se non pareilles les trovoit.
27<> ROMAN
Moult eit dolent prestre Martin
De ce dont ert liez Ysengrin.
Prestre Martin se porpensa
C'une grant fosse chevera;
Qant fête fu à sa devise
7/,io Une perche a par de^us mise,
Sor la perche met une cloie
Tôt à conpas la contre moie ,
A la perche l'a bien fremée,
La fosse a tote acovetée.
Un aignel lia sor la perche,
Se Ysengrin par là s'adrese
Et l'aignel en voille porter,
De sa cloie l'estuet tumer,
Et jà si tost n'i montera
7/1 20 Con il en la fosse cherra.
Qant il Tôt bien apareillié,
Aie s'en est, si l'a lessié.
Ysengrin qui grant fain endure
Se lieve h une nuit oscure
Qant toute gent se dort ségure,
Et est venuz grant aléure
Là où seut prendre sa pasture.
L'aignel trove par aventure ;
Qant vit l'aignel , si fist grant jore
7/|3o De ce qu'il a encontre proie :
Or n'a peur que nus le voie,
Séurement s'en va sa voie.
DU RENART. a??
Sitost con monta sor la cloie
Chaûz est enz, car ele ploie :
Ysengrin voit que il est pris,
De l'eschaper n'est-il pas fis.
Ha! las, dist-il, dolent, chaitis,
Con covoitise m'a sorpris! •
Et puis-je bien dire et jurer
7440 Que de ci ne puis eschaper :
Or m'estbvra chier comparer
La brebiz: que m'en vit porter ;
Cil dit moult bien qui set conter
C'une foiz doit le pot verser.
Li Prestres fu toz trespensez
Et celé nuit toz esgarez.
Conques la nuit ne pot dormir.
Sitost cori il vit esclarcir
Il lie ve sus ignelement ,
745o Une maçué en sa main prënt,
A la fosse vint, par le treu
Si a dedenz véu le Leu.
Qant il le voit grant joie en fait ,
La perche et la cloie sus trait,
Puis se deffuble par grant ire,
A Ysengrin conmènce à dire :
Sire Ysengrin, or vos vaudrai
Ce que je tant pramis vos ai;
Aprendré vos à cest baston
7460 Conment Prestres Martins a non.
97» ROMAN
Li Prestres lieve la maçue ,
Et Ysengrin Fa bien véue,
En la teste le Tolt ferîr,
Et Ysengrin sot bien guenchir ,
A ceie foiz neV toudia mie,
Car il sot trop de l'escremie.
Prestre Martin est aires ,
En autre sens s'est porpensez :
En avalant le baston mist
7470 Desor le Leu et si H dist,
Enz en mon cuer forment me dueil
S'a cestui cop ne vos crief l'ueil :
Qant ot ce dit le baston boute.
Ysengrin qui le coup redoute ,
Garde à son oil , le baston prent ,
Et le Prestre vers lui le tent ;
A ses deus mains le sache fort ,
De çà en là li Leus s'estort,
Le baston li cuide esrachier.
7480 Qui donc véist Prestre esforcier
Por bien tenir cele maçue,
Li Leus d'autre part s'esvertue ; ^
Moult s'esforcoient anbedui
Ghascun dou baston trere à lui.
Si con nos conte l'escripture ,
Au Prestre avinit une aventure,
Que la terre est soz lui fondue ,
Desoz ses piez li est chéue.
DU RENART. 279
Il s'en vet enz o le baston ,
7490 Or a Ysengrii) compaingnon :
L'uns fu deçà , Tautre delà ,
De péor l'un l'autre e^g^rda.
Moult ot Ysengrin grant péor,
Mes li Prestre ot assez graignor.
Il a conmencié son sautier
Par toz les moz à verseillier,
Et puis dist conmandacion
-Que Diex le gart de la prison.
Geste sept siaume disoit plus ,
7 5oo Miserere mei Deus ;
Pater noster disoit enclin.
Sor lé col li saut Ysengrin ;
Ll Prestres chaï demi-mort,
Et Ysengrin s'en va moult tost
Par bois, par cbans aussi se fiche.
Li prestres remest en la briche ;
Prestre Martin ne rit, ne muit.
Et Ysengrin moult tost s'en fuit;
A lui-méismes rit assez
7510 De ce qu'il est si eschapez
Et qu'il li sailli seur le dos
Qant en la fosse l'ot enclos.
Si serjant l'en orent tost tret.
Puis se rient de ce qu'a fet.
Puis bien vos dire et aconter
Que oiiques messe ne sautier
28o ROMAN
Ne chanta puis de bon entent
Ne par si bon entendement
Conme il fist ovec Ysengrin ,
7520 Tant con il fu en son engin.
DU REN ART. a^i
Or vos dirai conment avint
A Ysengrin qant la nuit vint ;
Parmi ces bos s'en va corant ,
Et si aloit ce porpensant
Que fox est li bons et li Leus
Qui onques va nule part seus
Puis qu'il puist avoir compaingnie ,
Que mestier a souvent d*aïe;
Et tiex puet-on acompaingnier
ijSSo Dont l'en a puis grant enconbrier.
Qant ce pensoit en son corage ,
Atant issi de cel boscage :
Une jument vit en un pré
Où ele pessoit près' d'un blé.
Li Leus s'en va. grant aléure
Droit au jument par la costure;
Qant à lui vint , si la salue ,
Diex saut , fait-il , Rainsant ma drue l
Et Diex vos saut , sire Ysengrin !
7540 Dont vqnez-vos issi matin ?
Dame , dist-il , eschapez sui
De maies mains où anuit fui:
aHi ROMAN
Prestre Martin un engin fist
Por prendre moi et si me prist ;
Toute une nuit fui en prison.
Se i eusse un compaingnon,
D*iluec m'éust bientost jeté,
Por ce le vos ai raconté ,
Se voles estre ma cpnpaingne ,
755o Nos ferion moult grant gaaingne :
Assez vos donré à mengier
Duquel que auriez plus chier ,
Ou bon froment, ou bone avaine.
Ou bone orge à quel que paine.
Vos m'auriez moult grant mestier ,
Car je iroie por chacier :
No oompatngnie seroit bêle ,
Car vos porpenaez , Damoisele y
De cel vilain qui si vos tue
756o Et vos fet irere à la charrue:
Vos gaaingniez trestx>t son bicn>
Ne vos n'en* aurez jà rien
Fors le nouax que il aura
Et ce dont il cure n'aura.
Haï! Rainsant ma douce amie,
Qar venez en ma conpaingnie ,
Si serez fors d'autrui dangier,
Ne vos estovra charroier,
Ne çà ne là porter nul fais ,
<;57o A toi jors mes vivrez ett pais.
DU RENART. aSS
Sire Yâengrin, se je péusse,
Yo compaiojgme.chiere eusse ,
Mes je ne ^m& corre n'aler ,
Por ce VQÎl-je ci pastiirèr:
De mon pïé destre par deriere
Passai hier ea une cbariere ^
Une espine me ferî enz;
$e la me traîiez as denz ,
A nul jor ne serok partie
7580 De vos amor la druerie, '
Grant niisstier vos porrié avoir ,
Qar jie feré tot yo voloir ,
Qar s'&^ vos veit gaingaons huer
Je sauré moult bien rejeter.
Mordre des denz, ferir des piez:
Qui consuivré toz ert jugiez;
Cui ge porré bien asener
N'aura talent de regiber.
Dist Ysengrin , le piez raostrez ,
rj^Qo Celui où Tespine sentez ,
Tost la vos auré esrachie ,
Jà mar i aurez autre mire.
Le pie li lieve , et il s'acrot ,
O ses ongles li vuide tot.
Que qu'Ysengrin à vuidier brunche ,
Et il le pie nestie et furche ,
Jl. De yos la moie conpaignie.
^8/i ROMAN
Rainsant le pié a destendu
Et Ysengrin a si féru
Entre le pis et le musel ,
7600 Tout coi le jeta el prael.
Rainsant s'en tome regibant ,
Qeue levée va fuiant,
Et Ysengrin tôt coi se gist
Grant pièce après et puis si dist :
Haï! maléureus chaitis!
Se j'oi hier mal, or ai hui pis ;
Ne me sai mes en qui fier ,
Ne puis en nelui foi trover.
Issi se démente Ysengrin ,
7610 Ici prent ceste branche fin.
DU RENART. a86
€'^t li !0i0n0^ Eenatrt si ronnu t)0an0nn le bâti*
Or vos redirai de Renart
Le TOUS , le fel , le deputart ;
En sa chambre fu o sa famé
Hermeline la bone dame :
Renart si se fu endormiz ,
Que moult estoit souef ses liz.
Si li avint en avison
Qu'il iert toz seus sanz conpaingnon
Près d'un bois à une montaingne ,
7620 S'ot vestu un rouge fustaingne ,
Mes -que par leus ert detrouez,
Entor le col ert engouiez
D'une liste trestote blanclie ;
Mes l'entrée ert d'estroite manche ,
Le col si fort li estraingnoit
A par un pou ne l'estrangloit.
Renart de péor s'en esveille ,
A lui méismes se conseille
Que puet estre que senefie.
7630 Dame Hermeline est esperie ,
Cil li conte , celé soupire ,
Renart, fait-el, biau très doz sire,
Grant péor ai de vos chnrpent ,
Car en cest songe ce entent
a86 ROMAN
Que vos aurez dolor et paine.
Or oez du rouge fustaine ,
Por ce qull ert d^os engouiez
Crieng ne soiez moult mal menez ,
Et ce m'esmaie encore plus
7B4U Qu'entor le col par de desus
Ert engouiez de blanche liste,
De ce suî-ge dolente et tristre :
Car je sai bien que ce sont vers
Qui vos engouleront les ners.
Ce me fesoit moult soupirer
Que le col vos fesoit serrer.
Ce senefie , ce m'est vis ,
Qu'en grant destrece seroiz mis.
Mes or sai bien que je feré ,
765o Un bon charme vos aprendré ,
Si le vos di tout entresait ,
Jà le jor que vos l'aurez fait
Mar esterez en grant dotance ,
Bien vos en otroi ma fiance
Que nus en tôt le jor vos face
Chose qui granment vos desplace ,
Ne jà le jor que le ferez
Vie ne membre ne perdrez.
Quant vos devrez issir de l'uis
7660 Ou de fossé ou de pertuis,
Ânçois que vos ailliez avant
De vostre pie destre devant
DU RENART. 287
Fêtes troi croiz sor le lintel *
Jà mar direz ne un veel ,
Puis porrez estre asseur,
Qar cel jor n'aurez mal éur
Que ii'en veigniez tôt au deseure.
Renart saut sus , plus n'i demeure ,
Son charme fist, puis s'en toma,
7670 Selonc le bois un mont trova.
Le pas s'en va lez la ramille ,
Sor un fîist vit une cornille
Qui de novel s'estoit baignié
Et de son bec aplanoié ,^
Et encore s'aplanioit.
Sitost conme Renart la voit
Es-le-vos à terre estendu,
Son v... a sachié trestot nu.
La Cornille par aventure
7680 Garda pafrmi la raméure,
Vit de Renart le v... de fors,
Guida c'oisel li éust mors.
Ses éles tent en avalant,
Selonc Renart descent volant ,
A lui vint et si l'agaita.
Si conme celé l'aproucha
Et ele volt bechier el v... ,
Renart saut sus qui son leu vit ;
' Al, Ferez trois cous sor le lintel.
•i8H ROMAN
Par les eles Ta bien conbréc ,
7690 La teste li a engoulée.
Entre le bois et la champaingne
S'en va o tôt lez la montaingne ,
De Tautre part outre le mont
A trové un marois parfont :
Enz est entrez que nus nel' voie,
Qar il voudra mengier sa proie.
Mengiée Fa, si s^aquatuet
Son chief , son cors qantque il puet.
Del marchois s'en voloit issir,
7700 Devant lui garde et voit venir
Ysengrin qui riens ne l'amoit.
Ysengrin garde, s'el parcoit,
Renart , dist-il , par ça trairez ,
Par le mien chief or recevrez
La mérite tout entresait
De qantque vos m'avez mesfet.
Grant honte et grant duel me féistes
Qant Hersent ma famé f.....
Et mes loviax toz conpissatcs
7710 Et fils à putain les clamastes:
Sez-tu , Renart , que je feré ,
Et quel loiier je t'en rendre ?
Por ce que tu mes niez estoies
Et que par faintise m'amoies ,
Et je t'amoie de bon cuer ,
Te metrai-je en si haut fuer.
DU RENART. 289
En tel tor et en tel estage
Que n'ert de si haut parentage
Qui mes te puisse fere anui ,
7720 Ne tu ne feras riens nului,
Ne te porra mes nul laidir :
Issi le te voudrai merir,
Si te met rai en tel chastel
Où mauvez agait ne cenbel ,
Enging , perriere ne befroi ,
Ne douteras prince ne roi.
Renart entent qu'il li pramet,
La qeue entre les jambes met ;
Renart voit bien ne puet guenchir
7780 Ne nule part ne puet foïr;
Vers son oncle moult s'umelie
Et doucement merci li prie :
Oncles, dist-il, l'en dit en plait,
Nus n'amende s'il ne méfait ;
S'a amende m'en laist venir
Je la feré à vo plaisir
Se Diex me doint anor et joie.
Et cil respont, se Diex me voie,
J'ai grant joie qant je le voi ,
71740 Par Dieu le Père en qui je croi,
Jà autre amende n'en prendrai,
Dedenz mon ventre te métrai :
Uleques seras à ostel
Que jà n'en'passeras par el.
ngo ROMAN
Moult auroies isnel cheval ,
Se ne te puis livrer estai ,
Tant que je t'auré trangloti
Et de mon ventre enseveli :
De toi s'esleveront mi flanc,
7760 De toi acuisera mon sanc,
Si acroistrai mon hardement ,
Moult m'en douteront plus la gent.
Que fetes-vos que vos n'entrez
En ma geule ? Que demorez ?
Qant ce ot dit adonc descent ,
Cort a Renart et si le prent.
Renart enverse entre ses piez ,
Or set-il bien qu'il est jugiez,
Conques nus hons , tant fiist chaitis
7760 N'en terre de sarrazins pris ,
Ne fu si bien houcepingniez
Con Renart fu et laidengiez.
Son oncle sovent merci crie,
Ysengrin ne l'escoute mie,
Ainz Ta saisi par le chaon,
Sel' mastine com un gainon ;
Parmi le col qant que il puet
La pel li deront et esquet ,
Ysengrin en fait son revel.
7770 Renart a pelée la pel,
Si fil matez , pas ne se faint ,
Ne se remue , ançois se plaint.
DU RENART. 291
Qant toi: fu las de martirier
Si se conmence à desresnier.
Renart, ne me puis porpenser
De quel mort te face finer :
Dignes es c on te doiè ardoir
Ou mengier qant j'en ai pooir ;
Mes je te voil longue fin fere
7780 Ainz qu'à la mort te voille trere.
Que qu'il à lui issi parole
Des piez li moase la chavole.
Si con il la geule baoit
Et Renart estrangler voloit,
Si l'en est prise grant pitié ,
Remembre li de l'amistié
Qu'il ont tôt jors entre eus eue.
Troublée li est la véue
Si enconmença à plorer
7790 Et durement à soupirer :
Desus Renart s'est acroupiz ,
Haï! fait-il, con sui traïz!
Mon mautalent m'a sorporté ,
Trop ai vilainement ovré ;
Je n'ai mes cure dé déport
Qant je mon conseillier ai mort.
Renart l'oï , un poi s'estent,
Dist li Leus , qu'est-ce que je sent ?
Au cuer li bat aucune vaine
7800 Et si n'en ist feu ne alaine.
19^
ROMAN
Reuart se drece seur ses piez
Et dist, sire, ce est péchiez
Qui si malement me menez;
Ne soiez pas si forsenez,
Vostre niez sui , ce est la some ,
Jà mar tendrez vil petit home.
A cest mot garde lez un plain
Renart , s'a véu un vilain
Qui s'en aloit toute la voie :
7810 Si ert chargiez que trestot ploie,
Sor son col portoit un bacon ,
Venuz estoit de sa meson.
Renart le vit, si a souriz,
A son oncle dist , ce m'est vis.
Oncles, oez bone novele
Qui vos sera et bone et bêle;
Un bacon porte cil vilains ,
Qar le meton entre nos mains.
Ysengrin Tôt, si regarda,
7820 Le bacon vit que cil porta.
Et Renart entre ses piez gist.
Son oncle esgarde, si li dist:
Oncle, dist-il, lessiez m'aler.
Car miez vos porrez saouler
Del grant bacon à cel vilain
Enquenuit et ore et demain.
Que vos ne feriez de moi ;
Et je vos en afi ma foi ,
DU RENART. agS
Se orendroit ne le vos rent,
7880 En revendrai à vos présent
Dont porrez fere vo plaisir
Et de mon cors tôt vo désir.
Le bacon aurez tout entier,
Et se vos nel' voulez mengier ,
Nos en devendrons marchéant.
Que alon-nos ci delaiant ?
Coron li sus , or n'i ait plus ,
Bien sai vendre char sanz refus.
Ore en fêtes à vostre çsgart,
7840 Je en auré la tierce part,
Et vos les deus qui estes grans ,
C'est costume de marchéans
Qu'il se déduisent liement.
Ysengrin li mostre la dent ,
Et li respondi, par Saint Cler
Vers vilain n'ai cure d'aler.
Je passai hier par une rue ,
Un m'en feri d'une maçue
Si que il m'abati tout plat :
7850 Grant honte me fet qui me bat.
Dist Renart , lessiez ce ester ,
Or m'estuet mon sens esprover :
Se le bacon ne vos puis rendre ,
A une hart me fêtes pendre.
Oncle , fait-il , or demorez ,
G'îrai avant se vos volez.
^94 ROMAN
Tant l'a blandi , tant l'a proie
Qu'Ysengrin U donne congié.
Renart saut sus si vilstement
7860 Con s'il n'éust mal ne torment.
Par devant li vilain s'est trez ,
Autressi con s'il fust contrez,
Par devant li grant aléure
Tant qu'il vint à la devanture
Son chief covert d'un mantelet.
Qant il fîi devant, jus se met
Enz el mileu d'une chariere.
Li vilain fist moult lede chiere
Qant il a véu le gorpil :
7870 Or est son bacon en péril ,
Dont Renart estoit forment liez.
Selonc la voie il s'est couchiez,
Et li vilain moult s'esjoïst.
Sa maçue à une main prist
Qant vit que traïnoit ses rains^
Qar bien le cuida prendre as mains,
Mes Renart fist un petit saut.
Di&t li vilains , rien ne te vaut ;
Il lesse corre sa maçue ,
7880 A Renart roidement la rue,
Sus la croupe li fist un treu ,
Puis si le sieut de preu en preu.
Dist li vilain, par Saint Marcel,
Ta pel ert mise en mon mantel ;
DU RENART. agS
Mes moult a entre dire et fere ,
Qart Renart li fera contrere.
Tout jors enforce s'anbléure
Et cil engraingne s'aléure.
Li vilain suefire moult grant paine,
7890 Ne puet aler , faut li Talaine :
Adonc se prent à porpenser
Qu'il ne porra après aler
Ne que jamès ne le prendra
Tant con le bacon portera.
A la terre l'a jus geté,
Et Ysengrin l'a regardé
Qui près d'ilec le porsivoit
Por véoir que Renart feroit.
Renart s'en fuit touz les gaioz
7900 Et H vilains sieut les esclos :
Ysengrin n'a cure d'enchaut ,
Au bacon est venuz les sauz,
Sel' jeté sor son chaaingnon ,
Fuit s'en à tôt en un buisson.
Li vilain pense en son corage
S'il prenoit cel gorpil sauvage.
Que de la pel acuiteroit
Grant part del bacon qu'il portoit.
Et si i prendroit bon colier
7910 Por son mantel fere acesmer.
Mes moult remest de ce qu'il dist.
Li vilain sa màçue prist ,
agô ROMAN
Puis s'en aloit après Renart,
Qui s'en aloit de l'autre part.
Qant li vilain voit si fuliez
Que jà s'estoit tant aprochiez
Qu'il se cuida lessier chair
Sus Renart que il vit fouir,
Tôt vif le cuidoit as mains prendre.
7920 Qui donc véist Renart destendre
Conme qarrel ist d'arbaleste,
Et cil toz esbahiz s'areste
Qant il vit qu'il nel' consiévra,
Au déable le conmanda,
Ariere vint , s'en volt porter
Son bacon , mes nel' pot trover.
Or n'a l'escus ne la maaille,
Mes Renart n'Isengrin n'en chaille.
Qant vit c'ot perdu son bacon ,
7980 Onques tel duel ne fîst nus bon.
Renart n'ot cure d'el vilain ,
Lesse le corre par le plain:
Renart va tant deçà en là
Que Ysengrin el bois trouva;
Quant il fu venuz au buisson
Si cuida partir au bacon.
Ysengrin ot assez mengié ,
Si en estoit moult plus baitié :
H a véu venir Renart,
7940 Dou bacon a sachié la hart^
DU RENART. 297
Devant lui l'avoit mise jus ,
Un de ses piez a mis desus.
Et le bacon avoit repus
De Terbe et de rainsiaus foilluz.
Sire Ysengrin, ce dist Renart,
Donez moi del bacon ma part.
Renart, fait-il, car vos taisiez,
Encore soiez-vos touz liez
Se je vos claim quite à itant :
17950 Alez-vos ent, je vos conmant.
Que n'i auriez nule part
Ne mes que solement la hart.
Renart ne volt bataille fere ,
Ançois li conmence à retrere :
La hart ait qui l'a deservie ,
Qar je ne l'ai deservi mie;
Par Dieu le filz Sainte Marie ,
Mauvese est vostre conpaingnie :
Ne puis ci longuement durer ,
7960 Vostre congié voil demander.
Onques ne finai de pechier,
Biax oncles douz, je vos requier
Congié, Saint Jaque voil requerre,
Pèlerin serai par la terre ,
Dist Ysengrin, et je l'otroi.
Renart fu moult en grant efFroi ,
Quinze jors va à grant baudor.
Onques Renart ne fist sejor.
^98 ROMAN
Si a Ysengrin conmandez
7970 Au vis déables , as maufez.
Va s'en Renart son grant chemin ,
Or veit engingnier Ysengrin;
Bien li cuide le bacon vendre
Dont il ne li volt sa part rendre ;
Bien a la costume au gorpil.
Devant lui trouva un mesnil ,
Là s'en torna, ce est la voire ,
Et vint au cortil au Provoire :
Raz i trova à grant plenté.
7980 Diex! dist Renart^ bien ai erré,
Qar fain avoie à desmesure ,
Diex m'a doné bêle aventure.
Des raz engingnier moult se paine,
Arestez est à moult grant paine y
Si aperçut un gresillon.
Renart en fu en grant friçon,
Qar péor a qu'il ne l'encuse.
Tout contre val le cortil muse,
Si escoute le chantéor
7990 Qui el cortil est près del for.
Le gresilkxn le connut bien ,
Tôt coiz se tint qu'il ne dist rien :
Renart en tint le chief enclin ,
Clerc savent bien chanter latin,
Je vos donroie bon loiier ,
Dant Clerc, dites vostre sautier.
DU RENART. «99
Le Gresillon prist à garder
Conment Henart vodra ovrer;
Bien s'aparçut qu'il ragailoit.
8000 Qant Renart vit qu'il l'eagardoit
Et qu'il voloit savoir sa fin,
Si en ot le chief plus enclin.
Lors li a conmencié à dire ,
Dant Clerc, volez-vos ci escrire?
Se voulez reconmencier
Por mon père vostre sautier ,
Je vos en sauroie bon gré,
Si en seriez bien loiié,
Et je issi fere le voil.
8010 Le Gresillon dist grant orgoil :
Tesiez-vos , traîtres provez ,
N'avez pas ci bergiers trovez,
Trop me regardez de put oil :
Par Saint Denis enquerre voil
De quel pie, fet-il, vos clochiez.
Env^s Renart s'est aprouchiez ,
Qar il le velt de près gaitier;
Et Renart qui se velt vengier,
Qui a péor de son aguet ,
8020 De s(m braz une mace trefc ,
Si l'en a esmé à ferir.
Le Gresillon nel volt soffrir,
Ânçois avoit jeté un bret.
Et Renart qui tant set d'aguet,
3oo ROMAN
A la mace jetée jus,
Frobert , fet-il , il n'i a plus ,
Bien voi se je te lesse vivre
Tu me porras encui bien nuire.
Lors se porpense qu'il fera
8o3o Et conment il s'en vengera:
Bée la geule et muet les dens ,
Qu'il volt Frobert englotir ens.
Le Gresillon li dist, Renart,
Con tu es or de pute part !
La maie passion te fiere ,
Moult es de mauvese manière.
Or ont Déable un pèlerin
Qui la gent mordra en la fin ;
Se tu m'eusses engoulé ,
8o/|0 Mort m'eusses et afolé.
Moult ai esté près de morir,
Diex m'a gari par son plaisir :
Je me rendre dedens enclos,
Et tu te tiengnes par defors.
Et dist Renart, je estoie yvres,
Je cuidoie ce fust ces livres ;
Certes se je mengié t'eusse
Trestotes tes chançons séusse.
Moult sui sorpris de grant malage,
8o5o Que j'ai fait maint pèlerinage,
Si puez bien savoir et penser
Que je ne voi mie bien cler.
DU RENART. Hoi
Que vaut? Nel' puis choisir à Fuel,
Certes moult durement me duel,
Car trop sui plain de grant malage.
Je ai fet maint pèlerinage
Qui mon cors ont moult fort pené :
Tel mal ai dedenz moi cové
Par qoi me covendra finer ,
8060 Bien voi ne puis longues durer :
Certes je sui un chaitis hon ,
Mes fêtes moi confession, «
Car il n'a ci entor nul prestre,
•Et vos savez bien tôt cel estre,
Qar clers estes et bons et sages.
En trestoz mes pèlerinages
Vos recevré, se Diex me voie,
Qar je sai bien se je cerchoie
Tout cest païs ci environ,
8070 Ne troveroie plus preudon.
Li Gresillon conmence à rire,
N'avoit soin de sa chançon dire.
Bien connoissoit les fez Renart,
Si li a dit, se Diex me gart,
Renart, ne soiez en effroi
De confesser, que jusqu'à poi
Aurez prestres à grant plenté,
Dire porrez vo volenté.
Endementiers que il parloit
8080 Et que au parler entendoit.
3o2 ROMAN
Ainz que se fussent regardé,
Sept gaingiion vienent descopié;
En après vienent venéor,
Arbalestier et chacéor.
A poi que Renart n'est malmis
Des gaignons qui si l'ont sorpris.
Uns des vénères huie et crie ,
Renart entent la taborie,
Ne set que puisse devenir,
8<K)o Si s'apareille de foïr,
Et H venéor vet après ,
Si descouple les chiens en grès. •
Or Tribole! or Clarenbaut!
Par ci fuit le Gorpil , Rigaut !
Or tost Plesence, après alez:
Ses lévriers a toz descopiez.
Renai^t s'en va grant aléure,
Li lévrier viegnent à droiture ;
Moult menace le Gresillon
iSj oo Qui li a fait tel traïson,
G'onques ne l'en volt acointier.
Qant il vit les gaingnons coitier
Et lor cors ot aparcéu ,
Et qant Renart ot tant coru
Qui fil amatiz et lassez ,
Vers le for se r'est apassez
A ses piez qu'il ot enbouez
Et de l'arzillierre enterrez ;
DU RENART. 3o3
Sor le partais saut les galoz
8110 Oïl U Gresillon fii encloz
Par cui il est tant dommagiez :
Or est-il bien de lui vengiez,
Sa meson a si estoupée
N'en istra mes de ceste anée.
Renart ne fet pas grant séjor,
Ainz saut sor la creste del for:
Là se quati, li chien l'outrèrent,
Le flair perdirent, sel' passèrent;
Et qant Renart les vit passez
diao Et que il lor est eschapez,
A terre vint les sauz nienuz,
Droit au pertuis en est venuz
Où li Gresillon est enclos,
Ses gas li lance par defors.
Preudcms , fet-il , se Dex t'ament ,
Es-tu or laiens chaudement ?
Je cuit bien t'i puez es tu ver,
Car point de froit n'i puet entrer,
Tu n'az garde de la gelée,
8i3o Que j'ai si estoupé l'entrée.
Se Diex me gart, que ne puis plus.
Or gar que soies bons rendus,
N'aies cure de lecherie
Ne de mauvese coardie ;
Et se riens fêtes toutevoie.
N'avez voisin qui pas vos voie :
3o', ROMAN
Par eus ii'aqeutlrez mauves los,
Qar je vos ai moult bien enclos.
N'avez garde, par Saint Mandé,
Si^o Qu'en vos voie de cest régné,
Votre aferes est bien celez.
Filz à putain, escoz pelez,
Que honiz soit qui vos porta
Qant ele ne vos avorta!
S'en éust esté la pel tendre ,
Oïl péustes hardement prendre
De moi fere si mal mener :
Or povez laienz orguener
Se vos savez rien par cuer dire,
8i5o Que vos n'i verrez goûte à lire,
Ce me semble, à vostre sautier.
Je cuit qu'il vos ert bien mestier
Que sachiez que que soit par cuer,
Ne foi que doi Hersent ma suer
Or puis-je bien ça defors fere
Trestot qant qu'il me porra plere ;
Ainz ert ceste anée venue
Que vos i aiez mes véue.
Or vos tenez laienz toz coiz
8160 Que vos n'avez garde d'effroi :
Je garderez par ça defors
S'il i a gelines ne cos,
Ne riens que je puisse mengier.
Que j'en aroie grant mestier.
DU RENART. 3o5
Ainssi dist Renart son gabois,
Et li chien s'en vont vers le bois
Qui Forent lessié sor le for.
Si lor est avenu cel jor
Qu'entre le bois et le chemin
8170 Encontrerent sire Ysengrin.
Déables li ont amené
Qui li avoient destiné :
Onques nel' vodrent deffier,
Sa pel conmencent à peler,
Et il durement se desfent,
Qui il consieut as denz le fentr
La bataille est. par contençon,
De son dos volent li flocon.
Renart le vit , si en fu liez ,
8i8o Or. est bien d' Ysengrin vengiez.
Prent la bataille à regarder ,
Et Ysengrin à ramposner:
Mar i menjastes le bacon ,
Ore en avez le guerredon ;
Maufez vos firent tant mengier ,
Le cors eussiez plus legier
Se j'en eusse eu la moitié,
Vos n'eussiez pas tant mengié ;
Miex fust qu'en eusse ma part,
8190 Ysengrin aperçoit Renart,
Et voit qu'il est liez et joianz
De ce qu'il est à mal parenz:
I. ao
3o(> ROMAN
Volentiers s'en alast vers lui,
Mes H chien li font grant anui
Que neV lessent celé part trere.
Et Renart se met el repère,
Vers Malpertuis s'est adreciez ,
Ileques s'est moult aaisiez.
Ysengrin est en mal déport ,
8 joo Qar illec ot un gaignon fort ;
Ysengrin asailli as braz ,
Or est*il chaoit en mau laz,
Car il li présente les denz
Et li boute en la pel dedenz,
Et il les blece malement
Et les ocist defforcément.
Li chien ne porent endurer,
Ysengrin lessierent ester :
Tornez s'en est grant aléure
8210 Et vet aillors querre pasture
Con cil qui estoit moult dolent.
Renart menace durement
Et dist se il le puet tenir ,
De maie mort l'estuet morir.
Or puet menacier durement,
Qar Renart le fera dolent ;
Ainz que viengne l'Acension
Li vendra-il chier le bacon
Dont il li ot donné la hart ,
8220 Encor le tendra por musart.
DU RENART. 3o7
&i conme Xjfmtsnn 0'aia pUtinîrr^ ie fUnart à
la Cort U ii0i.
Ce fu à un tens de pascor
Qu'Ysengrin estoit à sejor,
. Si pensoit moult à son afere ,
Et li soviût d'un grant contrere
Que Dant Renart li avoit fet,
Si en fu en moult grant deshet ,
Si en soupira moult forment
Por la lionte Dame Hersent ;
Si en fil moult forment pensis ,
8280 Moult corouciez et moult marris
Et en son cuer avoit grant duel
De sa famé : contre son voil
Li avoit Dant Renart croissue
Dont il a moult grant honte eue.
Si asembla de ses amis ,
Et lor a à conseil requis
Que il l'aident à conseillier
Conment il se porra vengier :
Lors alerent au parlement
8240 Et en dist chascun son talent.
Qaut orent dit lor volenté ,
En la fin se sont acordé
3o8 ROMAN
A ce qu'il s'en alast clamer
lii où porra le Roi trover ;
Et maint o lui Dame Hersent.
Atant finent lor parlement,
Si s'en est chascun retornez.
Ysengrin s'est acheminez
Et erre tant qu'il vint à Cort.
^i5o Or cuit que il tendra moult cort
Renart le rous, s'il puet tant fere
Qu'à jugement le puist atrere,
Car moult ert veziez et sages
Et sot moult de divers langages,
Et li Rois l'ot fet conestable
De sa meson et de sa table.
Parvenu sont jusqu'au paies
La où li Rois tenoit ses plès :
La cort estoit grant et pleniere,
S'iGo Restes i ot de grant manière ,
Foibles et fors, granz et petites
Qui totes sont au Roi sougites.
Li Rois sist en un faudestuet,
Itel con à tel home estuet; *
Tôt environ siet en coronne
Sa mesnie qui Tavironne :
N'i a un sol qui noise face.
Atant es-vos ennii la place
' ^l. Si riche conme à roi estuet.
DU RENART. 809
Dant Ysengrin lui et s' amie
8270 Qui la clamor ont aramie:
Trestuit li autre font silence ,
Et mesire Ysengrin conraence
Devant le Roi en sozpirant :
Rois, justise va enpirant,
Veritez est tornée à fable,
Nule parole n'est éstable.
Vos féistes le ban roial
Que jà mariage par mal
N'osast nus fraindre ne brisier :
8280 Renart ne vos velt tant prisier
C'onques tenist por contredit
Ne vostre ban ne vostre dit.
Renart est cil qui toz max semé ,
Car il m'a boni de ma feme.
Renart ne dote mariage ,
Ne parenté ne coraperage;
Il est pire que ne puis dire.
Ne cuidiez mie , Rois biau sire ,
Que jel' die por li reter
8290 Ne por blasme sor li jeter :
Rien que je die n'est mençoingne,
Vez-ci Hersent qui tôt tesmolngne.
Voire voir , sire , ce dist-ele ,
Dès le jor que je fui pucele
M'ama Renart et porsivi,
Mes jel' ai à toz jors foï ,
3ia ROMAN
Qui vos estes ici clamée
Que Dant Renart vos a amée.
Et vos, amastes-le vos onques?
Je non, sire. Or me dites donques
Por qoi estiez donc si foie
Qu'en sa meson aliez sole
Dès que vos n'estiez s'amie ?
836o Merci , sire, ce n'i a mie ,
Se vos plet, miex dire poez
Selonc le claim que vos oez
Que vos a dit li conoistable
Mes sires qui bien est estables ,
Que il ensemble o moi là vint
Oîi ceste vergoingne m'avint.
Ert-il o vos ? Ouïl sanz faille ,
Qui cuidast ce que Diex i vaille ,
Que il esforcier vos déust
8^70 Là où li vostres maris fust?
Lors s'en est Ysengrin levez ,
Sire , fet-il , vos ne devez ,
Se vos plet , moi ne lui deffendre ,
Ainz devez plainement entendre
A la clamor , que que nus die ,
Tant c'on l'ament ou escondie.
Que je vos di bien à fiance
Que j'en voel avoir la venjance.
Que se Renart ert ci presenz,
838o Je mosterroie qu'à Hersenz
DU RENART. 2i3
Jut-il à force, que jel' vi,
Par la foi que je vos plevi.
Li Lions par sa grant franchise
Ne vost soufrir en nule guise
Que fust en sa cort mal-menez .
Qui d'amors fust achoisonez ,
Por rien les gages n'en préist ,
S'il poïst en pais les méist.
De Renart doute la querele
8390 Dont maistres Ysengrin l'apele,
Si li a dit , se Diex me voie ,
Por nule rien ne sofferoie
Qu'entre vos et Renart le court
Vos combatissiez en ma court ,
Ne que eussiez guerre ensemble.
Sire , dist Ysengrin , moi semble
Que vos soutenez sa partie ,
Mes foi que doi Sainte Marie ,
Moult miex me déussiez aidier
8400 Et ma partie consilier ,
Que je vos ai toz jours bien fait
Assez miex que Renart n'a fait.
Mais se j'eusse esté boisseres ,
Faus et traites et tricherres ,
Miex m'amissiez : par mon musel
Mau dehait ait cui il est bel ,
Que je si bien servi vos ai
Qant si mauvais loier en ai ;
Hi/« ROMAN
Mais on suelt dire en rcprovier
8410 Que (le tel seigneur tel louier,
Qant II Rois voit qu'il veit tcncier ,
Si conmença à agencier,
Si Ji respondi mot à mot ,
Ce, fait^'il , que Renart l'amot,
L'escuse auques de son pechié.
Se par amors vos a trichié ,
Certes proz est et afaitiez,
Et neporqant s'ert-il traitiez
Par jugement et par raison
8420 Selonc l'esgart de ma mesoii^
Bien en feré prendre conroi.
Li Chameus siet joste le Roi,
Moult fu en la Cort chier tenuz ,
De Lombardie estoit venuz
Por aporter mon seignor Noble
Tréu de vers Costentinoble,
Li Pape li a voit tramis ,
Ses Legas ert et ses amis:
Moult fu sages et bons legistres.
8^480 Mestre, fait li Rois, s'onc oïstes
En vostre terre tex conplaintes
Gon à ma Cort a-l'en fait maintes ,
Bien vodrions de vos aprendre
Quel jugement en en doit rendre.
Quare, mesire, me audite,
Nos trobat en decrez escrite
DU RENART. 3i5
Legem expresse publicate
De matremoine violate ;
Primes le doiz examinar
8440 Et s'il non se puisse espurgar,
Grevar le puez si con te place ,
Que moult à grant chose mesface.
Hec est en la moie sentence,
S'estar non vult en amendence
De si que parmaine conmune
Universe sone pecune,
De lapidar la corpe ou ardre
De Faversier de la Renarde ,
Et se vos siez, bone Rege
8460 Ce est qui destruie la lege
Et qui la vuel vituparar,
Il les doie fort comparar.
Mes, sire, par la corpe sainte
Que si le jugement ert fainte,
Et tu non soies bon seignor,
Fai droit jujar por ton henor,
Par la sainte cruche de Dé ,
Que tu ne soies bone ré ,
Se reson ne droit ne velt far
8460 Si con fîst Julius César,
Et en ta Cort fâches droit dir
Se tu vels estre bone sir,
Videte bonne favelar,
Par la foi teue tien toi car;
3i6 ROMAN
Se ne tiens car ta baronie,
Rent toi por amender ta vie;
N^aies cure de roiaitat
Se tu ne juges par bontat ,
Se tu ne gardes bien t'enor,
8470 Tu non siées bone seignor,
Favelar, Roi, qanque te place,
Plus ne te di, ne plus n'en face.
Qant H baron forent 01,
Tiex i a se sont esjoï ,
Et tiex qui en sont corocié.
Li Lions a le chief drecié ,
Alez , fet-il , vos qui ci estes
Les plus vaillanz, les graignors bestes^
Si jugiez de ceste clamor
8/480 Se cil qui est sorpris d'amor
Doit estre de ce encoupez
Que ses compains l'a acoupez.
A ces paroles lievent sus ,
Du tref roial s'en vont en sus
A une part por conseillier ,
Plus en i a là d'un millier.
Dant Brichemers le Gers i va
Qui de mautalent s'aïra
Por Ysengrin qui est trichiez ;
8490 Et Bruns li Ors s'est atichiez ,
Dist qu'il vodra Renart grever.
Avec els deus ont fet lever
DU RENART. 817
Baucent le Sengler qui de droit
En nul sens guenchir ne vodroit,
Ensemble sont à parlement.
Li Gers parla premièrement
Qui s'est sor Baucent acordez :
Seignors, fait-il, or escoutez;
Vos avez oï d'Ysengrin
85oo Noslre ami et nostre voisin,
Gon il a Renart acusé ,
Mes nos avons en Cort usé
Qant l'en se plaint de forfeture
Et l'en en velt avoir droiture,
Mostrer l'estuet par tierce main ,
Que tiex porroit d'ui à demain
Fere clamor à son voloir
Dont autre se porroit doloir.
De sa famé vos redirou ,
85 lo Celui a-il en sa prison
Qanque il velt dire et taisir ,
Tôt li puet fere à son plaisir ,
Et bien mentir à escient :
Ne sont mie soficient '
Itex tesmoing à esprover,
Autre li covendra trover.
Par Dieu, seignors, ce a dit Bruns,
Des jugéors sui-ge li uns,
Puisque nos somes ci ensemble,
8520 Je dire ce que il me semble.
'.i8 ROMAN
•
Dant Ysengriii est Conoistables ,
Et bien de la Cort est créables ;
Mes se il fust uns bareteres ,
Ou faus, ou traîtres ou lerres,
Sa famé ne li poïst mie
Porter tesmoing ne garantie;
Mes Ysengrin est de tel non
Que s'il n'i avoit se li non ,
Si Ten poist-on très bien croire.
85 io Par foi, sire, dist Baucent, voire;
Mes autre chose i a encore ,
En vostre foi car dites ore
Qui est li pires ne ii mieudre ,
Chascun se velt as bons acueudre ,
Se vos dites que Ysengrins
Est li mieudres de ses voisins ,
Renart li vodra contredire
Que il n'est mains loiax ne pire,
Chascun si se tient à preudome.
8 540 Por ce vos di à la parsonie
Ce ne puet estre que vos dites ,
Dont ne seriez-vos pas qui tes ,
Chascun porroit tel clamor fere
Por sa famé à garant atrere,
Et dire cent sols me devez,
Dont maint liome seroit grevez.
Ce n'ert pas fait là où je soie,
Issuz estes hors de la voie :
DU RENART. Sig
A vos me tieng, Dant Brichemer,
85v5o .Il n'a home jusqu'à la mer
Qui en déist plus sagement
Ne loiauté ne jugement.
Seignors, ce dist Piatiaus li Dains,
D'autre chose est ore li clains,
Que mesire Ysengrin demande
Estroitement de sa viande
Que Renart prist en sa meson
A force par maie raison ,
Et qu'il pissa sans nul respit
8 5 60 Sor ses enfanz par fin despit,
Si les bâti et chevela
Et avoltres les apela;
Et à ce afiert grant amende
Se Dant Renart ne li amende,
Et il s'en puet atant estordre ,
Encor s'i vodra-il amordre.
Et lors dist Bruns , c'est veritez ,
Honis soit et deshenorez
Qui jà Renart consentira
8570 Que un preudome honira,
Et si li toudra son avoir ,
Si n'en porra nul droit avoir:
Dont aroit-il borse trovée.
Ce seroit folie provée
Se li Rois ses barons ne venge
Que Renart honist et laidenge;
320 ROMAN
Mes à tel tnorsel itel leche,
Chaz set bien quel barbes il leche,
Je ne cuit pas, sauve sa grâce,
858o Que mesire s'onor i face
Qui s*en aloit ore riant
Et Ysengrin contraliant
Por un garron , un losengier.
Diex me dont de son cors vensrier!
Por Dieu, fait-il, ne vos soit grief
Se je vos fas un conte brief
Du traïlor félon encrime
Con il conchia moi-méisme.
Renart qui moult estoit liaïz
85(jo Avoit dejoste un plaiséiz
Une riche vile espiée
Novelement édifiée.
Lez le bois avoit un manoir
Où un vilain soloit manoir
Qui moult avoit cos et gelines.
Renart en fist tiex deceplines
Que bien en menja plus de trente,
Tote i avoit mise s'entente.
Li vilain fait Renart guetier,
8600 Ses chiens avoit fait afaitier,
El bois n'avoit sente ne triage
Oïl il n'éust cepel ou piège,
Ou trebuchet ou las tendu ,
Ou roiz ou roisel estendu.
DU RENART. 3ai
Renart greva qanque il pot,
Car à la vile aler ne sot,
Dont se porpensa li déables
Que g'iere grant et bien véables ,
Et il ert petiz et menuz,
8610 Si i seroie ainz retenuz
Ou fust à bois où fust à plain ,
Plus tost méist-on à moi main
Où que nos fusomes nos dui
L'en tendroit ainz à moi q'à li ,
Et ge miex i fusse atrapez
Et il plus tost fust eschapez.
Il savoit bien que je aim miel
Plus que chose qui soit soz ciel ,
A moi vint où estoie oen
86ao Devant la feste Saint Johen:
Ahi ! dist-il , biau sire Brun
Quel vessel de miel je sai un!
Et où est? Ghiés Costant Desnoes.
Porroie i ge mètre 1m poes?
Oïl , je l'ai tout espié ,
Li blé estoient espié ,
Le postis trovames ouvert,
S'entrames enz par l'uis ouvert;
Lés une granche en un vergier
863o Là nos déumes herbergier
Et gésir trestot en repos
De si au vespre entre les chos.
I. ar
3î2 ROMAN
Celé nuit al aserier
Devions le vessel brisier,
Le miel mengier et revenir ,
Mes li gloz ne se pot tenir :
Vit les gelines ei paillier,
Si conmença à baaillier.
Il les asaut, eles crièrent,
8G'|0 Et li vilain qui laiens erent,
Lievent la noise par la vile ,
Tost en i ot plus de deus mile ;
Vers le cortil vindrent corant
Et Renart durement huiant
Plus de quarante en une rote.
Ne fu merveille se j'oi dote ,
Les grand gaioz en sui tornez.
Renart se fu tost destomez
Qui sot les pas et les destroiz,
865o Sor moi torna toz li esfroiz.
Qant jel' vi trere à une part ,
Conment, di-ge, sire Renart,
Volez-me vos lessier en place ?
Qui miex porra fere, si face,
Biau sire Brun , or du hâter,
Que besoing fet viele troter :
Fêtes del miex que vos poez ,
Se tranchanz espérons n'avez
Et bon cheval por tost aler,
8660 Cil vilain vos vodront saler.
DU RENART. 3^3
Or oez con il font grant noise,
Se vostre peliçon trop pôise,
Jà n'en sciez desconfortez ,
Il vos sera par taiîs estez.
G'irai avant en la cuisine ,
Si porteré ceste geline
Si la vos apareilleré,
Dites quel savor g'i feré.
Atant li traître seslesse,
8670 Si me gerpi enmi la presse.
La noise ala si engringnant
Li chien m'alerent ataingnant :
A moi se lient pelle melle,
Et pilez volent conme grelle ,
Si cornent li vilain et huient
Que tuit li champ entor en bruient.
Qant j'oï les vilains corner,
Qui lors me véist trestorner *
Vers les mastins' tôt de randon ,
8680 Et fouler et mordre environ ,
Hurter et batre et desconfire.
Bien péust por venté dire
Que ainz ne fa véue beste
Qui de chiens féist tel tempeste ,
Bien me péusse d'eus deffendre.
Qant je vi les pilea: descendre
Et les sajetes barbelées
Chaoir entor moi granz et lées;
3a4 ROMAN
Qaot les vi venir , st m'en part,
8690 Les chiens guerpi de l'autre part ,
Vers les vilains ving eslessiez,
Atant me fu li chans lessiez.
N'i ot si hardi ne si oointe,
Dès que je fis vers eus ma pointe ,
Qui lors ne s'en tornast fuiant.
Je ving l'un d'eus aconsuiant,
A terre à mes piez le cravant :
Un autre s'en fuiant avant
Qui portoit une grant maçue,
8700 Cil que je ting s'escrie et hue.
L'autre retorne , si me grieve ,
A deus mains la maçue lieve ,
Tel cox me feri lez Foreille ,
Chaoir me fist , voille ou ne voille.
Qant je me senti si qassié ,
Son compaingnon li ai lessié.
Si sailli sus et il s'escrient,
Et li chien à moi se ralient,
Si me sachent et me detirent.
8710 Qant li vilain entre eus ce virent ,
Estes-les vos toz apoingnant,
De lor glaives me vont poingnaùt,
Pierres jetent, sajetes traient
Et li mastin crient et braient.
Là oii je poi un d'els ataindre.
De totes parz me vi açaindre;
DU RENART. aaS
Je vi que g'iere moult plaiez ,
Adonques fui moult esmaiez :
Vers le bois conmencé à tendre
8720 Par là oîi la presse estoit mendre.
Si m'en estors au miex que poi,
Retenuz i fusse à bien poi;
Mes que fuiant, que deffendant
Par une broce en un pendant
Maugré trestoz mes anemis
Fis-ge tant que el bois me mis.
Einssi Dant Renart m'a bailli
Por les gelines q'asailli ;
Ge nel' di pas por clamor fere ,
8730 Mes por essample de lui trere.
Or s'est clamez Dant Ysengrin ,
L'autrier se clama Tiercelin
Qu'il le pluma en traïson ,
Si le voloit mètre en prison
Tybert lî Chas en un chepel
Où il redut lessier la pel ,
Et puis refist-il bien que lerre
Que la Mesenge sa conmere,
Qant il en besant l'asailli
8740 Conme Judas qui Dieu traï.
S'en doit bien estre conseil pris
Qant il si sovent est repris ,
Que nos i avons grant pechié
Qui tant li avons alechié.
3a6 ROMAN
Li Ors a parlé longuement,
Baucent li rcspondi briément :
Mesire Bruns , fet*il , cist plais
N'iert parfinez as premiers trais ,
Encor n'est ore aconséue
8750 La clamor qui ci est venue.
Moult seroit sages qui sauroit
Jugier d'uo droit, et il n'auroit
L'autre partie encore atainte:
Nos avons oi la conpiainte,
Or devons la response atendre ,
Et Tun droit après l'autre rendre ,
Tant que l'en viengne à la parsome :
En un jor ne fist-l'en pas Rome.
Nel' di pas por Renart tenser,
8760 Mes nus ne doit à ce penser
Que nos les mellomes en Cort ,
Que péchiez seroit et grant tort ,
Que ne sai que dire en doions
Devant qu'ensemble les oîons.
Qant Renart ert à Cort venuz ,
Et cist clains sera retenuz
Qu'Isengrin a ci amené
Dont à primes ert ordené
Gonment sera de l'amendise
8770 Par le jugement de justise.
Ce dist li Singes Cointeriaus,'
Mal dahez ait cil hateriaus
DU RENART. 327
Se vos ne dites que i a.
Et li Ors respondu li a :
N'estes mie trop forsenez
Qant devers Renart vos tenez,
Qu'entre vos deus savez assez :
Maint mauves pas avez passez,
Si fera-il encor cestui
8780 Se l'en velt croire vo$ et lui.
Le Singes voit qu'il se coroce ,
Petit li est de ce qu'il groce ,
Moe li fet por plus irestre :
Se Dex vos saut , fet-il , biau mestre ,
Or me dites en vostre endroit ,
Que en diriez-vos par. droit?
Soz ciel n'a Cort , par Saint Bichier ,
Que n'osasse bien afichier,
^ Se j'en dévoie estre créuz ,
8790 Que trestoz cist max est venuz
Par Dânt Renart et par 3a corpe ,
Et qu'Isengrin à droit l'encorpe ;
Et qu'alez-vos plus atendant
Qant la chose est venue avant
Que il est pris en avoutere
Méesmen(ient de sa conmere ?
Bien se desrenent envers lui
Hersent et Ysengrin andui :
Por ice seroit avenant
8800 Que Renart fust pris maintenant,,
328 ROMAN
Puis U lîast-on poins et piez ,
Si fust jetez trestoz liez
En la chartre ou en la jéole ,
Puis n'i éust autre parole
Que de fuster ou d'escoillier,
Dès qu'il esforce autrui moillier.
D'esforcier famé n'i a el
Nis s'ele est famé conmunel,
L'en en doit fort justice prendre
8810 Que autre foiz n'i ost entendre.
Et qu'est donc d'une famé espouse
Qui dolente en est et hontouse
De ce que ses mariz le sot ?
Et qui cuide Ysengrin si sot
Qu'il éust plet de ce méu
S'il ne l'éust as eulz véu?
De tant est-il plus vergondez
Se cist mesfet n'est amendez ,
Dont Ysengrin tesmoing li porte':*
8820 Dont sera bien justice morte.
Dist li Singes, ci a dur conte
C'on baillist henor à tel honte,
G'un preudome por tel mesfet y
Por Dieu se Renart a mesfet ,
De pechéor miséricorde ,
Si en fêtes aucune acorde;
' Al. De ce Hersent garant li porte.
DU RENART. 829
Li Leus est mendre c'an ne cuide ,
Et grant vent chiet à poi de pluie.
Renart n'est pas vaincuz encore ,
883o Encor vendra, ce cuit, autre orc;
Dist en avez vostre plaisir ,
S'avez perdu un biau taisir.
Dant Brichemer fu moult voiseus,
Ne fu jenglerres ne noiseus ,
Si con cil autre compaingnon :
Seignors , fet-il , or en prenon
Un jor de cest acordement,
Renart en face serement
Et s'amende par tel devise
8840 Con il a Ysengrin pramise ;
Car si con li Singes le dit.
Ne por mesfet ne por mesdit
Qui n'est apers ne requenuz,
Ne doit jà estre plet tenuz
D'ome afoler ne de desfere ,
Âinz i afiert la pès à fere.
Mes primes gardons par mesure
Qu'il n'i ait riens de sorpresure»
Une chose qui moult me serre ,
885o Se li Rois n'est en ceste terre,
Devant qui ert li plaiz traitiez
Se Renart n'en estoit haitiez ?
Li chien Frobert de la fontaine ,
Cil nos en metra hors de paine,
^^o ROMAN
Eo lui a moult bon chien et vrai,
Ne jà home ne troverai
Qui ne die que c est bien fet
Qu'en a devant li mis cest plet.
A ce se sont tuit asenti
HHGo Que nus d'eus ne s'en repenti :
Li conseuls ne fu plus tenuz.
Estes-les vos avant venuz
A grant joie et à grant baudor
Devant le Roi el consitor :
Tuit li autre vont arestânt
Et Brichemer fu en estant
Qui la parole a conmenciée :
Bien Ta conduite et agenciée
Si conme bons Restoriens :
8870 Sire, iait-il, nos estiens
Aie le jugement enquerre
Selonc la guisë de la terre ;
Trové l'avon , s'il n'est qu'il die ,
Jel' dire , puis que l'en m'en prie ,
Volontiers , sauve vostre grâce.
Li Lions li torne la face ,
Del otroier li a fet signe.
Et Dant Brichemer li encline.
Seignors, fet-il, or m'entendez,
8880 Et se je fail , si m'amendez.
Ce m'est avis que nos déismes
D'Ysengrin qui se clnma primes.
DU RENA.RT. 33i
Que tôte sa. droiture aura
De qanque demander saura ;
Mes il li coveudroit trover,
Se il la chose velt prover ,
Soi tierz por amender son droit
A jor nomé ci orendroit ,
Puis féismes par droit ester
8890 Qu'il ne pooit riens conques ter,
Ne droiz n'estoit qu'il conqiiisist
Por riens que sa famé déist.
Brun et Saucent en desputerent,
Mes cil qui avec nos là erent^
Se tindrent miex à ma partie ;
Mes la chose est si bien partie
Que chascun aura sa droiture.
Puis gardomes en quel mesure
Et qant en sera la loi. dite
8900 Que Isengrin claint Renart qùite.
G'iert diemençhe par matin
Devant Roonel le mastin ;
Là manderé Renart qu'il viengne
Et qu'en tel guise se contiengne
Qu'il face sa pès de par Dé
Si con nos l'avons devisé.
Li Lions réspont en riant ,
Jà par les sainz de Belléant
Ne fusse si liez por mil livres
8910 Con de ce que j'en sui délivres:
33a ROMAN
Or ne m'en voil plus entremetre ,
Aînz lor donré jor de plaît mètre;
Tuit i seront li compaingnon
Devant Roonel le gaingnon ,
Li chien Frobert de la fontaine
Après la messe diemenche.
Renart se veit adès repondre ^
Mes je le feré asemondre ,
Grinbert le Tesson i ira
8920 Et de vostre part li dira
Que après la porcession
Li face satisfacion ,
Ne jà riens il n'en contredie
De qanque Roonel li die.
A cest mot se sont tuit téu ,
Et foible et fort , jone et chanu ;
A son ostel s'en va chascun ,
Brichemer et Baucens et Brun ,
Et d'autres une grant partie.
8930 Et qant la Cort fu départie,
Grimbert va son mesage fere.
Droit à Malpertuis son repère
Trove Renart et si li conte
Conment li Baron et li Conte
L'ont ajorné del plet à fere,
Si en sera Roonel maire ,
Gart qu'il i soit , li Rois li mande.
Renart dist que miex ne demande ,
DU RENART. 333
Très bien i ert et bien fera
8940 Qanque la Gort esgardera.
Grimbert s'en va, Renart remaint,
Or li covient qu'il se demaint
Plus sagement que il ne seult ,
Mes moult est fox et moult s'orgeult ,
Ne se porquiert ne ne porchace ,
Ne li chaut gueres qui le hace,
Gon puet, si praigne ses aferes.
Mes Ysengrin ses averseres
N'a pas la chose en tel despit,
8960 C'au tierz jors devant son respit
Vint droit à Roonel devant
Qui se déduit en abaiant ,
Et gist el paillier à grant aise
Sor le fumier delez la haise.
Ysengrin le voit, si l'eschive,
Mes il le rapele par trive ,
Si li a dit moult simplement ,
Je vos dirai tôt erraument,
Gonseils sui venuz à vos querre ,
8960 Moi et Renart si avons guerre ,
Gar il a moult vers moi mespris.
Je m'en clamai , jor en est pris •
Après la messe diemenche ,
Gi outre n'a ne tor ne ganche ,
Renart i ert par tel devise
Que vos ferez dou plet justise ;
3"^', ROMAN
Et l'en m'a dit del jugement
Que Renart par un serement
Se doit envers moi escondire
Hij'jo De qanque je li sauré dire.
Or vos proi-ge con mon ami
Que vos soiez dou plel ami
Tant que nos l'aions confondu :
Tôt ai clamé et respondu ,
N'i a mes autre chose à fere
Que porchacier le saintuere ,
Mes de ce sui moult esgarez.
Par foi , fet-il , assez aurez
En ceste vile sains et saintes ,
HijSo Jà mar en ferez tiex conpiaintes :
Très bien en serez conseilliez ,
Car je serai apareilliez
Fors de la vile en un fossé.
Vos me tendrez por enossé,
Direz que je sui mehaingniez ,
Je me gerrai denz rechingniez ,
Le col ploie, la langue traite.
Là soit vostre asemblée faite ,
Renart i ert et vos li dites
8090 Qu'il sera bien envers vos quites
S'il puet jurer desor ma dent
Qu'il n'a mespris envers Hersent.
S'il tant s'aproche de mon groing
Que jel' puisse tenir au poing,
DU RENART. 335
Bien porra dire ainz qu'il m'estorde ,
Que ne vit mes saint qui si morde ,
Et s'il de ce se velt re traire ,
Qu'il ne parviengne au saintuaire ,
Ne puet aler là où bien ait,
9000 Que je auré mis en agait
Bien plus de quarante gaingnons
De toz nos meillors conpaingnons ,
Des plus igniax , des plus aidables ,
Dont iert Renart plus que déables
Se par reliques ou par chiens
Ne puet chaoir en nos liens :
Diex vos saut, pensez del bien fere.
Ysengrin se met el repère
En la forest en une lande :
goio Moult se porquiert et molt demande
Là où a nul de ses aînis.
N'i a nul mesage tramis ,
Mes il méismes les va querre
A plain et à bois et à terre ;
Ne remest ne chanuz ne chauz.
Dont Brichemer li senechauz
I est venuz la teste droite ,
Et Dant Bruns li Ors s'i esploite ;
Baucens le Senglers vint à Cort ,
9020 Musarz li Chamez i acort.
Li Lions mande li Liepart
Que il viengne de seue part :
336 ROMAN
La Tigre i vint et la Pantere,
Et Cointeriaus li enchanterre ,
Uns Singes qui Ai nez d'Espaingne
S'est ajustez à la compaingne.
Tant fet li Leus qu'il les assemble ;
Qant il sont parvenuz ensemble
Moult les a semont et proiez.
9o3o Biaus Seignor, fet-il, or oiez,
A mon plet vos ai amenez ,
Or vos pri que le maintenez
Puis que ci estes aune
Et li estrange et li privé.
Et tuit cil de son parenté
Li ont plevi et créante
Que jà ne seront recréant
Devant qu'il ait tôt son créant.
Bien les a toz desouz ses mains ,
9040 Mes Renart nen a gaires mains,
Einsi a sa gent atornée
Et trestouz ceus de sa mesniée
Qanque pot avoir par prière
Sont aûné à sa baniere.
Cel jor porta le confanon
Li putoiz qui Foinez ot non ,
Et Tybert li Chaz est avec
Qui Benart het, mes ne por ec
S'en fet-il ce que à lui monte. '
(i) Jl, Moult en i ot de par Renart
DU RENART. 337
9o5o Grimbert qui ot fet ]a semonce
N'en ose Renart escondire ,
Ne jà por riens qu'en sache dire
Ne li faudra jà , c'est del mains ,
Car il est ses cosins germains ;
Nis Rouselez li Escureus
Qui n'estoit mie pereceus,
N'i va pas corant, mes i trote :
Et Dame Gente la Marmote ,
Gorte la Taupe et Danz Pelez
go6o Li Raz qui bien fu apelez;
Dant Galopins i vint li Lièvres ,
La Lurtre , la Martre et li Bievres ,
Li Heriçons et la Mostele ,
Et li Formiz pas ne s'i celé
Que il n'i viengne fièrement,
Que il vodra hardiement
Renart aidier à cest besoing ;
Mes li Gonnins n'en éust soing
De son venir, car moult s'eschive,
9070 Mes Dant Renart en a pris trive.
A l'asembler ot moult grant presse ,
Renart ne fine ne ne cesse ,
Qui tuit se tienent de sa part.
Mesure Grinberz en fa uns,
C'onqaes ne pot amer Dan Brans ;
Cosins estoit Renart germeins.
Cil ne li pot faillir au meins ,
Ne Rosselet U escurens, etc.
I. ^2
33» ROMAN
Ne cU c|ui avec lui alereut ,
Jusqu'à la vile n'aresterent
Où 11 plez doit estre tenuz :
Dant Yseugrin i est venuz,
Il et Renart ont départies
Lor compaingnes éh deus parties.
Sire Ysengrin fu en la plaingne
()n8o Et Renart fu en la montaingne.
Dant Rooniax qui Renart gaite
Le col ploie, la langue traite.
Contrefait si la morte beste
Qu il ne remuet ne pie ne teste.
Sor le fossé s'est arestez ,
Toz est li agaiz aprestez
En un vergier delez la soi
De ceux qu'il ot menez o soi ,
Bien qu'entre lisses et gaingnons
9090 Plus de cent de ses conpaingnons ,
Prisiez et esléuz par non ,
Qui ne béent se Renart non.
Bricbemer fu cbief de la rote ,
A lui s'encline la Gort tote ,
Car par conmun asentement
Fu enparliers du parlement.
Tôt pr^erains s'en est levez ,
Renart , fait-il , vos qui devez
A Ysengrin faire escondit
9100 Einsi con li baron l'ont dit,
DU RENART. SSg
Àprochez-vos du sereittent ,
Si le ferez delivrement.
Nos savons bien se lui pléu^t
Q'assez croire vos en déus^t
Sanz le jUrer ; mes nequedent
Vos jurerez desus la dent
Saint Hdonel le reohingnié
Que Yséngrin n'avez boisié'^
N'a vostre conmere jeu ,
9110 Ne par vos tel hantage eu
N'en tel manière deeéu ,
A tort vos en a mescréu.
A cest mot sait Renart en place ,
Moult s'apareille et se rebrace^
Et moult s'atarne vistement
Con de fere lé serement.
Toz jors sot moult Renart dé jguenche ,
Ainz n'en sot tant Biche soz branche :
Bien aparçut qu'il ert gaitieî
9120 Et que Rooniax ert haitiez
Au flanc qu'il débat et demainé
Qant il soufle et reprent s'alaine :
Amer se tret qu'il le resoitigiie.
Qant Brichemer voit qu'il s'esloingne ,
Renart^ fait-il, que ce prttèt estre?
Mètre Vos covieilt la main deëtre
Sor la dent RoQiiel tôt droit!; '
Fêtes tant que vos aiez droit '
34o BOMilN
Et fêtes vostre serement
9]3o Devant nos toz apertement.
Renart respont, Dant Brichemer,
Vos me soliez moult amer;
Miex vodroie gésir en l'aire
Que nel' fiance au saintuaire.
Je voil Rooniax ait son droit,
Dont ne di-ge reson et droit;
Oïl, vos dites bien c'apert,
Vos savez bien que Dant Frobert ,
Uns riches bons c'on dit Desnoes
^ 1 40 Bien a sept mois norri trois oes.
Ce dist Renart , vos dites voir ,
Je les cuit bien encui avoir ,
Nus ne puet fere serement.
Ne bone offrande loiaument
S'il n'a avant un poi mengié ,
Il en a le cuer plus haitié :
Grimbert respont, ia, ia.
Lors dist Renai^t , encore y a
Plus riche oflfrende en un lardier
9i5o Se Dant Bruns m'en voloit aidier,
Et Dant Tybert fust d'autre part,
Je lor feroie bone part,
Si a bon miel novel requit ,
J'en mengeré encui, ce cuit.
Qant Bruns 01 del miel parler ,
Lors dist qu'il y voloit aler
DU RENART. 34i
Entre lui et Tybert li chat ,
Mes. je cuit bien que chier l'achat,
Qar Renart pense en son coragé*
9160 Que chascun i laira son gage.
Dist Brichemers, Dan t Brun, Tybert,
Irez- vos donc chiés Dant Frobért?
Oïl, sire, se Diex me voie
Avec Renàrt en ceste voie; ^
Dist Bruns li Ors, or del aler,
Qu'il nos en covient tost r aler.
Âtant se metent à grant cors
Renart , Tybert et Bruns li Ors ,
Lors a dit, seignor conpaingnon ,
9170 Gardez qu'ensemble nos tenon.
Car vilain sont moult deputaîre ,
Et je le voi là batre en l'aire.
Je sai moult bien trestot cest estre ,
Or regardez ceste fenestre ,
Par ci en ert nostre sentiers.
Or del aler moult volentiers ,
Ce dist Danz Bruns, qu'il ne demande
Que de mengier de la viande.
Tantost s'en vont tuit troi à destre
9180 Tant qu'il vindrent à la fenestre,
Overte estoit pour essorer.
Tybert et Bruns sanz demorer
Saillirent enz isnelement,
Et Dant Renart tôt ensement
^t^^ ROMAN
Por tnieK honir ses conpaingnons.
Or dou mengier ne nos faingnons,
Ce dist Renapt qui les foloie ;
Et Bruns menjue et si goloie:
Que que Renart lechoit defors ,
9190 Tybert et Brun mordent grant mors.
Or pense Renart qu il ira
Là fors, si les conciliera:
Tybert, Dant Bruns, or del mengier.
J'ai grant péor de vos gagier,
Trestoz li cuers el cors me tremble.
A icest mot tantost s'en emble
Renart li rous fors de laienz,
Qui moult par est liez et joianz,
Par la fenestre que il clôt,
9 '2 oc» Tybert et Bruns laienz enclôt.
Renart crie , Dant Brun , Tybert ,
Anuit aurez moult bon Herbert :
Mengiez souef à grant loisir,
Car vos n'en porrez pas issir
Tresque vos aiez lessié gage
Seignor Frobert de son domage.
Brun oï bien qu'il ert traîz ,
Renart s'en va au plaiséiz,
N'a voit que fere de lonc conte,
<)2io Qar péor a qu'il n'i ait honte.
Qant Bruns se voit enclos laienz ,
Del eschaper est-il noienz;
DU RENA.RT. 3/,3
Àhi! fait-iiy Renart, Renart,
Encor pendrez à une hart , ^
Se de ceste puis eschaper
Je vos cuit tant batre et fraper.
Ha! Diex, ce dist Tybert li Ghaz,
Coq nos a mort cil ort rachaz ,
Cil rous puans , cil bapeterres !
9220 Séu sera par toutes terres.
Es-vos poingnant sire Frobert
Et Dant Costant et Dant Robert,
Dant Brun oïrent gramenter.
Lez la paroi vont escouter ,
Qant il oent que c'est Dant Bruns ,
Par les denzJbieu, ce dist li uns,
C'est Bruns li Ors , li Ghaz Tybert ,
Ne li aura mestier haubert,
Qu'autre foiz m'ont-il fet domage.
9280 Par poi que li vilains n'enrage,
Il apele toz ses voisins
Et ses parenz et ses amis.
Oi* ça , baron, or ça, à l'ors!
Et li viUin viengnent le cors ,
Qu'il portent flael et maçue,
Grant merveille est s'on ne le tue.
Tigarz i vint , Brisefouace ,
Et le filz Robert de la Place,
Et Hondeberz , Bruisebrachie
9240 Néis SA famé a-il huchie :
344 ROMAN
A son col porte une grant bole.
Mar vit Dant Bruns le miel de Torle
Tuit le menacent d'escorchier.
Nis le filz Caillot le vachier
Jure du cuir fera réonges
A Dant Frobert qui est ses oncles.
Vint tost à Tuis, s'entre dedenz,
Et Brun li Ors jeté les denz
Qui le volt saisir au poing destre.
9260 Icil le fiert devers senéstre,
Hondeberz le fiert de sa boule ,
De lui joue con d'une soûle.
Tant il bâtent et os et pel
Que plus fu mol dlun viez drapei.
Tybert les garde, si les voit,
Par un petit qu'il ne desvoit ;
Tel péor a et si grant duel
Boutez s'en est en un bouel.
Nus ne remest dedenz la vile
9260 Fors seulement Dame Poufile,
Que tuit ne soient à l'Ors batre ,
Çà dis, çà sept, çà troi, çà qatre,
Trestuit batoient Dant Brun l'Ors ,
Et Renart escoutoit defors ,
Et si se pense en son corage
Cor puet-il bien fere domage
Sire Goubert d'une crasse oe ,
James n'en metra en sa moe.
DU RENART. 345
Qae que vilain Brun TOrs batoient
9iiiyo Et à son damage entendoient,
Et le fièrent de renc en renc ,
Et Renart s'en va droit esrant y
Une ce saisi par le col,
Et les autres ont fet lor vol
Par desus la meson Poufile.
Lors crie en haut , ça, bêle fille ,
Renart le rous enporte l'oie,
Sire Goubert n'en aura joie.
Maintenant celés escrierent,
giSo Et li vilain qui laienz erent ,
Saillirent fors isnelement,
Fors que qatre tant solement.
Après Renart crient et huent
Et tant le chacent con il puéent :
Et cil qui Brun ont en prison ,
Virent Tybert par la meson.
Li uns regarde un poi en haut ,
Si vit Tybert , lors crie en haut ,
Or çà, compains, je voi Tybert
9290 Qui a mengié le miel Frobert ;
La qeue en pert par de defors ,
En cel booit en est li cors ,
Par là qeue le sache et tire.
Or est Tybert entrant martire,
Si sont tuit troi li conpaingnon
Ghacié de maint vilain garçon;
^4^' ROMAN
Renart chacent et Brun bâtirent ,
Tybcrt de lor piex cinvanterent.
Que qu'il entendent à Tybert ,
9^00 Et Brun saut sus par l'uts overt ,
Maugré trestoz ses anemis
Se mist li Ors el plaiséis.
Moult se gramente , moult se deut,
Encor tendra Renart s'il puet
Qui tôt ce li a porchacié.
Et li vilain l'ont moult chacié,
Tybert meinent en grant viltance ,
Fere li font sa penitance
Del bacon que mengié avoit.
93 10 Un grant pertuis laiens avoit,
Tybert le voit , mouh est joianz ,
Il i monta lor eulz voianz,
Si s'en refuit et il le chacent,
Moult sont dolent , moult le menacent ,
N'est pas remez li chacéis
Qu'il sont tui troi el plaiséis.
Brun s'en fuit tote une charierc ,
Et Tybert le suit par derrière,
Si li a dit, sire compains,
<)'^2o Moult par est granz nostre mehains:
Ce m'a fait Renart , biau conpere ,
Honiz soie se nel' conpere !
Aussi me r'a-il fet tant batre
En deus, en quint, en troi, en qatre,
V
DU RENART. 34?
Que je ai ma qeue perdue
£t ma teste toute fendue ;
Se Renart ainssi s'en estort
Miex en vodroie avoir la mort.
Tybert s'en fuit et Brun qu'en chace ,
93 3o Enoor n'est pas remez la chaoe;
Moult le menacent li vilain ,
Et Bàudrinez le fik Gilain
Dient entr'eus ne fineront
Tant que il trové les auront;
Et Brun ne dit pas , cul , sieu moi ,
Mes se tu puez pense de toi.
Il s'adrece par une voie ,
Au chast^l Renart tint sa. voie.
Renart ne doute home ne famé,
g34o Cil sont devant la barbacane,
11 sont en haut et cil en bas,
Renart lor a gité deus gas :
Dant Brun, de Dieu soiez saingniez,
EsteS'^'Vos de vain€ saingniez ?
Vostre bras vos est escrevez,
. Je cuit trop tost coru avez^ •
Et vos, Tybert , oîi est la qeue ?'
Aie estes en maie veue :
Por le cuer bien q'avez- vos fet ?
9350 Qu'avez-vos Dant Goubert mesfet?
Nule chose que je ne «sache, »
Avez mengié ne buef ne vache ?
348 EOMAN
Lessié avez trop riche gage.
Qant Brun Toi, par poî n'enrage,
Renart, diftt Bruns, par ceste teste,
Har i clotislea la fenestre.
Renart respont, voir non fis onques ,
Ainçois chai; or dites donques
Que ne saillistes-vos ça fors
9360 Qant vos mengiez les granz mors ?
Dites Brichemer je li mant
Ne puis fere mon serenient,
Que cil vilain toz nos dechacent ,
Je oi de ci qu'il nos menacent.
Alez-vos ent , Brun biau doz sire ,
Vos avez bien mestier de mire,
Gardez ne soit plus respitié,
Je ai de vos moult grant pitié.
Bruns ot Renart, ne set que dire,
9^70 Par poi que il n'esrage d'ire.
Que que Renart et Brun parloient ,
Et li vilain le bois coupoient
Por fere basions et roaçues,
Brun regarde devers les rues
Et voit l'ariere-ban venir.
Moult le menacent à tenir :
Tybert, dist Bruns, or del alcr,
Trop i porrions demorer.
Or s'en vont cil , Renart remaint ,
gSSo Si fais desrois a-il fait maint;
DU R£NART. 349
Cil s'eûfuient trusques à l'ost ,
Et li vilain retornent tost.
Qant Brichemér vit l'Ors saingnier,
Si se coamença à saingnièr,
Et il n'aporte nule oreille,
Trestote la Cort s'en merveille,
Et Tybert qui n'a point de qeue,
Or va la terre maie veue.
Que que Bruns fesoit ses conplains,
9390 Atant es-vos parmi les plains
Sire Gonberz toz plains de rage,
Ses poinz detort , ses cheveus sache ,
Et plus d'un cent du parenté
Qui tuit ont dit et créante
Que jamès jor ne filneront
Devant que Brun trové auront ,
Et Dant Tybert et Dant Renart
Menacent que pendront à bart.
A ces paroles , à cest mot
g4oo Es-vos Gonbert plus que le trot
Et ses parenz et ses amis ,
Et Bruns s'est à la voie mis
Qui moult dote cop de vilain :
Tenu l'avoit le filz Gilain
Et Aymeris de la Ruele ,
Et Fremeris et Vide-escuele ,
Il et Tygiers Brise^fouace ,
Et Hondebert qui chiet sor glace ,
35o ROMAN
Qui Tybert ot batu la pel
9^10 Dont Renaît fa et bon et bel^
Por ce ensemble tuit s*en fuient ^
Et II vilain après les huient ,
Traient sajetes barbelées
Menuement et grânz et lées.
Li une chiet sor Brichemer,
Miex vosist estré dedenz mer ;
Li autre chiet sor Rûonel,
Et il saut sus tost et isnel :
Mort se fesoit por engingnier,
9^20 Reiiart le rous voloit mengier.
H se fesoit saint apeler.
Mes Renart le fera trembler
Et toz les autres trflitors
Maugré Tybert et Dant Brun l'Ors.
Li vilain cuident estrangler
Mon seignor Baucent li sengler :
Il le vont tuit tivironant ,
Les denz li brisent maintenant.
Lors le pendent lez une poise,
i^43o Moult lor anuie et moult lor poise ;
A Dant Grimbert r'ont entendu,
Moult Tont blechié et bien batu,
A grant paines est eschapez,
Mes nequedent moult fu frapez;
Mes Roonians ne l'en dut gaires
Qui du scremertt se fîst maires
DU RENART. 35i
Et Reaart voloit conchier,
Mes il s'en sot inoult bien gaitier
Con cil qui assez sot barat.
9440 A itant d'entr'ôus se départ
Et vient ariere au serement^
Bien velt tenir le covenant
Que li baron avoient fet.
Tôt droit au serement s'en yet
Gonme cil qui muer ne l'ose,
Sire , fetril , or voi tel chose
Espoir que vos ne véez mie ,
Si ai talent que je vos die,
Mes ne puet estre, or le lairons.
945o Dant Grimbers ses niés li Taissons
Aperçut bien la traïson ,
Si li a trait autre raison.
Sire^ car entendez à moi,
Je cuit que je bien vos dirai
Reson et droit au mien espoir,
Qar Renart ne doit mie avoir
Presse de toute celé gent,
Ne seroit mie bel ne gent
A tel baron n'a si vaillant
9460 Qu'en li voist sor le col saillant :
Fêtes vos barons esloingniai*
Tant que il se puist aproùchier
Au mains devers le saintuaire,
Tant que il puist l'escondist fere.
35a ROMAN
Dist Brichemer, ne m'en gardoie,
Je li feré vuîdier la voie
Tant qu*il puist venir et aler
Ses honunes a fiiit avaler
Et trere ariere plus c'ançois.
9470 Renart a fet le tor guichois
Qui n'a cure de séjomer:
Qant as reliques dut torner,
D'autre part a torné sa chiere ,
Foui s'en est H mal trichiere.
Renart s'en fuit teste levée
Par une viez voie chevée;
Si anemi si Tescrierent,
Et ii chien qui en aguet erent ,
Li saillent après et corurent ,
9480 ]à m'orrez dire qui il fiirent.
Primes i cort ainz que li autre ,
Lance levée sdr le fautre,
Roonel le chien Dant Frobert
Et Espillarz le chien Robert ,
Le riche vilain dei plaissié,
Icil Tont premier enchaucié.
Après revint à grant esiés
Harpin et Morant et Bruiés,
Espinars et Hurte-vilain,
9490 Et Rechingnié le chien Gillain
Qui fil famé Erart le drapier.
Après se metent el sentier
DU RENART. 353
Afeitiex, Gorfax et Tiranz,
Roilliez , Loviax et Amiranz ;
Clemens i fti et Oliviers ,
Le chien Malbarré Deriviers ;
Après i cort Tornebrias
Et Herbeioz avec Prias,
Brisegauz , Frisanz et Voisiez ,
9^00 Liepart, Tisson et EscoiUiez;
Cortin i cort après KTgaut ,
Et Passe-levriers et Gringaut ,
Lohier et Passe-outre et Fillarz ,
Et Estormiz et Vacularz,
Le chien sire Conber Duchesne,*
C'est celui qui miex se desresne,
Et plus tost va et miex le trace.
Après se metent à la chace
Pilez, Ghapez et Alingniez,
9610 Pastor, Hector et Euginiez,
Escorchelande le barbez
Et Ivolez li max florez ,
Et Oisellez et Grésillons,
Estorniax et Esmerillons, '
Ghanuz et Morganz et Vergiez ,
Et Passe- avant et Ront ses giez;
Et après est venuz Bolez,
Porchaz et Poingnant et Malez,
' Al, Tibert del freme.
^ Al. Esclarîax esmerillons.
I. 23
356 KOMAN
Cil s'euruieut, Renaît eschapc,
Dès or gart bien chascun sa chape.
Renart est en sa forteresse ^
Ne lor fera huimès destrece ;
De fine mort liet Ysengrin ,
g^iHu Lui et Roonel le mastin
Qui parlèrent la tralson
Par quoi Renart fu en prison :
Fet li ot boire grant peur.
Mes or est auques asséur ;
Nés a niès cure d'esmaier,
Par defors les lesse abaier.
Ysengrin maine moult grant duel ,
Car retenu l'éiist son voil ;
Mes il voit qu'il est eschapez,
ij5()o Crient jamès ne soit atrapez
En lieu où il en ait droiture ,
Moult amast s'ame s'aventure.
El bois ariere en sus ala,
Totes les bestes apela ;
Dant Roonel et vos Dant Bruns,
Dant Saucent, vos estes li uns
De cens où li Rois miex se croit ,
Or avez bien oï le droit
Et la mesdite de Renart,
9600 Plus est lerres de Meviart.
Or voit-on bien que tort avoit,
Et de vérité le savoit ,
DU RENART. 355
Ysengrin \a les chiens huiant,
Et se Renart s'en va fîiiant,
Jà n'i doit-I'en nul mal noter,
955o Que besoing fet vielle troter.
A Toraille du bois menu
Li en sont qatre avant venu ,
Trenchanz, Briamouz et Falz:
Renart qui moult estoit haiz
Ot issi grant péor de mort ,
N'avoit en soi nul reconfort.
Toz jors est bien Renart chaii ,
Mes or li est si mal chaû,
Ne li orent mestier ses bordes,
9660 Que n'en volassent les palordes.
Tant ont Renart li chien tiré
Et desachié et depelé,
Qu'en bien plus de qatorze leus
Li est aparissant li gieus.
A la parfin l'ont tant mené ,
Tant traveillié et tant pené ,
Tant l'ont folé et debatu ,
Qu'à Malpertuis l'ont enbatu
Moult corouciez et moult dolenz.
gS/o Et Dant Renart ne fu pas lenz
De coroucier ses anemis ,
Et il se r'est en Mal-crués mis,
Moult li est or poi de menace ,
Qui le volt haïr si le hace.
358 ROMAN DU RENART.
Por ce qu il li fesoit grant tort j
Os por le cuer, os por la mort.
Retez me vos de traïson
Sire Grimbert? Sire, ge non,
Mes por Renart dont il me poise,
Alez à Cort , ne fêtes noise
Se rien i a de mesprison ,
Là vos en fera-il reson.
Dist Ysengrin, je m'i'acort ,
9640 Quel part que la parole tort ,
Ouen en mai ferai mon clain ,
A mon seignor que je moult aim
Me clamerai del traiteur
Et amenrai tesmoingnéeur
Qui tesmoingneront vraiement
Qu'il ne fist pas le serement.
N'en i ot nul qui plus dëist
Jusqu'au jor que la Cort asist.
FIN DU TOME PREMIER.
V
GLOSSAIRE
DES MOTS HORS D'USAGE.
A.
A ; avec.
Aaise : content , satisfait.
Aaisier : aider , secourir ;
s'aaisier , prendre ses
aises.
Aaisiez : qui a des faci-
lités y qui a ce qu'il dé-
sire.
Abaeresse , abaiaresse :
qui aboie, qui imite le
cri des chiens.
Abai : aboiement.
Abaier : aboyer.
ABEiiiR : plaire, être agréa-
ble.
Abet : ruse, finesse.
Abeter : duper, trom-
per.
Aboester , aboeter : aper-
cevoir , regarder , me-
surer des yeux; de bu-
tum en basse latinité.
Abrivé : hâté^ empressé,
prompt.
AçAiNDRE : environner; de
cingere,
AcENER : faire signe.
AcEsittER : orner , parer.
Achat : il achète.
AcHoisoN ; occasion , su-
jet.
AcHoisoNNE : soupçonné ,
accusé.
AcLiN : penché , incliné ,
couché.
AcLiNER ( s* ) : se pencher.
AcoARDER : devenir lâ-
che , trembler de peur.
AcoiNTE : ami, familier.
AcoiïTiER : approcher ,
aborder, se familiariser.
Agoiser : se reposer, de-
meurer tranquille , d'où
acoisiez , reposé , calmé.
AcoisoN : raison, motif.
AcoLER : embrasser.
AcoNséu : atteint; acon-
suiant, qui atteint , qui
rejoint.
AcoNTER : raconter, con-
ter.
AcoPLER , acoupler : join-
dre , approcher.
AcoRBER : courber, pen-
cher , ainsi qu'on le fait
lorsqu'on est long-temps
sur ses jambes pour at*
tendre.
36o AFA
AcoEDE : paix, accord,
convention.
AcoEENT : ils accourent.
AcoEEE : arracher le cœur,
les entrailles , donner
la mort.
AcosT : fréquentation ,
compagnie.
AcosTEz : appuyé.
AcouPEE : débaucher la
femme d*autrui ; accu-
ser.
AcouTBE ( s* ) : s'appuyer.
AcouTEEE : préparer, ar-
ranger.
AcovETEE : couvrir.
AcRéAUTEE : promettre.
AcEOT ( s* ) : il s'accroupit.
AcuEUDEB : associer; ac-
colligere,
AcuiSEE : aiguiser au fi-
guré ; acuere,
AcuiTKE : acquitter, payer.
AcupiE. Fojr, AcouPER.
Adehis : baissé.
Adentez, adenz .* ren-
versé, couché sui* le
ventre.
Adoisee : toucher, appro-
cher.
Adolé : triste , affligé.
Adrecié : dirigé , qui suit
un chemin.
Ai : âge, vie.
Aeinnent : saisissent, du
verbe aerdre,
Aerdre : s'attacher , pren-
dre , saisir ; d'où aerty
il saisit.
Afaitehent : manière ,
façon.
AIG
Afaiter , afaiiier : dispo-
ser, préparer, instruire;
d'où iîfaitié , instruit ,
spirituel.
Afeee (s') : son affaire.
Afeemk : affirmé , assuré.
Afichiee : assurer , affir-
mer ; s*afichier : s'élever,
se tenir ferme sur ses
étriers.
Afiee : jurer, fkire ser-
ment, promettre ; s'afiery
se fier , se confier.
Afiert : il convient, il
faut.
Afolee : rendre fou ; bles-
ser, estropier.
Afondee : couler à fond.
AoAiT : vedette , embûche,
embuscade.
Agaitiee , aguetier : épier.
Ageugiee : disposer, pré-
parer, accommoder.
Agrandoiee : agrandir.
Agu : aigu.
Aguet : ruse, finesse. Foy,
Agait.
Ahan : peine , travail ;
mais ici il paroit signi-
fier courage !
Aheng : ce mot paroit
être l'interjection ah !
Ahie ! au secours !
AiDABLE : capable d'aider.
Aïe : aide , secours ; d'où
aier, aider , secourir.
Diez aïe! avec l'aide de
Dieu.
AiGNEL : agneau.
Aigre : ardent , prompt,
du latin acer.
AMB
AiM : j'aime.
Aiirçois : avant , plutôt
Ainsi ( s' ) : si ainsi.
AiNz : au contraire , avant
plutôt , jamais ; eùnz
mes y jusqu'alors ; mnz
que y avant que.
AïR : colère , dépit , force,
violence.
Aire : place.
AïRER ( s' ) : se fâcher, se
mettre en colère ; d'où
aïrez, aïriezy cpii est
en colère.
Aise : commodité , conve-
nance.
Ait : qu'il aille. 7354.
AïsT , eut ( m' ) : m'assiste,
me secoure.
Ajornée :1e point du jour.
Alasghier : vider, des-
serrer.
Alegue : ce mot paroit
signifier compagnon, as-
socié y à'alligatus.
Alentir : retarder, ren-
dre une action plus
lente.
Aleter : se nourrir de
lait.
Al^éure : allure , pas.
Aloe : alouette.
Alumer : regarder fixe-
ment.
Ahain ( rime ) : amené ,
réduit.
Amander : améliorer, pro-
fiter , corriger.
Amati : lourd , fatigué.
AjiBEDUi : les deux, tous
deux.
ANU 36i
AMBLiéuRE : amble , allure
entre le pas et le trot.
Ame ( m' ) : mon âme.
Amender , faire répara-
tion. Foy. Amander.
Amendise : réparation.
Ame NT. Fbjr» Amender.
Amesuré : prudent.
Amissiez : vous aimeriez.
Amonester : animer, en«-
courager.
Amont : en haut.
Amor ( m* ) : mon amour ;
s*amor, son amour.
Amordre : amorcer , ha-
bituer, s'attacher.
Amort]^ : amorti, affoibli.
Anblant : qui va l'amble
Anbler, Foy. Embler.
Ançois. Foy, Ainçois.
Andeus, andui: les deux,
tous deux.
Ane , anez : cane , canard.
Anel : anus. i24S>
Angle : coin.
Angoisser : presser , ser-
rer de près, faire souffrir.
Angoisseus , angoissas :
triste , chagrin , qui a le
cœur serré.
Anlagier : enlacer, enga-
ger.
Anoiez : souffrant , impa-
tient.
Anor : honneur.
Anui : ennui, peiné, impa-
tience.
Anuier : ennuyer, nuire ,
faire de la peine.
Anbit : cette nuit , aujour-
d'hui.
36a ARA
Ahuitibr : le soîr, la nuit.
Ao&c& : adorer.
AovEaT : ouverU
ArAEçoiraE : apercevoir.
Apamee : aller.
Apehsbe ( s' ) : réfléchir ,
méditer*
Apcnt : qui appartient ,
qui tient à quelque chose.
Apeet : ouvert , franc ,
agile, évident ; en apert,
ouvertement , franche-
ment.
Apesaet : un poids, une
charge incommode.
Aplawiee , aplanoier
aplanir , polir, rendre
doux au toucher.
Aploiee : appliquer.
Apoiee : appuyer.
ApoiifGNAiiT : piquant des
éperons.
Aport: j*aporte.
Apostole : le pape.
Aprimee : approcher.
Apeiver : apprivoiser.
AQBn&E : il attaque , il
fait violence.
Aqeudrez : vous acquer-
rez,
Aqeut à mengier : il com-
mence à manger.
Aquatuet : il appuie , il
^ repose.
Ara : il aura.
Araisonner : parler, con-
verser , entretenir.
Aramir : promettre avec
serment , s'engager à
une preuve par le com-
bat judiciaire.
ASE
Ar BROIE : forêt, taillis.
Arbeoissel : arbrisseau.
Archir : portée d*arc ,
Tespace que parcourt
une flèche lancée avec
un arc.
Aroer , ardoier, ardre :
brûler, briller.
Arée : terre labourée ,
sillon.
Arer : labourer.
Aresmier. f^ojr. Araisoic-
NEE.
Aeest^u : arrêté ; s'ares-
iut,i\ s'arrêta.
Arez : vous aurez ; an'ez ,
vous auriez, aro/e, j'au-
rois.
Aeez terre labourée.
a6o2.
Aroutee : s'acheminer ,
faire route , accompa-
gner.
Aet. 420. io55. 499^*
7296. 11 brûle ; mais aux
vers 107. 656. 1268,
etc. , habileté , finesse ,
subtilité , artifice ; sa^
voir d*ar£ , être fin , rusé .
Arz : brûlé , arsus.
Arzillièrre : argile, boue.
As : aux, avec.
AsAuoRoiiT : ils attaque-
ront ; asausites , vous
attaquâtes , du verbe
Assaillir.
AsAUVAGiR : devenir san-
vage.
Asemondre : avertir, ajour-
ner.
AsKNER : atteindre.
ATO
AsENTEMENT : Consente-
ment 9 accord.
AsENTiB. : consentir, ac-
quiescer.
AsERiER : le soir.
AsEUR : qui est en sûreté y
sans crainte y assuré.
AsiÊURER (s') : être tran-
quille , sans crainte.
AsoLEiLLiER .' rcssuycr ,
sécher au soleil.
Asorber : engloutir, anéan-
tir.
ASORILLIER. P^Ojr. Aso-
LEiLLiER.
AsoTER : tromper , rendre
sot.
AsouAGié : soulagé.
AssAUDRÉ : j'attaquerai.
AsséuR. Foy, AsEUR.
AsTELB : copeau, éclat de
bois.
Atalenter : faire plaisir ,
avoir pour agréable.
Ataut : alors , en ce mo-
ment.
Atarger : retarder , dif-
férer.
Atendabtge : attente , es-
poir.
Atenir : abstenir.
Aticer : exciter.
ATiRiER^mal) rmaltraiter.
Atoitre : ce mot expliqué
dans le Glossaire de la
langue romane par le
joug qu'on met aux
bœufs, paroît signifier ici
les bestiaux euxomémes.
Ator : préparatif , dispo-
sition , appareil.
AV I 363
Atorner : équiper, arran-
ger ; disposer ; atort ,
dispose.
Aube crevée : le jour.
AuGupHE : ce mot paroit
signifier un traité de la
chasse aux oiseaux ; du
latin aucupari.
Auge (s'en) : qu'il s'en aille.
AuMAiL : bêtes à corne ,
bœufs , vaches , etc.
AuMoiRE : armoire.
Kvvi : réuni, rassemblé.
AuQUEs : aussi, alors,
également , à présent.
Aus : eux.
AuT : qu'il aille.
Autel : pareillement.
Autre SI : de même , ainsi.
AuTRiER : avant-hier , l'au-
tre jour.
Aval : en bas, en descen-
dant.
Avaler : descendre ; à
l'avaler, en descendant.
AvAWT ( se Diex t' ) : si
Dieu te protège.
Avenant : convenable , à
propos.
AvENDRA : il arrivera ;
avenist , il arrivoit.
Avéra : il aura ; avérez ,
vous aurez , averoit ,
il auroit.
Avers : avare.
AvERSiER : ennemi , ad-
versaire.
AviRONNER ; entourer ,
environner.
Aviser : apercevoir.
AvisoN : songe, vision.
364 BAR
Avoi : hélas ! ha ! excla-
mation.
A VOIE & : conduire , mettre
dans le chemin ; se Diex
t'avoit , si Dieu te con-
duit; 3ia6. ^719.
Avoia : biens, richesse».
AvoLca : voler , envoler.
BIA
AvoLTRB, avostre , ai Qu'-
ire : bâtard.
AvoMES : nous avons.
AvouTBEE : adultère.
Aveu THE a : commettre un
adultère; mais au vers
6781 , il signifie y appe-
ler bâtard.
B.
Bacon : lard , cochon salé.
Baillie : puissance , pos-
session , juridiction.
Bailliee : saisir, prendre,
se rendre maître ; don-
ner ; gouverner, traiter.
Balcane : sarbacane.
Balee : s'agiter, remuer.
Baleveb : la mâchoire in-
férieure.
Ban : proclamation , or-
donnance, édit.
Ban ASTRE : banne, toile
ou couverture qu*on
met sur les voitures pour
les garantir de la pluie
et du soleil.
Baoit : il ouvroit , de baer,
ouvrir.
Bar AT, barate : ruse, trom-
perie , fraude , perfi-
die.
Barater , baréter : trom-
per, frauder.
Baratere, baretere : trom-
peur.
Barbagane : défense exté-
rieure d'une ville , d'un
château.
Bargaicne : cérémonie,
façon.
Baron : homme en général,
mari , homme titré.
Baronie : assemblée de
barons.
Batestal : ce mot, dont je ne
trouve point l'étymolo-
gie , paroit signifier ici
résultat.
Baudor : joie , plaisir.
Baut , bauz : gai , joyeux.
BÉANCE : espérance, désir,
attente.
Bechier : béqueter.
BiÊER : aspirer, désirer,
"^tendre; mais aux vers
7i5i, 8o3i, ouvrir.
Bel et gent : gracieu-
sement.
Belleant : Bethléem.
Benéie : qu'il bénisse.
Ber : homme , seigneur.
Besoingneus : qui est dans
le besoin , dans l'indi-
gence.
Besongne : besoin , af-
faire.
Biau m'en soit : que cela
BOU
me soit agréable, que
cela me plaise.
Bien de moi : en bonne
intelligence avec moi.
BiEYRE : castor.
Bise : noirâtre.
Blandir : caresser 9 flatter.
Blez ( entre deus ) : entre
deux champs de bled.
BoiF : je bois.
Boise : bûche, gros bâ-
ton; mais il paroît si-
gnifier ici un seau, du
mot boissellas y dans la
basse latinité.
BoisiER : tromper.
BoisiEBRE, boissere, trom-
peur, fourbe.
Boisson : buisson.
BoLE : tromperie , astuce 5
mais au vers 9241, mas-
sue.
BoLUT : il bouillit.
Bon : plaisir, volonté.
BoNTAT :. bonté.
BooiT : lieu retiré , en-
foncement , cachette ;
de bodium.
Borde : tromperie, men-
songe.
BoRNiR : fixer, détermi-
ner.
BoRSE : bourse.
Bos : bois , forêt.
BoTER , bouter : pousser ,
mettre, presser-
BoTON : bouton.
BouEL : boyaux, 6607;
mais, 9^58. f?>j. Booit.
Boule : tromperie; mais
au vers 92? i , massue.
BUS
365
Bouler : tromper.
BouTEGULANT : qui cher-
che en poussant , en
retournant ce qui est
devant lui.
BoviER : bouvier*
Bracer : machiner, s'intri-
guer.
Braghet : braque , chien
de chasse.
Bracie : brassée.
Braies : haut de chausses,
culottes.
Brait , bret : cri.
Braon. Fqy. Broion.
Brere : crier, pleurer.
Breton {^chien) : il paroit
que les chiens de cette
province étoient renom-
més pour la vitesse de
leur course.
Briche : brigue , cabale,
piège.
Broge , ^roc^e : petit bois,
bruyères.
Broion : piège pour pren-
dre les bétes puantes.
Bruire : faire du bruit ,
résonner.
Brungher : se laisser trom-
per , faire une école.
Brune : sombre, orgueil-
leuse , fière.
Buis : bœuf.
BuissET : petit bâton ou
morceau de bois qui
entre dans la formation
du piège appelé broion»
BuscHETER : abattre du
bois, couper des bran-
ches.
366
CHA
CHA
C-
r.A : ici, donc.
Cae : cher; canis,
Ca&doitax : cardinal.
Caeenon : carillon , peut-
être.
Caeieeb : chemin.
Cay^e : creusée.
Ckl : cet , celui.
Celée : déguisement , ca-
chette.
Celer : cacher.
Cehbel : joute , combat.
Cbfel : entrave , fers ;
paroit être mis ici pour
piège.
Cbrcribe : chercher.
Ce ET : assuré.
Cbetbs (par) : assuré-
ment.
Craaimgmon : le cou.
Chacéis : chasse , pour-
suite.
Chacéoe : chasseur et
cheyal de chasse.
Chàel : petit chien.
Chaillb ( ne li ) peu lui
importe , du verbe cha-
loir,
Chainse : chemise , jupe ,
voile.
Chaïe : tomber.
Chaitis : malheureux , in-
fortuné.
Chameus, chamez : cha-
meau.
Champaikgne : campagne.
CuANPARTiR ; lever le droit
de champart; mais ici il
paroit être mis pour to->
1er 9 enlever.
Chautéoe : chanteur.
Chahtissoiz : vous chan-r
teriez.
Chahu : qui a les cheveux
blancs , vieillard.
Chaoir : tomber; chaoit ,
tombe,
Chaon : le cou.
Chape : robe ou manteau
qui avoit un chaperon
pour couvrir la tête.
Char : chair, viande.
Charibre : route, chemin.
Chaeval : la partie char-
nue.
Charpekt : est mis ici
pour le corps.
Char R A : il tombera; c^r-
rasy tu tomberas.
Charrokt : ils tomberont.
Charretil : charrette.
Charreton : charretier.
Chartrk : prison.
Chastbl : biens, fortune.
Chastoier : corriger.
CuAii : tombé.
Chauz : chauve.
Chaucher : cocher, action
du coq qui couvre la
poule.
Chausist (ne me) : peu
m'importeroit; cui chaut,
qui cela regarde-t-il ? du
verbe chaloir.
CHO
Chayole : cbevelur€ ; ca-
pillatio,
Chaz : souliers ; caicei.
Chéoite : chute.
Chepel. Foy. Cepel.
Cherra : il tombera.
Cheu : tombé ; cheuee ,
rompue.
Cheyeçaille couvre-
chef, chevelure.
Cheveler : arracher les
cheveux.
C HE VER : creuser; chevée ,
creusée.
Chevesce : chaperon , col-
let d'habit, tête d'une
robe.
Chevestre : licol , le haut
de la bride.
Chief : extrémité, issue,
fin, commencement; el
chief; à l'extrémité ; de
chief en chief, d'un bout
à l'autre; à bon chief
trere, venir à chief, ter-
miner , venir à bout ; ne
set à quel chief trere , il
ne sait par quel bout
commencer, quel parti
prendre.
Ghienaille : meute de
chiens.
Chiere : visage , mine , ac-
cueil , réception ; à bêle
chiere, avec plaisir ;yàz>e
lede chiere^ faire mau-
vaise mine.
Chiés : extrémité , bout.
Choisir : apercevoir, dé-
couvrir.
Chol , chos : chou.
COL 367
Choser : blâmer, gronder,
quereller.
CiEx : le ciel.
Cil et cil : les uns et les
autres.
CioH : jet d'arbre ; mais il
est mis ici au figuré , et
signifie progéniture.
CisEL : ciseaux.
CiST : celui-là, ces, ceux-là.
Claim , clmns : plainte ;
mais au vers 2575 , je
demande , du verbe
Clamer : nommer, décla-
rer, accuser, se plain-
dre ; claint, il déclare.
Clamor : propos, plainte.
Clers : savant , instruit;
Cliner : cligner; baisser.
Cloie : claie.
Closistes : vous fermâtes
Clost ( saint ) : Saint-
Cloud.
Clous : clos , parc , en-
ceinte.
CoARDiE : crainte , lâcheté.
Cochet : petit coq.
CoDRE : le coudrier, ar-
brisseau.
Coi : quoi.
CoiEMENT : doucement ,
sans bruit.
CoiNGNiE : cognée.
CoiNTE : gentil , aimable ,
mignon; prudent, rusé,
bien instruit.
CoiTiER : presser, exciter,
aiguillonner.
Coiz : paisible, tranquille.
CoLEE : coup.
CoLER : couler.
368 CON
CoLoiEE : tourner la tête
de tous c6tés pour exa-
miner ; de colium,
CoMMUHEL commun ,
commune.
CovpAiircNB : compagnie.
CoMPAmCE, comparer : a-
cheter , payer.
CovpEM ACE : dariole , es-
pèce de pAtisserie.
CoMPissEE : pisser dessus.
CoN : conune.
CoHBEBE : empoigner, sai-
sir avec force.
CoNCHiBE : tromper 9 mo->
quer, mépriser.
Conduit : route , chemin.
Coif r ANON : drapeau, éten-
dard.
Cour on DU : abattu.
CoNiif : lapin.
Co!fJOÎE : se réjouir avec
quelqu'un , le féliciter.
CoiTMAHDAcioH : rccom-
maudation , prière.
Cohmant : ordre, comman-
dement ; mais au vers
401a , je recommande.
CoNMEiiçAtLLE : Commen-
cement.
CONMUXEL. F. COMMUNEL.
CoNNoiSTEK : confesser ,
avouer.
CoiiPAiH : compagnon, ca-
marade.
CoifPAS : justesse, ordre,
proportion.
CoNPLAiNS : plaintes, do-
léances.
CoifQUEEEE , conquester :
i;a«:^ner , profiter.
COO
CoHE^EE : bien traiter, ar-
ranger.
CoHEOi : soin y arrange-
ment.
CowsEULS, conseils: conseil.
CoNsiÉVEBE : atteindre,
poursuivre; consievra :
atteindra ; consieut : at-
teint ; consul : atteignit ;
consuivré: atteindrai. Ce
mot, au vers 88, parolt
signifier se priver, s'é-
loigner.
CoNsiTOE : conseil , assem-
blée.
CoKTEifçoK, content : dé-
bat, querelle, différend.
CoNTEEE : conteur, faiseur
de contes.
CoHTEAiEB, contrere :mal-
beur , peine , cbagrin ,
adversité.
CoNTEALiEE : Contrarier,
contester.
CoNTEE-MOHT : eiî remon-
tant , en haut.
CowTEET , contrez : mal-
fait , estropié , difforme.
Contée-val : en descen-
dant, en bas.
CoHTEOUVEE invcutcr
une fausseté.
CoNTEOVE : fable, inven-
tion , mensonge.
CoifvEES : firère lai.
C0HVEE8EE : habiter, de-
meurer.
CoNvoiTos : qui convoite,
qui désire.
CooRGE : sangle, fouet de
charretier. '
cos
Gop : coup.
CoRAGE : esprit, volonté,
pensée, cœur.
CoRENT : ils courent.
CoR^oR : coureur , cheval
de chasse.
CoRNi^E : corneille.
Cornu : qui a des pointes.
CoROGiER : courroucer.
CoRONE : couronne, ton-
sure , d'où coroné, ton-
suré,
CoRouços : courroucé, en
colère.
CoRPABLE, corpe : coupa-
ble.
CoRPE : coupe ; cuppa ,
8453 ; mais 8791 , faute ,
crime; culpa,
CoRRE : courir ; corre, qu'il
courre; et au vers i665,
course.
Corroie : lanière de cuir.
Au vers 6481, de lui n'a
nul corroies ointes, on
doit entendre que le re-
nard est trop fin pour se
laisser attraper.
CoRROz : courroux ; co-
lère.
Cors : le corps , corpus; le
\. cœur, cor; cors : course ,
cursus ; venir le cors ,
aller grand train.
CoRT : cour, curia,
CoRTiL : jardin.
CoRTOis : honnête, poli,
affable.
CoRTOisiE : grâce, poli-
tesse , affabilité.
Cos : un coq.
I.
CRE 369
CosTEL : couteau.
C0STENTINOBLE : Constan-
tinople.
CosTURE : champ , terre
labourée.
Cote : tunique Jbilbit , dé-
pouilles.
Coule : bâtiment, ferme;
de colacium , de la basse
latinité ; ou cuisine , du
latin cuUna.
Cous : on appeloit ainsi le
mari dont la femme étoit
infidèle.
CovER : couver, couvrir,
abriter.
CovERT : couvert.
CovERTURE : couverture ,
excuse.
CoviNT : qu'il convint.
CovoiTER : convoiter, dé-
sirer.
CovoiTEUs. Foy. Cowvoi-
TOS.
Cox : coups; mais 83^7,
Voyez Cous.
Cran PI : plié , courbé.
Cras : gras.
Cravanter : écraser, bri-
ser.
Cr^able : croyable ; créez,
croyez ; créion , nous
«royons.
Créant : promesse, enga-
gement.
Créanter : promettre , as*
surer, engager sa foi.
Cremir : craindre, appré-
hender.
Crépon, crespon : crou-
pion , échine.
24
370 DED
CniE : crée , produit.
CaiEr : je crève; criet, il
crève.
CaiBME : crainte.
CaiEHT : il craint.
CaiT : IToue.
CaoïaE (<l^ : se confier.
Caoïsaaa : craquer, casser;
croissu, cassée , rompue.
CaoïsT : augmente.
Croler : remuer y bran-
ler.
DEM
Ceope : la croupe.
Caopia I croupir: être assis^
accroupi.
CaouTE , fosse , tanière.
Cédés, creux, trou.
CuiaiE cuirasse.
Cuit : il pense , du yerbe
ciader,
CurvEET : méchant y in*
fâme.
Clee : soin.
CuauT : il courut.
D.
Daarain : dernier.
Dahez : imprécation équi-
valente au vœ des La-
tins.
Daintiez : je pense que ce
mot signifie un jeune
daim , et quil est mis ici
pour toute sorte de ve-
naison.
Danois R : obstacle, diffi-
culté; au vers SiSa,
puissance , domination.
Dant : seigneur , maître.
De : mis souvent au lieu
de que.
DÉ : Dieu.
Decepliue : discipline.
Deouiant : en s'amusant,
se divertissant.
Déduire (se) : s'amuser,
jouer, se divertir; <fe'-
duiez, vous .vous amu-
sez.
Déduit : passe -temps,
plaisir, récréation.
Deffet : estropié.
Deffoegémeitt : avec vio-
lence , par la force.
Deffublbr (se) : se dévê-
tir , 6ter ses habits.
Definer : finir , terminer.
Defors : dehors.
Déissiez : vous diriez.
Dbjoste : à c6té, auprès.
Del : de, du, des.
Delez : proche , à côté.
Délivre (tôt à) : sans au-
cun obstacle.
Delivrement : facilement,
sans peine , librement.
Delt : troisième personne
de l'indicatif présent du
verbe doloir y souffrir,
sentir de la douleur.
Demain ER , démener: con-
duire, tourmenter; de—
mainer joie , se réjouir ;
démener la faim, souf-
frir de la faim; demaint,
qu'il se conduise.
DES
Demaitois : à l'instant, sur-
le-champ.
Demeine : pouvoir, puis-
sance.
Dementer (se) : se plain-
«dre, gémir ; se livrer à
la douleur.
Démesure (à) : avec ei-
cès.
Demoré : retard, délai.
Départir : partager.
Dépiquer : remplir de pi-
qûres , de meurtris-
sures.
Déport : joie , plaisir.
Déporter (se) : se récréer,!
se réjouir.
Deputaire , deputart: mé-
chant, perfide, abject.
Deresnier , desresnier :
parler, haranguer, plai-
der, se défendre.
Deront : il déchire.
Derrers : derrière.
Desarez ( se mettre as ) :
prendre sa course , fuir.
Descirer : déchirer.
Desclos : ouvert.
Desconseilliez : aban-
donné, qui ne sait à qui
demander conseil , in-
fortuné.
Desgonvenue : malheur,
tristesse, accident, chose
déplacée.
Descopler : découpler.
Decoverra : découvrira ,
dévoilera.
Desgréu : diminué de
hauteur, du verbe dé-
croître.
DES 371
Desenor : déshonneur ;
desenorer, deshonorer.
Déserter : gâter, ravager.
Deseure : dessus.
Desevraille : séparation,
distance.
Deshaitier , desketier :
rendre triste , chagrin ,
malade.
Deshet , tristesse y abat-
tement.
De si au : jusqu*au.
Desnoer : dénouer.
Desoz : dessous.
Despegier : briser, mettre
en pièces.
Despendre : dépenser ,
consommer.
Despisant : méprisant ,
dédaignant.
Despit : mépris.
Desporvéu : sans ré-
flexion, témérairement.
Desraison : injure.
Desroi : faute, égare-
ment , mauvaise action ,
dérèglement.
Dessoivrer : séparer.
Destendre : fuir.
Destor , detor : détour.
Destorber : détourner ,
empêcher.
Destorbier : obstacle ,
empêchement.
Destort : il tourne , il fait
mouvoir.
Destraindre : presser ,
tourmenter ; destrain-
trent , ils tourmentè-
rent.
Destre (à) : à droite.
X
373 EES
Destbisss : peine, tour-
ment.
Destroit : passage res-
serré , étroit,
Destroit : triste , chagrin,
pressé.
Desvé : rempli de chagrin,
fou, hors de sens.
Desyoiee : détourner delà
▼oie, égarer, tromper,
mourir ; destroit , il
meurt.
D ETE AI en sus dr moi:
éloigne-toi.
Detrehchike : couper par
morceaux.
Deteocé : percé , rempli
de trous.
Dkus : peine , chagrin.
5076.
Deut (se) : se plaint, se
lamente.
Dévaler : descendre.
DEVAHTrRE : devant.
Devise : manière , con.-
vention ; à devise , à vo-
lonté.
Devisee : exprimer, par-
tager, s'entretenir.
Die : dit ; liient, ils disent;
tUon , nous disions.
Dis : jour, dics; tout dis ,
toujours; mais au vers
614 > dix.
DrvA : dame , exclamation.
EGA
DoiE : qu'il doive; tloions,
nous devions.
Doive : je donne; doin-^
sissiez, vous donniez;
domt , qu*ii donne.
DoLoiR : s'affliger, se plain-
dre.
DoH : je donne; donge,
qu'il donne, qu'il venille;
donra, il donnera; don-
rote , je donnerois.
Dort : d'où, donc.
DoKT : qu'il donne ^ qn'il
veuille, qu'il permette.
Dot : je doute.
DoTARCE , douie : crainte,
peur.
Dou : du.
Douter : craindre.
Doz : doux.
Drapel : chiffons, haillons.
Droiture : justice , raison.
Dru : fidèle ami, compa-
gnon ; tinte, amie « maî-
tresse.
Drueeie : fidélité, atta-
chement.
DcEiL , dttel (me) : je suis
triste, je m'afflige.
Duel : peine , chagrin.
Dui : deux.
DuEEMERT : beaucoup ,
avec excès, abondam-
ment.
DrsQUEs : jusques.
E.
: j ai.
Kg : cela.
£êsiez« / '0^-. Aaisiez.
Efforcier : Cure des e^
forts.
EcAUMiKT : également.
ÉNC
EiHz. Foy. AiNZ.
EiE : hier ; Vautre eir ,
avant-hier.
£l : dans , au , autrement ,
autre chose; un et el ,
choses et autres.
Els : eux , elles.
Elz : les yeux.
EMBATaE : enfoncer , four-
rer , entrer, arriver,
précipiter.
EMBLAié : empêché , em-
« barrasse.
Embler : enlever, voler,
ravir; s'en embler , se
soustraire , s'enfuir.
Ehe : respiration , haleine.
Empaindre : heurter, pous-
ser, précipiter, enfoncer.
EupiRiÉ : endommagé.
Ehplez : remplissez.
Emploraitt : pleurant ,
fondant en larmes.
Emprendre : entrepren-
dre, commencer; em-
.prendre sa voie, aller,
se mettre en chemin.
En est mis souvent pour la
particule on.
ËNANGLié : placé dans un
coin.
ËiTBRAMiE : tourmentée ,
inquiète, gémissante.
Enbron : morne, pensif.
Enghagier : chasser.
Enghanterre : enchan-
teur, magicien.
Evghaucier : poursuivre ,
chasser.
Enchaut; enchauz : pour-
suite, chasse.
ENG 373
En G HÉ ANE z : enchaînés.
Enclin : baissé , incliné.
Engliner : saluer.
Englous : enclos, enfermé.
Engonbrier : perte, mal*
heur.
Encontre : rencontre , a-
venture, combat.
Engorper : accuser.
Engoste : à côté.
Engoupé : accusé.
Engrassié : engraissé.
Engrime : ce mot paroit dé-
river à^incrementuniy et
porteryî?/o72 au superlatif,
Encui : aujourd'hui , avant
la fin du jour.
Enguser : accuser.
Endementiers : cepen-
dant, tandis que.
Endroit ce que : vu que ;
endroit le vilain : vers
le vilain.
Endui : les deux , tous
deux.
Enfantosmer : ensorceler,
enchanter.
Enfondue ( savoir de
truie ) : façon de parler
proverbiale dont je n'ai
pu trouver Tétymologie.
Enforchéure : écarte-
ment qui présente la
figure d'une fourche.
Enforgier : augmenter.
Enfrete : rompue , brisée.
Engien , engin , enging :
ruse, finesse, tromperie ;
génie , esprit ; instru-
ment pour la péchç;
machine de guerre.
374 ENT
ENCiirGiiER : tromper, du-
per.
Englacier : geler.
ËifGonLER : manger avec
avidité, eogloatir; mais
au vers 7622 , ert en--
goulez , signifie avoit
Touverture.
ËNGRAiNGNER : augmenter.
ËNGRis : tourmenté , pres-
sé , désireux , avide ,
acharné, impétueux.
Engringicant : augmen-
tant.
Enmi : au milieu.
EifOR (t') : ton honneur.
EifOssÉ : mort
Enpaindre. f^ojr, Empain-
DRE.
Enpaints : attaque, défi.
Enpa&lier : orateur, avo-
cat.
EifPOR-GE : j'emporte.
Enquenuit : avant la nuit,
aujourd'hui.
Enquerre : chercher, s'in-
former , demander.
Ensemeitt : pareillement ,
semblablement , en mê-
me temps.
Enserrer : serrer, ren-
fermer.
Ensor : de plus.
Ensorquetot : aussi, de
plus.
Entent , entente : inten-
tion , affection , appli-
cation , industrie.
Ententis : attentif.
Entérine : entière , par-
faite.
ÉRT
Enterra : il entrera; en-
terron, entrerons.
Enterrez : garni, souillé
de terre.
Entesnier : entrer dans
sa tanière.
Entor : autour, à l'entour.
Ent&e-fianger (s') : se
promettre mutuellement.
Entrelet : il laisse, il
quitte.
Entremès : intermède.
Entrepelé : qui est pres-
que dépouillé de son
poil , qui Ta perdu par
place.
Entresait , entreset : en
même temps, en atten-
dant.
Entretenanz : serrés, liés
les uns aux autres.
Entule : sot, imbécille.
Envaîe : attaque, assaut.
Envers : renversé, mis sur
le dos, à la renverse.
Enviz (à) : malgré soi,
avec peine, avec répu-
gnance.
Envoisier (s*) : s'amuser,
se réjouir.
Enz : dans, intérieurement.
Erboie : prairie , pâturage.
Erent : ils étoient.
Errant, erraument : sur-
le-champ, grand train,
incontinent.
Erre ( grant ) : a la même
signification q\iL errant.
Errer : aller, marcher,
voyager.
Ert : il étoit , il sera.
ESC
£s : voici, voilà, 5497 ;
s*eSf et il les, Soga.
EsBAHiR (s') : s'étonner,
être surpris.
EsBAifoiEa : s'amuser, se
dissiper, se divertir.
ËscERVELEE : cdsser la
tête, faire sauter la cer-
velle.
EscHAciEE : boiteux.
ËSCHA& : dérision, raille-
rie; 1004 et 4377> servir
d*eschar , plaisanter y
railler; mais au vers
3 1249 avare, ménager.
ËscHAENiR : insulter, of-
fenser, railler^ se mo-
quer; escharnissant y in-
sultant, se moquant.
EscHAESETÉ : avaricc , lé-
sinerie.
EscHAT : qu'il échappe.
EscHiELETE : sonucttc ,
petite cloche.
EsGHius : lâche, poltron.
EscHivER : éviter, fuir,
esquiver.
Escient : avis, sens, con-
noissance ; à escient ,
certainement; mon es-
cient, à mon avis, selon
moi.
EscLARCiR : faire jour.
EscLos : sabots; mais ici
il est mis pour les traces.
EsGOBicHiER : escamoter,
enlever avec adresse.
EscoiLLiRR : rendre eu-
nuque.
EsGONDiRE : refuser ; se
purger d'une accusa-
ESL 375
tion , s'excuset, se dé-
fendre.
EsGONDiT : excuse, répa-
ration.
EsGOPiR : cracher.
EsGORGE : est mis pour la
peau ; 809 , etc.
EscoRS : aide , secours ,
soutien; maiissansescorsy
signifie, je crois, en ta-
pinois., sans bruit.
EsGossE : escot, escouse,
escout : il se remue, il
s'agite , il secoue.
EsGOTER : faire un écot,
une dépense par moitié.
EsGouER : priver de la
queue.
Escoz : esclave mis en li-
berté , terme d'injure.
EscREMiE : escrime.
EsGREVEz : accroître, ag-
graver en parlant du mal.
EsGRiER : crier, appeler.
EscRiv : coffre , cassette.
EsFORGiER : faire violence ;
esforciez, très grand.
EsFRAEz : effrayé.
EsFRoiz : émeute.
EsGARDER : considérer , ju-
ger, décider, ordonner.
EsoAREz : hors de soi-
même.
EsLAis , eslès : saut , bond ,
galop , rapidité.
EsLiÉESciER : divertir, dis-
traire.
EsLESsiÉ : gai, joyeux; ex-
sultans.
EsLESsiER : s'élancer , sau-
ter, avancer.
^
3:6 ESP
EsLOiVOE (s*) : sVIoîgne.
EsMAiBE : troubler , in->
quiécer, chagriner, tour-
menter, fâcher.
EsMAARi : fâché, aflli|;<^.
EsME : intention, désir.
EsMCA : faire mine de vou-
loir quelque choie, viser,
préméditer.
EsMÉD, participe du verbe
esmouvoir , ébranler ,
mettre en mouvement.
EsMiEE : casser, briser.
EsMOiB (ne t*) : ne t'in-
quiète pas , du verbe
esmaier ci-dessns.
EspANois : Espagnol.
EspARDE : éclate.
EsPBRia :• reprendre ses
esprits ; mais ici, s'éveil-
ler.
Es PERIT AL : spirituel y cé-
leste.
EspBRiTE ( Sainte») : le
Saint-Esprit
EsPEusE : épouse.
EspiB (blé) : blé monté
en épi.
EsPiNAz : épines.
EspLoiT (à grand) : grand
train, en diligence.
EspLOiTBR : agir, travailler.
Espoir : peut-être.
EspoNDRB : expliquer « ex-
poser.
EsponssE (m*) : ma femme,
mon épouse.
EsPRENDRB : embraser ,
brûler , allumer.
EsPEOVE : épreuve.
,£sPUROBR : puiger^ et au
EST
figuré, se perfectionner.
EsQUKT : il secoue.
EsRjàGiER : enrager.
EsRAMT. Voy, Erraht.
EssART : champ inculte,
rempli de broussailles.
EssAuciER : exalter.
EssoiHE : empêchement ,
difficulté, excuse.
Essorer : sécher.
Esta : arrête; esta ileuc,
reste là , du latin sta.
EsTABLE : stable, ferme,
permanent.
ESTAGE
maison
rang
état , place.
Est AL a la même signi-
fication.
Estant (en) : debout, levé,
droit.
EsTAR. Fojr, Ester.
EsTACBLETÉ : fermeté, du-
rée , constance.
EsTELÉ : étoile.
Estehoeiller: s'allonger,
s'étendre comme ma
homme qui se réveille.
Ester : demeurer, rester,
subsister, comparoitre;
lesse m* ester y laisse-moi
tranquille; lessiez ester,
ne parlez plus de cela;
esterez, vous serez; es-
tez, restes.
Este- vos : voilà ; estes-les-
vos, les voilà.
EsTiEVs : nous étions.
EsTONE : retentit , tremble.
EsTOPER : boucher, fermer.
EsTOR : mêlée, combat,
assaut.
FAI
EsToaDaE : se soustraire,
se dégager, s'échapper.
EsTos, estons : furieux,
fou , déréglé , extrava-
gant; stultus.
EsTOT (rime) : au lieu à^es^
tuei, il conyient.
EsTons. Foy. Estos.
EsTOUT : folie, extraya-
gance.
EsTouTOiEa : quereller.
EsToyoïT : il falloit, il
étoit nécessaire ; estovra,
il conyiendra , il faudra.
EsTRACE : race , origine ,
extraction.
EsTRAiEK : éloigner; mais
je pense cpi'au yers 26a i
il signifie, se retirer sur
sa litière ; de stemere,
EsTRAiN : paille.
EsTRAiNDRB : prcsscr ,
comprimer.
EsTRANGE : étranger, in-
connu.
EsTRE : état , situation ,
maison, place.
FAI 377
EsTRiER : choisir, mettre
à part , préparer..
à part , préparer..
iTRip : querelle, noise.,
rixe.
EsTRiysR : disputer^ que-
reller, débattre.
EsTROiT : il seroit.
EsTROiTEMENT : très sé-
rieusement, avec force.
EsTRons (à) : à l'instant,
sur-le-champ.
EsTUET : il faut, il conyient.
EsTUPER : boucher, clore,
cacher.
EsTUT : il resta. 2406.
Es-yos : yoici.
Eue ( por ) . : pour cela.
EuLz : les yeux.
ÉuR : bonheur , félicité ,
chance ; mal éur, mal-
heur, accident.
Eure : heure, hora.
Eus : yolonté , gré , choix.
EyAiH : Èye.
£yE : eau.
EyRE : œuyre , travail.
Ez-yos : voici, voilà.
F.
Façons : que nous fas-
sions.
Fail : première personne
de l'indicatif présent du
Terhe /àillîr y manquer,
se tromper.
Faillaitge , /aille (sans) :
sans faute , certaine-
ment.
Faille : paroit signifier au
vers 1 4o5 , fente , ou-
verture.
Faire ( ne ) : ne fais ; Tin-
finJLtif est mis quelque-
fois au lieu de la se-
conde personne de l'im-
pératif.
Fais , /aiie (si) : pareil ,
semblable.
Faitement : parfaitement ,
3:8 FES
heureusement, avec art.
Fameillbus : affamé.
Fahow : manipule que les
prêtres se mettent sur
le bras lorsqu'ils offi-
cient.
Faedel : fardeau y paqueL
Faudbstuet : fauteuil.
Faudeé : je manquerai , je
tromperai, du verbe ^i^-
lir.
FAusRa (sans) : sans trom-
per.
Fausrt : voix aiguë.
Faut : 3* personne de
rindicatif présent du
\evhQ faillir y manquer,
tromper , tomber.
Fautes : garniture d'une
selle pour tenir la lance.
F A VELE : flatterie , cajo-
lerie.
Faz : je fais.
Fel : méchant , perfide ,
faux.
Félonie : méchanceté ,
mauvaise foi , perfidie ,
cruauté , iniquité.
Fendaht : hardi.
Feret : vers 53o7.
Ferir : frapper , battre ,
heurter ; se ferir, se je-
ter , entrer , se précipi-
ter ;yèr/, il frappe, yî?-
roity il frappoit ; fer-
raient y ils frapperoient,
Fermaille : promesse ,
gageure, enjeu.
Féru : frappé.
Fesomes : nous faisons.
Feste : faîte , sommet.
FOR
Fête : faite ; si fête , sem-
blable, pareille.
Fbt soi : il se dit.
Feus ( max ) : la foudre ,
le tonnerre.
Fbz : foits, actions.
Fi , y& .' certain , assuré ; '
de fi savoir y tenir pour
certain.
FiAwcBR : promettre, don-
ner sa foi. "
FicHiB ; placée , attachée.
Fichier : placer , fixer ,
arrêter , se fourrer.
FiBNS : fumier.
Fibre , fiert : il frappe.
Foy, Ferir.
Fin : but , issue.
Fin , Jlne : vrai , parfait ,
entier.
Finement : parfaitement.
Finbr : cesser, mourir.
FisiGLB : médecine.
Flael : fléau.
Flighe : flèche de lard.
Florez : couronné , ré-
compensé.
Foiiêe : fois.
FoiLLE : feuille.
FoiLLiEz , foilluz : couvert
de feuilles.
Foison ( maie ) : disette ,
médiocrité.
Fol ace : sottise , folie.
FoLER : fouler.
FoLoiER : cxtravaguer , stî
tromper , faire injure.
Force : ciseaux.
FoRCHE : fourche.
Forelores : plaisanterie ,
vaines paroles.
FRA
FoRFAiRE , forfere : mal
faire , insulter , nuire ;
d'où forfeture y crime,
tort , insulte.
FoRiERE : terre destinée à
la pâture des animaux.
FoRMEiTT : beaucoup , for-
tement.
FoRRBR : fourrer, pousser,
d'où le part, forrée ,
fourrée, garnie.
Fors : dehors.
FoRSENÉ : extravagant ,
fou , hors de sens.
FoRTRAiRE : séduire , en-
lever par force ou par
finesse.
Fou : hêtre.
FouRNiER : le lieu où est
le four dans les maisons
particulières ; mais il
paroît mis ici pour le
four même , ou le foyer.
FousE : fosse.
Fox : fou , insensé ; faire
que fox, agir en insensé.
Fraindre : rompre, hTi-
ser ;fraingnent, ïLs rom-
' peut.
Franc : noble, naïf, sincère.
Franchise : noblesse , gé-
nérosité.
François (gaster son) :
perdre son temps en
discours inutiles.
Frape : ce mot, dont je n*ai
pu trouver l'origine , pa-
roît signifier ruse, piège;
savoir de frape : être rusé;
se mettre à la frape : fuir,
se mettre en route.
FUS 379
Frapier : je n'ai également
rien trouvé sur celui-ci ,
que je crois signifier,
marche , route , fuite ;
se mettre au frapier :
prendre la fuite.
Fremer : fermer, assurer.
Frehie : il frémit.
l^KiTyfrist : il frémit, il
tremble.
Froe : rompu , brisé.
Fronchier : rêvet, réflé-
chir.
Frume : mauvaise mine,
grimace.
Fuer ( à nul ) : en aucune
manière; mais au vers
7716 , lieu, place.
Fuerre : fourreau ; mais
aux vers 29249 6582,
6585 ^ paille , fourrage ;
et au vers 658 1, chasse,
recherche ; àefugare.
Fuie : fuite.
FuLiEz : fugitif, fuyant;
à ce que je crois.
FuMiERE : fumée.
FuRCHER : nettoyer , enle-
ver avec une fourche ;
àefurca,
FuRGiER : fouiller, cher-
cher , ce mot paroît dé-
river àefurca.
FusoMEs : nous soyons ;
fuson , nous fussions.
FusTAiNE , fustaingne :
sorte de vêtement, peut-
être ainsi nommé parce
qu'il étoit de futaine.
FusTER : fustiger, battre
avec un bâton.
36o
GAE
GES
G.
GAAiHoira : gain, profit.
Gaaivovirik : ferme « mé-
Uirie.
GAAiHGVisa : profiter , ti-
rer de ravantage.
Gabbe : railler , se mo-
quer; d'où gabere, rail-
leur, moqueur, et ga-
berie , gaboie , gabois ,
raillerie, dérision.
Gabet : facétie , plaisante-
rie.
Gagée : engager, trouver
quelqu'un en délit cham-
pêtre et en faire le rap-
port.
Gaihovae : escroc, vo-
leur.
Gaihgitov , gainon : chien
mâtin , chien de basse-
cour.
Gaitee, gaitier : garder,
guetter, préserver , se
défendre.
Gauche : détour, subti-
lité.
Gae : prends garde , fais
attention.
Gaeçoh : mauvais sujet,
libertin , vaurien , valet,
goujat.
Gaedee : regarder , obser-
ver , faire attention , dé-
' fendre ; gardomes , re-
gardons , examinons.
Gaeet : guéret , champ
ensemencé ou non.
Gaeie : garantir, se sau-
ver ; garirez , vous
échapperez ; garra , il
garantira.
Gaeisoit : provision de
vivres, garantie, salut.
Gaewemenz : habillemens ,
vétemens.
Gae VIE : munir , prévenir,
avertir.
Gaes. Fojr, Gaeçon.
Gaet : qu'il prenne garde.
Gas : raillerie , plaisan-
terie.
Gastiax : gâteau.
Gaut : bosquet , bois, forêt.
Geinoeb , gembre : se
plaindre , gémir.
Geliitiee : poulaiUier.
Gent : gens , famille.
Gent : joli , aimable , gra-
cieux.
Geepie : quitter, aban-
donner.
Geeeai : coucherai ; ger--
rez y coucherez , du
verbe gésir.
Geere : guerre.
Geeeedon : récompense,
loyer, salaire.
Gis : liens.
Gesine : état d'une femme
en couches.
Gesie : être couché , repo-
ser , séjourner , être
malade , connoitre char-
nellement.
GOU
Geste (chanson de) : chan-
son historique.
Geu : séjourné , du verbe
gésir,
Geulk : gueule.
Géuner : jeûner.
GiussE : je resterois , je
séjournerois , du verbe
gésir,
GiENT : 3* personne de
l'indicatif présent du
verbe geindre. Foy» ce
mot.
GiEu , giex : jeu , amuse-
ment.
GiEUE (se) : il se joue,
s'amuse.
Giron : ventre.
GiSE , gist : il repose , il se
couche.
Glatir : japper, crier.
Glaz : son des cloches
pour annoncer la mort
de quelqu'un.
GhOT ^gloz : glouton, gour-
mand.
Glotohnie : goiirmandise.
GoiNDRE : joindre, ap-
procher.
GoLE : ouverture , bord ,
entrée.
GoLoiER : manger goulu-
1 ment.
GoiTB, gonele : casaque
d'homme , cotillon de
femme, r0be de moine.
GoRGOCiER : murmurer ,
gronder.
GoRHEx , gorpil : Renard,
gorpille, sa femelle.
Goule : gueule, bouche.
GRO asi
Gracier : adoucir, rendre
agréable ; mais au vers
6854 > remercier , ren-
dre grâces.
Graignor , gnàndrCy grei-
gnor : plus grand.
Graiit : fâché , en colère ,
chagrin^ ^acrimonia»
Gramenter : se plaindre,
se lamenter, se chagri-
ner.
Granghe : grange , métai-
rie.
Granment : beaucoup.
Gréaitter : promettre.
Grelle : menu , délié ;
mais au vers i833 , in-
strument de musique.
Grenon : moustache , poil
de la barbe.
Grenor : plus grand.
Gresillon : grillon , petit
insecte noir.
Greva R : punir.
Grever, griever: fatiguer,
tourmenter, couroucer,
nuire; faire de la peine ;
ne vos grief, ne vos
griet y que cela ne vous
fasse pas de peine, ne
vous fâche pas.
Gris : griffe.
Grocier ; groucier : mur-
murer, gronder, se plain-
dre.
Groig : groin.
Grondir, grôndre. Voy,
Grocier.
Grouge , grosse : crosse ,
bâton fourchu.
Grouse : grosse.
382 HAR
OuhNcaiL : détour, subliliu*.
GuENCBiR : éviter , esqui-
ver , aller de cùté.
OuERlfON. yoy, GrERON.
Gdrrpir : abaadonncr ,
quitter, se séparer.
GuERREDON. Voy, Gerre-
DON.
GuERRXOONER : récom-
penser.
GuERS4i. Vers 3169.
HIE
GuiCHE : tour , subtilité.
GuiCHois ( tor ) : je crois
que par cette expres-
sion on Youloit dire
fuite ; faire le tour gui-
choir ^ se sauver.
GuiER : conduire.
GniLE : ruse, tromperie,
fourberie.
GuiLER : tromper, attra-
per.
H.
Hace : qu'il haïsse , haez ,
vous haïssez.
Hachie : peine , souf-
france, tourment.
Uaise : clôture , ou bar-
rière des cours des
métairies ; porte faite
avec des branches en-
trelacées.
IIaiter, haiUer : plaire,
faire plaisir , réjouir,
donner du courage.
Uaitié : gai, alerte , gail-
lard , robuste.
IIalape : j'ignore quelle
ville Tauteur a voulu dé-
signer , à moins que ce
soit Alep.
Haoit : il haïssoit \ haons ;
nous haïssons.
Hardeillon , hardel, har-
diares : botte , fardeau
composé de la réunion
de plusieurs choses.
Hardembnt courage ,
hardiesse.
Harou : cri ou clameur
pour appeler du secours.
Haste , hastier : broche ;
mais au vers 249 9 il
signifie viande cuite à la
broche.
Hasterel , haterel : le
cou , la nuque du cou ,
le derrière de la tête.
Hateriau : terme d'injure
équivalent à marmiton ,
de l'ancien mot hasteur^
rôtisseur.
Haye : je salue.
Henap : vase à boire ,
coupe.
Henor : honneur.
Herbergier : loger, rece-
voir en sa maison.
Herbert : logis , hôtel.
Herme : pour hermcline ,
femelle du Renard.
HeSE. Voy, H AISE.
Uktier. /^o/.Haiter.
HiDE : frayeur, effroL
Hie : instrument de pa-
JEN
veur , billot de bois ,
massue. A une hie : en-
semble , en masse.
HoNS : homme.
HoNTAGE : déshonneur, op-
probre.
HoEDÉ : entouré y envi-
ronné.
HouGBPiNGNiER : houspil-
1er.
JOI 383
Huche : grand coffre , ar-
moire.
HucHiER , huer , huier :
crier après quelqu un ,
appeler, agacer, exciter 5
huchie, appelée.
Hui : aujourd'hui.
HniMÈs : à cette heure, à
présent.
I.
Ia : oui.
Iaus : les yeux.
Iaye : eau.
IcE : ce , cela.
1ère : j'étois; ierent^ ils
étoient \ iert , il étoit.
Ies : tu es.
Ignel, igniax : vif, prompt,
léger.
Ignelement : vivement ,
promptement.
Ileug, ileuques y illeques,
Hoc : là , en cet endroit ,
par-là.
Irascu : piqué , en colère ,
furieux.
Irer , irestre , irier : fâ-
cher , mettre en colère.
Iriéement : avec colère.
Iros : fâché , en colère.
Is : sors , du verbe issir,
IsifEL. Voy. Ignel.
IsNELEHENT : promptc-
ment.)
Issi , issiques : ainsi.
Issir : sortir; isty il sort;
issue, sortie.
Itant : d'autant , par ce
moyen ; par seul itant ,
par la raison , à cause
que , parce que.
Itel : pareil , le même.
J.
Jaloie : certaine mesure
pour les liqueurs.
Jane : jeune.
JàRS : grosse oie mâle.
Jel' : je le.
Jengler : jaser, babiller.
Jenglerre : babillard ,
flatteur.
Jenglois : babil, caquet,
bavardage. '
Jeole : prison.
Jesui : Jésus.
JEU : couché.
Jbuer : jouer , rire , plai-
santer.
JoiANT : joyeux , content.
384 LAR
JoiNTR : ce mot paroit si-
gnifier nn ton de mu-
sique plus ëleré.
JoîsB : jugement.
JowcHiERX : lieu maréca-
geux où il croit des joncs.
Joirs : jeune.
Joste : à côté.
JosTE : joute , combat sin-
gulier ^ atta({ue.
LET
JoTSHCiAx : jeuac.
JcivxTK : jeime.
Jnxa : jouer, s'amuser.
JuGAE : juger.
JuGÉOE : juge.
Juisx : jugement.
JuEBVT : ils couchèrent;
jut , il coucha, il resta
couché, il étoit couché.
Jus : jeu , plaisanterie. '
L.
Lai ( rime ) : loi.
Laidenciee , lédengier :
injurier , insulter , ou-
trager.
Laidie : maltraiter, ou-
trager.
Laiiiueb : outrage, insulte ;
mais au vers 6884, il
signifie une chose laide ,
désagréable à la yue.
Laienz : là-dedans.
Laiea : il laissera, lairiez,
TOUS laisseriez ; UUt, il
laisse.
Laîs : là-haut.
Lai SI E : loisir.
Lait : affront, outrage.
Lançon : peut-être mis
pour Alençon.
Laedee : ce mot se trouve
souvent dans nos an-
ciennes poésies au lieu
de arder , brûler.
Laediee : saloir , garde-
manger, lieu où l*on
serre le lard.
Large : généreux , libéral.
Las , iasse : infortuné ,
malheureux ; hélas !
Lasus : là-haut.
Le, lée : large.
Lechaeessb : gourmande,
luxurieuse.
LxGHEEiB : gourmandise ,
friandise , libertinage ,
luxure.
Legbieere : gourmand ,
glouton, débauché.
Leoevciee. yqx* LAinxir-
GIEE.
Lbge : loi.
Leoistee .'jurisconsulte.
Leisie (par) : avec le temps,
sans se presser.
Leea : il laissera ; leré, je
laisserai ; lesse, il laisse.
Leeee : fripon, larron, vo-
leur.
Lesqex : lesquels.
Lesse : chanson , air ; es-
pace de temps , aban-
don.
Let : lait ; laid ; il lesse ;
iet toute sa force ester :
MAI
il faut faire usage de
toute sa force,
Letre : littérature, scieuce.
Leu : loup ; lieu , place.
Lez : à côté, auprès, le
long ; lez à lez , Tun à
côté de l'autre ; de toz
lez y de tous côtés ; mais
au vers 401 1 , je laisse.
Lentilleus : taché de rous-
seur.
Li : lui , le ^ la , les.
LiANCE : plaisir.
Lie , liez : • gai , content ,
joyeux.
LiÉEMENT : gaiement.
Lin : lignage, parenté.
LiNTEL : linteau.
LiQUEx : lequel.
Lisse : chienne.
Liste : bord, bordure.
LiUE : lieue.
LocHER : branler, mou-
voir.
LoER : louer, approuver,
conseiller; lo , je suis
d'avis , je conseille.
LoiEZ : lié.
Loué : récoinpensé , payé.
MAI
381
Louer : récompense, sa-
laire.
Longe : longue; longe-
ment y longues y longue-
ment , long-temps.
LoRDE : lourde, imbécille.
LoRES : alors.
Los : avis , conseil , appro-
bation, réputation.
LosENGE : tromperie, faus-
se louange, flatterie.
LosENGiER : tromper, flat-
ter, caresser pour trom-
per.
LosENGiER : trompeur ,
flatteur.
LouiER : récompense.
LoviAus , loviax : petits
loups.
LoviERE : tanière, repaire
d'un loup.
Lues : aussitôt , sur-le-
champ.
Lui : est mis quelquefois
pour elle.
LuiTiER : lutter.
LuRTRE : loutre, animal
amphibie.
M.
Maart (saint) : saint Mé-
dard.
Mahaingnier , mahaner :
blesser, mutiler, mal-
traiter.
Main : matin.
Mainburnir : gouverner,
administrer.
I.
Mains : moins.
Maint : qu'il conduise.
Maintenir : fréquenter,
entretenir.
Maior, maire: chef d'une
commune , d'une corpo-
ration.
1
386 M AU
Miis : davantage , doré-
navant.
Mal , maie : maavais , dan-
gereux.
Malack : maladie, infir-
mité, mauvaise santé.
Malarz : mâle des cannes
sauvages.
Malbailli : mal ajusté ,
maltraité, en mauvais
équipage.
Maléiz , maléoît : infâme ,
maudit.
Malfez , manfé : diable ,
démon, mauvais.
Malvez : mauvais, mé-
chant.
Manc : mutilé, estropié.
Maniers : habile, adroit.
Manoie : demeurer, habi-
ter, rester.
Mant : je mande, je fais
savoir, du verbe mander,
Mantel : manteau; man-
telet, diminutif de man-
tel,
Mae : mal à propos, à
tort.
Marchéant : marchand.
Marchois , marois : ma-
rais.
Marrement : douleur ,
chagrin, tristesse.
Martirier : martyriser ,
tourmenter.
Mastiner : maltraiter ,
gourmander.
Mau : mal , mauvais , mé-
chant ; mau chief, mau-
vaise fin.
Maubàilli. r, Malbailli.
MEN
Mauf^. Fojr, Malvbz.
Mau-fbu vous arde : im-
précation qui paroit ti-
rer son origine d'une
maladie épidémique
dont Paris ait affligé
sous le règne de Louis-
le-Gro , et qui iut ap-
pelée la maladie iies ar-
dens,
Maumis : blessé , estropié.
Mau TALENT : dépit, colère,
déplaisir.
Mauvestiez : méchanceté,
malice.
Max : maux ; et an vers
61 58, méchant.
JMEaz : abattu.
Mecive : médecine, mé-
dicament.
Meffeire faire du
mal.
Mehainoitie : blessé, in-
conunodé; mais au vers
8985 , il paroit signifier
mort , puisqu'on veut
que Renard fasse son
serment sur ses dents.
Mehains : peine, mauvais
traitement.
Mellée : querelle, dis-
pute.
Mellomes : que nous les
mettions mal ensemble.
Membre-vos : qu'il vous
souvienne.
Mengoigne : mensonge.
Mencongier : menteur.
Mendre : moindre , plus
petit.
Menguent, menjueni : ils
M£S
mangent; menjus , je
mange.
Menra : il mènera.
Mentiluez : couvert d'un
manteau; mais ici il
▼eut dire caché.
Mentir (ne me) : ne me
mentez point, l'infinitif
se mettoit quelquefois
au lieu de l'impératif.
Meitue (gent) : le peuple.
Menuement : c'est ce qu'en
style familier signifie
dru et menu.
Menuiax : espèce de petit
cor de chasse fait avec
du bois. Voy, Ducange
au mot menetum,
Merir : payer, récompen-
ser.
Mérite : récompense ;
maie mérite , punition.
Mes : à présent, mainte-
nant , encore , doréna-
vant ; je n'en puis mes ,
ce n'est pas ma faute;
mes hui, aujourd'hui ;
mes que, pourvu que.
Mescheance : malheur.
Mescheu, du verbe mes^
chéoir : venir mal , tour-
ner à mal.
Meschief ( estre à ) : être
en danger, dans le mal-
heur.
Mesgroirb : ne pas croire,
soupçonner, se défier.
Mesdite : mauvais dis-
cours , médisance , ca-
lomnie.
Mesbl : lépreux; mais il
M0£ 387
est dit ici comme injure,
5384; et au vers 32o8,
missel.
Mesestance : accident ,
malheur, déplaisir.
Mesfaire, merfere : faire
du mal, nuire.
Mesnie, mesniée : famille,
domestiques , suite.
Mesnil : habitation, ferme.
MsspREifnRE : faire tort à
quelqu'un, lui manquer,
l'offenser.
Mesprison : faute, délit,
offense, erreur, bévue.
Mestier : besoin, néces-
saire.
Mestre de letres : savant ,
instruit.
Mestrie : science, savoir,
lumières.
Mestroier : maîtriser ,
forcer.
Metez sor moi : rappor-
tez-vous en à moi; me-
troi, je mettrai.
MÉu : participe du verbe
movoir, Voy, ce mot.
Ml : mes , moi , à moi.
Mi : moitié; par mi^ par
moitié , par le milieu.
Mi AUX : mieux.
Mie : pas , point , non.
MiEUDRE : meilleur.
MiLEU : milieu.
Mire : chirurgien , mé-
decin.
Misère LE : le pseaume
miserere.
Mite hypocrite.
MoE : moue , grimace ;
UH NEP
mais au vers 92^8 il est
mis pour la bouche
même.
MoiE : mienne.
MoiLLiE : mouillée.
M 01 L LIRE : femme, épouse.
Mois ( des ) : de long-
temps.
Mont : monde.
Monte : valeur, prix.
Monter : valoir, servir,
concerner ; à moi que
monte-, que me vaul ?
que m'importe ?
MoEAiNE : moraillon, lo-
quet.
Mors, mort : morsure; et
7683 , mordu.
Mors, morsel : morceau.
Moet (m'aura) : me fera
mourir.
Mortiex : mortel, cruH.
Mos : mou.
MosTELK : belette, fouine.
MosTiER , moutier : églisr.
3I0STRKR : montrer , faire
NOI
voir; mosterroies , tu
montrerois.
Moult : beaucoup.
MorsEE : mousser, épar-
piller.
MovoiE : remuer, changer
de lieu , aller , sortir ;
moi*oir unplet, chercher
querelle.
MucEE , mucier : cacher.
Muer : remuer , agir ,
changer; muet, il remue.
MuEET : il meurt.
MuiT : il crie.
MuETEiE : vers i36. Je
soupçonne qu'il faut li-
re , mestrie , science ,
savoir.
MusARDiE : sottise.
MusART , musarde : fou ,
étourdi.
MusEL : museau y face, vi-
sage.
Muser : regarder fixement
comme un sot, s'amuser
à des bagatelles.
N.
Nachf.s : les fesses.
Naie : non.
Naienz : rien.
Naïs : natif, originaire.
Narilles : narines.
Néent : rien , aucune
chose.
Néis : même.
Nel' : ne le.
Nenil : non.
Nfporqant , nequedant :
cependant , néanmoins.
Nés : ne les.
IVestie : il nettoie.
Neuer : nouer.
Niés : neveu.
Nis : même , pas même ;
nis un , pas un.
N«F : neuf, novem.
NoEz : noué.
Noient : rien ; por noient,
en vain, inutilement.
ONT
NoiF : neige.
Noise : querelle, dispute^
bruit de toute nature;
lever la noise , donner
Talarme.
NoisEus : querelleur.
Nos : nous.
ORT 389
Nou : non, ne.
NouAx : boutons ; mais ici
il signifie une. chose de
petite valeur.
Noz : notre, nos.
NuEVE : neuve,
0.
O : avec 5 où , adv. de lieu.
OciRRE : tuer, massacrer;
oci , tue.
Oe : oie, oiseau domesti^
que.
Oeille : brebis.
Oen : cette année.
Oent : ils entendent; oez,
écoutez, entendez.
Oiis : œufs.
Oi : j'ai, j'eus; j'entends,
j'écoute.
OiÀNCE : audience.
OïL : œil, yeux; oui.
OiRE , oirre : route , grand
chemin ; allée , train ;
• grand oire , prompte-
ment , grand train.
OiRS , héritiers , descen-
dans.
OiSEL : oiseau.
OiSELER : ch iw^er aux oi-
seaux.
Oit : il entend, il écoute;
ooît, il entendoit.
Om : on ; s'om , si on.
Ondéaitt : flottant, soule-
vant.
Oni, onni: égal.
Onques : jamais.
OsT (s') ; et ils ont, 2041.
Or , ore : à présent , alors.
Oràille : le bord, la li-
sière d'un bois.
Orains : il y a peu de
temps , an instant.
Orde : sale, dçshonnéte;
terme d'injure.
Ordené : qui a reçu les
ordres sacrés.
Ore : heure , hora.
Oriê : vent, aura,
Oreillier : écouter.
Or'endroit : à présent,
dans cet instant.
Orent : ils eurent , ils
àvoient.
Orgeult ( s* ) : s'enor-
gueillit.
Orguener : chanter, faire
de la musique.
Orine : origine, lignée.
Orle , orléure : bord, mar-
ge, bordure.
Ormel : orme , ormeau.
Orne (à) : de manière à
laisser des marques, très
fort.
Orrez, orroiz : vous en-
tendrez ; orrons , nous,
entendrons.
Ort : sale, puant.
390
PAR
PAR
Os : hardi ; dur os, grande Or : il eut , il avoit ; il en-
hardiesse.
tend.
Os : j'oses , tu oses ; c*osasty Ototikh : Octavien.
qui osât.
OscuRE : obscur.
OscuETi : obscurité.
OsMER : humer, flairer.
OsT : qu'il ose.
Otrai (rime) : 3 'octroi, je
consens ; otriera , il
conTiendra.
Oublie : oublie.
OuEH : cette année.
OsT : expédition militaire. Outrage : insulte, affront;.
armée.
OsTELER : loger , héber-
ger.
OsTiEx : outils.
OsToiER : faire la guerre, Outrer : passer outre,
poursuivre ; camper ; Oveg : avec,
mais au vers 5162a, il Ovre : œuvre, travail;
au vers 878 , paroit si-
gnifier excès de con-
fiance.
Outré : terminé, fini.
signifie prendre son
logement.
maïs au vers 1177 , il
ouvre.
OsTOR : autour , oiseau de Ovrer : travailler, opérer,
proie. entreprendre ; ouvrir.
P.
Paillier : tas de paille,
celle qui a servi de litiè-
re aux chevaux.
Palefroi : cheval de pa-
rade , de cérémonie.
Paliz : clôture faite avec
des pieux, des palis-
sades.
Palorde : je pense que ce
mot est mis pour fa-
lourde, conte fait à plai-
sir, tromperie.
Pan , panel : pan on bas-
que d'un habit.
Paor : peur, crainte.
Par : très , beaucoup ,
grandement; par vos y
tout seul.
Parcevoir : apercevoir*
Pardoihg : je pardonne.
Parekz : qui paroit; mais
au vers 8(92 il paroit
signifier exposé.
Parfin (à la) : enfin , à la
fin.
Parfont : profond.
Parlemeitt : entrevue ,
conférence , pourparler.
Parlèrent la traison : tra-
mèrent la trahison.
Parmaihe : 844^*
Paroient : paroissoient.
Paroler : parler, discou-
rir.
Parsome (à la) : à la fin ,
à la conclusion , enfin.
PEL
Pa&t : accouchement , par-
tus,
Pi&T (à une) : en particu«
lier.
PiRT (Tenir à) : partage ,
aToir part ; parte , qu'il
partage.
Pa&tancie : départ , sépa-
ration.
PiBTiE : partage, 2379.
Partir : partager; paru"
roiz , TOUS partagerez ;
partisiez , tous parta-
giez ; parton , parta-
geons ; partiz , partagé.
Pabtisoh , p€utisson : par-
tage.
PARTisséoR : celui qui fait
les partages.
Partuis : trou.
Par tos : tout seul.
Pasgor (tens d^) : le prin-
temps.
Passet : petit pas, pas lent.
Passioh: mal, douleur; la
maie passion , la colique
de miserere.
Patoger : marcher dans
la boue, dans un lieu
marécageux*
Patous : nom donné à
Tours à cause de ses
grosses pâtes.
PAUToirifiER : Til, coquin,
etc.
Pecun AILLE , pecune : ar-
gent , monnoie y biens.
Pel : peau; pieu, piquet,
poteau.
Pelice , peliçon : manteau
fourré , robe fourrée.
PLA 391
Pendaitt : descente, peu'
chant, colline.
Peniax : guenilles , habille-
ment ; trousser ses pe-
niaxy Inir , se sauTcr.
Psinns : plume.
Pens : je pense.
Pensis : pensif, reTeur.
Péor : peur , crainte.
Péor : plus mauTais,/?^*o/-.
PÉOROSy/Teoirror : craintif ,
peureux.
Per : pair, égal.
Pereceus : paresseux , né-
gligent.
Perniez : preniez.
Perrière : machine de
guerre dont se serroient
les anciens pour lancer
des pierres.
Pert : il paroît.
Pertuis : trou.
P&SAircE : peine , chagrin ,
malheur.
Pesaz : paille de pois.
Peser : fâcher, chagriner,
être à charge.
Pest : nourrit.
VtVypéue : nourri, rassasié.
PÉus : tu pus.
Peux : poil.
PiEz : pieu, piquet , levier.
Pilez : dard , javelot.
PiwTAiN , pinte : nom de
poule.
Pis : poitrine, gorge.
Place ( j*à Dieu ne) : à
Dieu ne plaise.
Plairz : blessé.
Plain , plaingne : plaine ,
campagne.
39a POI
Plain ( à ) : entièrement.
Plais : procès, accord,
convention.
Plaiséiz, plaissié ; clos,
parc fermé de haies.
Plaît : discours , conver-
sation.
Plaïz : plie , petit poisson
de mer.
Plançoit : branche de peu-
plier, de saule, etc.
Plenté (à) : en abondance.
Plentéive : abondante ,
bien garnie.
Plès : lieu où Ton tenoit
]es assises de la justice.
Plesiez : plié ; mais ici il
paroît signifier fatigué.
Plessié : bois taiHis , forêt.
Voy. Plaiskiz.
Plet : débat , discours ^
plaidoirie.
Plevir : assurer, pro-
mettre avec serment.
Ploi : pli.
Plot : il plut, il fit plaisir ,
placuît.
Pluet : il pleut.
PoDRE : poudre , poussière.
Poe : patte.
PoEST^ : pouvoir, puis-
sance.
Poi : je pus.
Poi : peu; jusqu'à poi ,
sous peu de temps ; par
un poi y peu s'en faut.
Poignant , poingnant :
participe du verbe
Poindre : piquer de Tépe-
Ton\ point, il pique.
Pois(desor son) : malgré lui.
PRE
PoiSE : terre ou pré dé-
pouillé; du mot de la
basse lut, pastica.
PoiSER. Fqy. Peser.
Poison : potion.
PoiST ( bien lui ) : qu'il
soit fâché.
PoisT : il pourroit.
PoNNOiT : pondoit.
PooïR : pouvoir ; poez ,
vous pouvez; poi, je
puis, je pus ; poisse , je
pourrois ; poïst , il put ,
il pouiroit \poons , nous
pouvons.
PoRCHAciER : poursuivre,
s'intriguer, chercher.
PoRCHAz : intrigue y entre-
prise , poursuite.
PoRLoiNCNiER : prolougcr,
différer.
PoRPENS : réflexion, projet.
PoRPENSER : penser, ré-
fléchir.
PoRpRis : enclos, jardin,
cour.
PoRQUERRE .* poursuivrc ,
chercher partout, fouil-
ler.
PoRRoiz : vous pourrez.
PoRT-GE : je porte.
PosTis : fausse porte.
Pot : il put.
Poudrière : amas, tas de
poussière.
PouïsT : qu'il pût.
Pox ( saint ) : saint Paul.
pRAEL , prée : pré , prairie.
Pramettre : promettre.
Premerain : premier.
Pred : près , proche ,
RAC
propè ; de preu enpreu :
de proche en proche.
Pretj ; profit , gain , avan-
tage.
Preuz : bon , avantageux ,
profitable.
Primes : d'abord, premier.
Prior : prieur.
Prive : compagnon , fami-
lier.
Privé EMEWT : secrètement,
en particulier.
Prodom : probe, prudent,
sage.
Proier : prier ; proi, je
prie.
RAI 393
Prolongues : prologue.
Provoire : prêtre , curé.
Proz : sage , prudent.
PuEWT : ils peuvent ;/?tte/,
il peut.
PuiR : empirer , devenir
pire.
Puis que : depuis que,
du moment que.
Pure (ce est la) : il faut
sous- entendre vérité ,
cela est très vrai.
Put , pute : puant , infâme,
mauvais.
Putement : vilainement ,
méchamment.
Q.
Qarrel : flèche.
Qasse : cassée ; qassié ,
battu, frappé.
Qoi : tranquille.
QuAiYQUE : tout ce que.
QuATiR ( se ) : se bloquer ,
se tapir , se cacher. *
Que w NE : dent.
Que que : pendant que,
quelque chose que.
QuER : car.
Querre : chercher , de-
mander , s'informer ;
querré , je demanderai ;
quesist , il chercheroitj
quiert, il cherche ; quist,
il chercha, il dwnanda.
QuESTRE : bâtard.
QuEx : quel , quelle.
Qui : se trouve souvent
pour à qui.
QuiDiER : penser, croire;
quii, je pense, il pense^
QuiL* : qui le.
QuiLLiER : cuiller.
QuouE : queue.
R.
Raghaz : galeux , teigneux, Raengon : rançon,
terme d'injure. Raiere : raie , sillon.
^9/1 AEC
Raiitb : grenouille.
Raiitiiaus : braocbes , ra-
meaux.
Rauoh (mettre à) : adres-
ser la parole.
RAMiuEB : branches d'ar-
bre.
Ramillb : petite branche
d'arbre, brouasailles.
Rampbe : grimper, monter.
Ramvoitbr : railler, se mo-
quer, insulter.
Rahdoh : Ti teste , prompti-
tude , violence.
Raohclb : tumeur , abcès ,
maladie de la peau.
Ratihb : impétuosité, vi-
tesse.
Raz : rats.
Re : cette syllabe qui se
trouve souvent devant
quelques verbes , est
Viterum des Latins, et
signifie derechef , en-
core une fois.
Ré : roi.
Rebors^b : rebroussée.
Rbbraceb ( ^c ) : se re-
trousser , relever ses
manches.
Reckpter : se retirer, ren-
trer dans son gttc.
Reget : retraite , forte-
resse, chÂteau-fort.
Rechingnier , recfUnier :
faire la moue; rechin-
gnier les dents, grincer
les dents.
Recluz : moine , ermite.
Recors : je nie souviens ;
me recort, il me souvient.
REM
Rrcrbiht, recréa : fati-
gué , harassé , lâche , pa-
resseux.
Recroibb (se) : se relâ-
cher, se lasser.
Recuit : fin , madré; en-
contre vezié rectdi : c'est
à peu près le proverbe
fin contre fin n'est pas
bon à faire doublure.
Repaisowbs : faisons de
nouveau.
Refreher : chanter un re-
frain de chanson.
Refroiuiez : refroidi , raf-
fraîchi.
Refus, 3oi4.
Recart (n'aiez) ; n'y
faites pas attention.
Regehir : révéler, con-
fesser , déclarer.
Regibbr : regimber.
RsGifi : règne, royaume.
Regors : rigole.
Rehuche R : rappeler.
Relet : il laisse de nou-
veau.
Rek AiHnaE : demeurer ,
rester; et dans un sens
figuré , cesser , finir ; jà
por ce ne reniaine y que
cela n'empêche pas^ re-
manez , remeingniez ,
restez, demeurez.
Remaitaht : le reste.
Remembre ( li ) : il lui sou-
vient.
Remès , remese : resté ,
demeuré, suspendu.
Remest : il reste; remes-
irent, ils restèrent.
RES
Rempl£ : il remplit de nou-
veau.
Remuer : changer , ôter.
RENCHâom : retomber.
Renglus. Voy, RsoiitTS.
Rehdaoiov I couvent) mai*'
son de religieux.
Rehuu : moine , religieux.
Renoer : renouer.
Rent-toi : fais-toi moine«
Réonge : ce mot paroit si-
gnifier une partie de
rhabillement de ces
temps-là.
Repairier ^ repërier : re-
venir , rentrer chez soi ,
retourner.
Repère : demeure 9 logis ,
retraite ; se mettre el re-
père , se retirer, rentrer
che2 soi.
RepoihoiTiez : piquez des
éperons de nouveau.
Repohdrb : cacher.
Repost y repus : caché.
Reprovier : proverbe.
Requeitu : reconnu.
Requbrre : demander ,
s'informer , rechercher ;
reqiUsisse > je deman-
dasseï
Requit : dur, bien cuit.
Rere : raser ; résonner ;
rés f rasé.
Rès-A-RÈs : entièrement ^
tout-à-fait.
Resgorre i sauver , déga-
ger; d'où
Rescous i action de déli-
vrer, de mettre eu li-
berté.
RIE 395
Resbus : filets , lacets.
Resite ( tenir ) t suivre Une
direction , un chemin.
RESoiNOlitBR : craindre ,
appréhender.
Resoit ( mettre à ) : parler,
adresser la parole à quel-
qu'uh.
Rbsortir : échapper, sor-
tir.
Respasser : guérir, se
rétablir , revenir en
santé.
Respit : terme , délai.
Respitié : différé, ajourné.
Respons : réponse, expli-
cation.
Resqeub , resquest : dé-
gage ^ secoure.
Restore : restaurer.
RËStORiEirà : rhétoriciens.
Resvertuer : reprendre
courage.
Reter : soupçonner, ac-
cuser.
Retor : retour.
Retraire , retrete : reti-
rer , raconter , dire ,
exposer ; retroiz , retiré.
RiÊusER ; reculer , aller en
arrière.
Revel : badinage , amuse-
ment.
Revelous : fier , hautain.
Reveitghier : venger.
Reverser : trousser, ren-
verser, anéantir.
Revêt : il retourne.
Revider : revoir, visiter
de nouveau; de vidfere.
Rien (une) : une chose.
^g6 SAN
RoBBR : voler, dérober;
robe, ▼olé.
RoBERRE : voleur, larron.
RoiALTAT : royantë.
RoiLLER : frapper d'un bâ-
ton ; da mot rontieilum ,
dans la basse la t.
Rois , roisel : rets , filets.
RoifT : il rompt.
RooiGiriER : raser, couper
les cheveux.
SEG
Ros : roux ; rouse , rousse.
RoTB : route , chemin ;
troupe , compagnie.
RoTRUEiroE : air, chanson,
refrain de chanson.
RovEa : prier, demander.
RovF.z : vermeil.
Ru : je jette , du verbe
ruer,
RuissEL : ruisseau.
S.
Sachibe : tirer, arracher,
secouer; sachie, tirée.
Saillir : sauter , sortir ,
paroi tre , avancer ; saU ,
saute , saillir sus ,] se
lever.
Saine (vois) : voix claire,
agréable.
S A i N E R , saingnier : saigner,
perdre du sang.
Saingnier (se) : faire le
signe de la croix.
Sains : cloches.
Saintefié : sanctifié.
Saintisme : très saint.
Saintuerb : reliques.
Sairement : serment.
Sajete : flèche; sajete bar-
belée y flèche garnie de
plumes à Textrémité.
Salt : il saut, du verbe
saillir.
Samit : étoffe de soie qui
étoit brochée de fils d'or
ou d'argent.
Sane : synode, assemblée
ecclésiastique.
Saron : nous saurons.
Saudeez : vous sortirez,
vous viendrez , du verbe
saillir.
Sauf (en) : en sûreté, à
Tabri.
Saut : il sort , il paroit , il
saute ; saut sus , il se
lève , du verbe saillir.
Saut ( Diex vos ) : Dieu
vous conserve , vous
sauve.
Sauz menuz ( aller les ) :
marcher «n sautillant.
Savoir ( faire ) : agir pru-
demment, sagement.
Savor : sauce, assaisonne-
ment.
Savorbus : agréable, sa-*
voureux.
Séant ( en ) : étant assis.
Seceure : il secoure.
Seel : sceau, cachet , sigil^
lum ; seau , vase qui sert
à puiser , de sitellum,
Segur : assuré, sans in-
quiétude.
SEU
Seignier : faire le signe
de la croix.
Seille : seau , vase.
Séir : s'asseoir, se placer.
SÉisT : il convint, du verbe
seoir,
Sejor ( estre à ) : être li-
bre, en repos; plain de
sejor y frais , dispos.
Sel' : et le, et il le.
Selonc : le long, auprès.
Semaines ( des ) : de long-
temps.
Semonce : invitation, aver-
tissement.
Semondre : presser , exci-
ter.
Sempres : aussitôt , d'a-
bord , toujours , semper.
Séné : sensé , sage , pru-
dent.
Senestre : gauche.
Sente : chemin , sentier.
Sentele ; petit sentier.
Sere : je serai.
Serement : serment.
Se RI : agréable, tranquille.
Sériant : domestique, ser-
viteur.
Sermonier : avis.
Seroiz : vous serez ; sero-
mes , nous serons.
Serondé : enveloppé par
une grande abondance
de glaçons.
Serreement : à l'étroit.
Sers : serviteur, valet , es-
clave.
Set : il sait.
Seue : sa , sienne.
Seus : seul.
SON 397
Seut : il suit.
Seut , seult : il a coutume.
Seuz : sureau, arbrisseau ;
sentier.
Sez : sais-tu?
>Si : ainsi ; ses ; et il.
SiET : il est assis , placé ;
il plait, il convient.
SiEURE : suivre ; sieu moi ,
suis moi ; sieuré,je sui-
vrai ; sieut , siut , il suit.
SiST : il convint , il fut
agréable, du verbe seoir.
SoAVET : doucement.
SoDoiER : soldat , homme
de guerre.
SoÉ : gracieux, agréable.
SoFFERoiE : je souffrirois ,
je permettrois.
SoFFRiR : se contenir , at-
tendre.
SoFiciENT : suffisant.
SoFRETEUs : qui est dans
la disette , privé de ce
qui lui est nécessaire.
Soi : je sais, je sus.
Soi : soif, sitis.
Soi , soif: haie , palissade ,
sepes, 1349. 3ooi. 9087.
SoiEz : coupés , sciés.
SoiL : seuil d'une porte.
SoiLLE : il salit , il gâte ;
soiliiez, souillé.
Soiomes : nous soyons.
Sol : seul.
SoLEz : vous avez coutume;
soliez , vous aviez cou-
tume , du verbe soloir.
Son soit : qu'il soit à lui.
Son { en ) : en haut , des-
sus.
3y8 TAN
Suifr.T : petite chanion.
Son : tur, iuper.
SoBCiiFTB:etpèce decctn-
lure fort large.
SomcoT : maDtean, Téle-
ment qui se meitoit par-
dessus la cotte.
.SoBDE : tonrda.
SoarET ; crime, forfait.
Sobheubk : tonnnenter ,
vexer , mal mener.
SoBroataa porter à
SoBPBF.SDKB : surprise,
Sot : il sait , il sut.
SouAiT : souhait, désir.
SoucniBB : établir, fonder
des soupçons.
Sounis : paiement, récom-
pense, solde; en toudée,
à la solde , aux gages.
TEN
ÎJouBr ; doux, agréable,
doucement.
SoDricHiEB, soiffaichier :
soulever ; à ce que je
SourEBiB : l'abstenir, se
priver ; mais au vers
3976 souferra , suppor-
tera ; or vos soi^rez ,
attendez. g8i.
SooraitiR : misère , di-
sette, pauvreté.
SouciTE : sajètc.
Sou LAI : plaisir, récréation.
SouLZ : boule , ballon.
SouLEUs : soleil.
SonuEE : vous aviez con-
SoarOHBH : soupeser.
SouviH , tovin : couché ,
renversé sur le dos.
SoE : sous.
Tjlbobib : bruit de tam-
bour, grand bruit.
Taisir : taire, mais au vers
8R3a,iil<>nce.
tanière.
Tii. : tel, telle chose.
Taleht : volonté, désir,
(se) : se tourmenter.
i(par] : avec le temps.
m Q*NT : en aucune
TiitTKt : tant , un si grand
nombre.
TisSBL: il paroît qne c'étoit
untndivida dont la mau-
vaise foi étoit passée en
proverbe.
Tbnpbstbb : ravager,
Tbhce : dispute, querelle.
Temceh, lencier : querel-
ler, disputer, répriman-
TsicnBA : il tiendra ; ten-
TOO
drai^ je tiendrai ; ten-
drez vil , vous méprise-
rez, ferez peu de cas;
tenissej j'eusse tenu.
Tendrier , tenre : tendre ,
délicat; attendri,
Teitser : protéger, soute-
nir, défendre.
Tentir : retentir , faire du
bruit.
Terdre : frotter, essuyer.
TERMinE : temps, aaisoq.
Terrail : rempart, fossé.
Terrier : ce mot est mis
ici ( yers 1 690 ) pour la
terre.
TESMOiHGNéEUR : témoin.
Tesniere : tanière.
Tessiez : taisez-Yous.
Teue : ta, tienne.
Tierz : troisième.
TiEUS , $iex : tel.
Tire (à) : tout droit.
TiRON : nom d'un village
dans la Beauce , où il y
avoit une abbaye de bé-
nédictins, fondée dans
le commencement du
douzième siècle.
ToAiLLE : serviette, nappe.
TocHER : toucher.
Toise ( corre à ) : courir
grand train.
ToLAiTE, tolete : ôtée, en-
levée.
ToLiR : ôter, enlever, ra-
vir; tolsist, qu'il enle-
vât.
Ton: à toi, tien. 533 1.
TooiLLiER (se) : se rouler
dans quelque chose.
TRA. 399
ToR : tour, finesse; une
tour.
ToR, torel : taureau.
ToRVOiAHT : tournant, mis
ici au lieu de piège.
Tort : il tourne ; ne m* en
tort y je ne m'en vais.
Tort, torte : tordu; en
tort y de travers.
TouAiiiLiER. Foy» TooiL-
LIER.
Toucher : piquer de l'é-
peron.
TounRA : ôtera , enlèvera ;
toudroie , j'6terois ; tou-
droies , tu enleverois ,
du verbe toUr,
Toutefois : excepté.
Toz : tous ; toz tens , tou-
j ours.
Tracer , trader : suivre à
la trace , poursuivre ,
chercher.
Traïn : allure ; mais au
figuré , penchant , incli-
nation.
Traire : tirer, déclarer,
donner, dire; treùez-vos
ça , venez ici ; traitez ,
vous tiriez ; par çà trai-
rez, vous viendrez ici;
traisist, qu'il tirât; mal
traire, souffrir.
Traite , traïtor : traître.
Trametre : envoyer.
Traitglotir : dévorer , en-
gloutir.
Trape : piège.
Traveilliiî : tourmenté.
Travers : détours, sen-
tiers.
4oo VAI
Trk : irait, chemin, terri-
toire.
Treble (à) : trompette.
TasBUCHica : renverser ,
faire tomber.
TaRF : poutre, solive ; mais
au "vers 8484 y tente ,
pavillon.
Tasas. Voy, TaAiaa.
TaESCBE : danse , bal.
TaRscHiER : danser.
Treslue : ruse, finesse,
tour de passe-passe.
Trespas : passage étroit.
TaESPENsi : pensif, rêveur.
Tresque : jusque.
Tressaillir : franchir ,
sauter par-dessus ; tres^
saut , il saute.
Tressuer : suer abondam-
ment, peiner, souffrir.
Trestorner : aller et ve-
nir, écarter, retourner.
Trestoz : tous.
Tret : trait.
Trrt, trez : partie, du
verbe trere, V, Traire.
Treu : trou.
VAL
Ta EU : tribut, subside,
impôt.
TaiEGE ; terrain , place.
TaisTaix : Tristan, héros
d'un roman de ce nom.
TaivB : trêve.
TaoBAT (nos) : nous trou-
vons.
TaopÉ : troupeau.
Troton : le trot , allure de
cheval.
TauBLE : sorte de filet pour
la pèche.
Trueve : il trouve; truissCy
qu'il trouve ; truisson ,
nous trouvions.
Trusque : jusque.
Trut : tour , finesse ; mais
il paroit être ici une
exclamation.
Tue IL : tuyau, canal; je
crois qu'il signifie ici un
champ de froment, de
tuella y dans la basse la-
tinité.
Tuen : tien , ton.
TuiT : tous.
TuMER : tomber.
Uel : œil.
UÉs : œufs.
Uevre : œuvre.
Ui : aujourd'hui.
U.
Ui , uis : porte, ouverture.
Uller : hurler.
User : avoir l'habitude.
UsuRER : prêter à usure.
V.
Vaille : il veille , il garde. Vaingniez ( bien ) : soyez
Vain : foiblc, abattu, sans le bien-venu,
force. Valt : il vaut.
VES
Vanvole : chose futile ,
de néant , à laquelle on
ne ^* fait aucune atten-
tion.
Vassax : vassal.
Vautre : chien de chasse
pour courre les bétes
noires.
Vavassor : arrière-^vassal ;
mais paroît ici signifier
fermier.
YÉABLE : visible.
Yé ANz ( ses iauz ) : en sa
présence.
Véel : veau ; véelet , petit
veau.
VièER : empêcher , refuser,
défendre.
VÉEZ : vous voyez.
Vels : tu veux ; velt , il
veut.
Vendra : il viendra ; ven-
drons , nous viendrons.
Venéor, vénères, rémé-
rés : chasseur.
Venistes : vous vîntes.
Venter : souffler,
Ventrillier : se coiicher
sur le ventre.
VÉoiENT : ils voyoient.
Vergonder : couvrir de
honte , déshonorer.
Vermoille : vermeille ,
rouge.
Vers ( de ) : des environs.
Verseillier : réciter des
psaumes.
Verser : pleuvoir à verse.
Verte : vérité.
Vesié : fin, rusé, adroit,
Vespres : le soir.
I.
VOI 401
Vessel : vaisseau,. vase>
Vet : il va.
Veue : jugement, enquête,
examen.
Vez : voyez , voilà.
VEZiiâ. Voy. Vesiié.
Viaut : il veut.
Vi autre. Voy\ Vautre.
ViEX : vieux, vieille; de
viez, depuis long-temps.
Vilain : paysan, labou-
reur, fermier.
Vilanie : action basse et
infâme , outrage, injure ;
malpropreté.
Vile : village , ferme ,
villa.
Viltance : honte , affront ,
mépris.
Viola TE : violé.
Vis : visage , figure , face.
Vis : avis j ce m *est vis ,
il me semble ; que vos
est vis? qu'en' pensez-
vous?
Vis : vif, vivant.
Vis , viz : vil , abject , mé-
prisable.
ViTAiLLE : vivres, alimens.
Vite : agile , alerte.
ViTUPARAR : blâmer, mé-
priser.
Vivre : vipère.
Vo : votre.
Voie : chemin ; se mettre
à la voie , partir , s'en
aller.
VoiER :. conduire, diriger ;
se Diex me voie , si Dieu
me guide.
VoiL : vouloir , volonté.
26
4oa VOL
Yoiif-CB : je veux.
y 01 a f voire : vérité , ▼rai-
ment , vrai.
Voias : même.
VoiSDiB : nue, artifice,
subtilité.
VoiSB : qu'il aiUe ; si voise^
je, et je m'en vais.
VoiSBVft : prudent, sage ,
VoiST : q[u'il aille.
VoLDBBHT : ils Youlurent ;
vou
volait f il Tonloit ; 7)oli ,
il voulut.
VoLTom : vautour.
Vos : vous.
VosissB : je vondrois ; vo-
sissent p ils eussent vou-
lu; Tfosistes, vous vou-
lûtes.
VosTEBE ( se ) : se veau-
trer» se rouler.
Voue ( rime) : voie.
VouT y vuie : il veut.
riN DU CLOSSAIEE DU TOME PEBMIEE.
TABLE DES BRANCHES
CON.TENUES
DANS LE PREMIER VOLUME.
Avertissement de l'Éditeur Poge y
C'est la branche de Renart et d'Ysengrin com il issirent
de la mer i
Si conme Renart manja le poisson aus charretiers. 29
Si conme Renart fist Ysengrin moine 36
Si conme Renart fist peschier à Ysengrin les an-
gailes * 44
Si conme Renart prist Chantecler le Goc 49
C'est le desputement de la Mésange avec Renart... 6S
C'est de Tybert le Chat et des deux Prestres 95
Si conme Renart coupa à Tybert la queue loi
Si conme Renart fist Primant le frère Ysengrin pres-
tre 114
Si conme Renart et Primant vendirent les vestemens
au Prestre por un Oyson 189
C'est de Renart et d'Ysengrin et don Lyon com il
départirent la proie i8i
Si conme Ysengrin parti la terre aus deus mou-
tons ^36
Si conme Renart fist avaler Ysengrin dedenz le puis.
a4o
De l'Ours et du Lou et du Vilains qui monstrerent lor
eus 261
4o4 TABLE DES BRANCHES.
De Renart , si conme il conchia le 'Corbel du frou-
mage P^^ 267
C*est de Prestre Martin et du Lon Ysengiin. . . . ayS
C'est de la Jument et de Tsangrin* a8i
C'est li songe Renart si conme Ysangrin le bâti. . a85
S» conme Taengrin s'ala plaindre de Renart â la Cort
le Roi 307
Glossaire 369
FIN DE LA TABLK DU TOME PREMIER.
ERRATA.
Ver» 5oa
rons.
lisez
, rous.
853
trêve,
uevre.
«479
crenti
erent.
ai3i
a restez-T08,
arefttez*vo9.
i6a4
guerre,
qnerre.
3703
vos.
nos.
>909
sienre ,
sieure.
3754
longne ,
longue.
5437
sauz,
sanz.
5696
«i»
li.
8767
Bichier,
Ricbier.
'I.
k
1
r-^-
T^;ww